Monday, October 27, 2008

À Franz-Anton Cramer

Pour autant que je puisse en juger, ça m'a l'air excellemment traduit, beau travail, merci !
Oui, pour les étudiants qui ne voient que comme ils voient, c'est difficile, tu es dans une situation émouvante, Franz-Anton... Tu n'es pas psy (et même en l'étant, ça prendrait pour chacun sans doute plus longtemps que le temps dont l'école dispose). Ça me fait penser aussi à la situation de Barack Obama qui doit convaincre au moins la moitié des États de voter pour lui. À nous tous (les Européens), ça nous paraît évident, mais pour les Américains, pas du tout et s'ils l'élisent ce sera – comme disait un auteur dans « Libé » hier – en dépit de notre enthousiasme (à nous les Européens). Il faudrait que les étudiants trouvent leur voie en dépit de tous nos efforts pour la leur indiquer. En attendant, on ne peut que répéter les mêmes phrases encore et encore. Genre : « Au lieu de vous passionner à ce point pour la moitié vide du verre, intéressez-vous (pour changer) à la moitié pleine... » Etc. (Celle-ci, tu peux la leur dire de ma part.) Ou encore : « Moins de jouissance, plus de réjouissance. » (Un slogan.) Il est vrai que je tiens tout ça (cette pacotille, ce vademecum) de mon psy, j'ai pas trouvé tout seul...
Evamaria, elle aime ferrailler, elle aime l'argumentation, ça l'enthousiasme, c'est son côté garçon (imagine-t-elle), mais elle est capable d'entendre – et d'apprécier– l'argumentaire de la partie adverse. On peut la retourner ainsi assez joyeusement (en prenant une heure ou deux). Donc c'est très bien, faut qu'elle garde ça. Ce qu'elle pourrait gagner, c'est dans la capacité d'abandon, mais, ça, ce serait accepter plus de sa féminité (l'abandon : qualité féminine), c'est pour ça que je n'osais pas trop insister (et tu me connais, les filles me sont plus mystérieuses). Sur les « outils » et les « trucs », ça, je leur en ai bien parlé. Pour moi, il n'y a qu'une méthode valable : Actors Studio ; à part ça, il n'y en a pas : chacun invente pour lui-même une méthode différente de celle de son voisin. Pour les trucs, j'ai aussi insisté immédiatement - j'ai résumé les grands principes à la notion de plaisir (et ensuite : tout est possible). Il s'agit d'artisanat et souvent un « truc » déclenche le possible, nombreux exemples, un élément de costume, etc. On touche à des choses inconscientes, alors... Si ces choses sont vraiment inconscientes, de la folie et de la mort, par exemple, c'est à dire de choses dont on ne sait rien, il ne peut s'agir – pour agir – que de « trucs ». Claude Régy (citation rare) : « La mort, pour moi, ça n'a été qu'un « truc », c'était parce que je trouvais que c'était plus beau sur un plateau de voir des gens à la fois vivants et morts. »
En plus de Felix, il y en a une avec qui j'aimerais bien retravailler en dehors de l'école, c'est Tümay. Elle – en un sens – a tout compris – et mieux que moi – de ce blablabla de cette notion de plaisir. Elle est extra ! Totalement douée pour moi. On est allé un peu tard au costumier, mais elle est la seule à être venue et elle a trouvé trois ou quatre ensembles très différents qui lui allaient à ravir et donnaient envie de lui inventer plein de choses nouvelles, on a juste eu le temps de rajouter la scène du début qui était sans doute ce qu'il y avait de mieux dans le spectacle...

Ensuite, il y a aussi une manière : leur parler en poésie. Ci-dessous un extrait d'un texte de Berlin qui reprend beaucoup de choses déjà dites plus analytiquement (et aussi par d'autres !)

Par exemple cette phrase : « On ne peut presque rien voir à travers les persiennes de la culpabilité. » s'applique complètement aux étudiants (sauf Felix, sauf Tümay qui ouvrent grand leurs fenêtres). Etc.

Insister sur l'inconscient, sur la poésie et leur dire qu'ils ont eu beaucoup de chance de travailler avec moi et que je suis conscient d'avoir moi-même eu beaucoup de chance de travailler avec eux – que j'ai beaucoup appris, que j'ai affiné mes « outils » et que c'est un échange, c'était un échange – comme disait Jacques Lacan : "Les sentiments sont toujours réciproques." - et donc que ça ne peut pas être pour eux complètement négatif. Et retomber sur le verre mille fois vide à moitié et mille fois si plein, etc.
Bises, très cher

Yvno

« Participer juste pour ne pas ne pas le faire », oui, Evamaria et An m'en ont parlé comme ça - et je leur ai dit que c'était déjà ça ! Qu'elles pouvaient en effet s'appuyer là-dessus, que ça semblait pour elles être un terrain assez solide pour qu’elles y bâtissent le camp de base de leur confiance (toujours revenir aux mots importants...) (Le contraire de Bartleby...)






SATURDAY, OCTOBER 18, 2008
Le peuple noir (Le lépreux désezpéré, suite)

La chambre idéale. On ne peut presque rien voir à travers les persiennes de la culpabilité. Mais quand même, mais quand même… Les livres morts, les livres vivants (some of them), plein d’oracles, plein d’alephs. Les livres ouverts sur la table, still open on the table.
Un amour le rendait fantomatique. Pauvre fantôme… La beauté est facile et partout. Soyez sans peur et sans reproche. Un triangle qui est aussi une sphère.
A kiss exchanged. De la coke aux chiottes. Ces grandes gares traversées de soleil. In winter, it can be very cold here… from Russia…the frost. Royaume de France.
Regarde le contre-jour par la fenêtre… non, l’autre. Le soir, le pull, le soir. La cavale invisible. Regarde Bruxelles, tout ça, la Suisse… Sometimes the present. L’obscurité et sa poussière.
Reste cet éléphant dans la pièce que personne ne voit. Selling cars. Le dos, la chair. Miss Grosses Lèvres (je veux dire : belles). Naked women pour figurer le désert. Dans une nuit de désert, un peuple noir habillé de smokings. Tuxedoes.







27 oct 08.


Photo Hélèna Villovitch.

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