Sunday, January 13, 2008

Le cadavre vivant, de Tolstoï

Fragments des critiques de la pièce montée par Julie Brochen au Théâtre de l'Aquarium.



"Valérie Dréville (Lisa) arbore le sourire du chat d’Alice au pays des merveilles, suspendu, comme détaché du visage et du corps, ignorant des circonstances. Un excès de bonté et d'éducation, la joie d'un accord sans mélange avec elle-même. Yves-Noël Genod (Victor) est Monsieur Sourire bis, porteur de l'ambiguë suavité d'une vie sans faute."
"Le Monde", Olivier Perrier.

"Cela n'a rien d'une cérémonie funèbre pour autant, les fantômes ne mendient pas la compassion et Julie Brochen n'a pas le goût du mélodrame. Ainsi, à l'acte V, quand Lisa (Valérie Dréville), épouse de Fédia, et Karénine (Yves-Noël Genod), l'ami devenu le second mari, reçoivent la lettre qui annonce la catastrophe... Un indicateur de police a entendu la confession de Fédia dans la taverne, Lisa est convoquée chez le juge, elle risque la prison et la déportation pour bigamie. "Elle sanglote", dit Tolstoï. Sur le visage de Valérie Dréville, nulle crispation, aucun nuage pour ternir la lumière, pas de tremblement dans la voix. Mais le sourire de Dréville, renforcé par celui de son partenaire, constatant d'une voix égale : "C'est affreux", vaut tous les sanglots."
"Libération", René Solis.

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Mes souvenirs

(Texte en cours.)

(Oh ! Je vois à l'instant que tu écris tes souvenirs; quelle heureuse idée !
Déjà, ça semble passionnant. Continue ! Avec tes mots de sublime, chef
d'oeuvre, beauté, tout ça. Je commence à comprendre ! Et j'adore ! Je
t'embrasse, bel amour. h)








Tout a commencé par Loïc Touzé. Oui. C’est le début de tout, c’est le début de cette histoire. En ce sens que si Loïc Touzé ne m’avait pas proposé de faire un spectacle, un solo, pour une carte blanche qu’il avait au Lieu Unique, à Nantes, je crois encore que je n’aurais jamais rien fait. Loïc Touzé avec qui je travaillais depuis dix ans m’a proposé ça parce que nous avions fait un spectacle que nous avions tous adoré, qui s’appelait Morceau et qui était un quatuor où chacun des membres, par la magie d’une distribution qui s’était « trouvée », avait l’impression de faire son propre travail, d’intervenir comme pour son propre spectacle. Quand Loïc Touzé a eu l’opportunité de présenter, autour de Morceau, un ensemble de choses, il a naturellement invité les spectacles déjà existants de Latifa Laâbissi et de Jennifer Lacey et il m’a demandé d’en créer un à mon tour. Ce fut un bonheur ! Le seul travail personnel où j’ai été payé (Loïc Touzé a toujours eu de l’argent à distribuer généreusement). Et puis tous mes amis, tous mes amis que j’ignorais même comme amis, mais qui eux m’estimaient, qui croyaient en moi sans que moi, comme je l’ai dit, je crois en moi plus que ça, se sont proposer de m’accompagner bénévolement, qui à la lumière (Yannick Fouassier), qui a la mise en scène et au texte (Pascal Tokatlian), qui… je ne me souviens plus des autres, à l’instant, mais ça va me revenir. Jonathan Capdevielle était là aussi, déjà, et bénévolement, lui aussi, mais, là, c’est moi qui le lui avais demandé, au tout dernier moment. Il faisait mine d’arriver en retard dans le spectacle – en fait, il arrivait aux saluts – j’avais commencé à me faire applaudir, saluts qu’il me volait en chantant a capella, mais comme exactement calé sur la musique, à la perfection, Vanina de Dave. Quel bonheur, ces saluts et cette réussite ! En quelques heures, j’étais internationalement connu à Nantes, une vedette ; l’équipe du Lieu Unique, dans la panique, voulait absolument prolonger, mais Jonathan devait repartir et je ne voulais plus jamais rien faire sans lui ! C’est à ces débuts que le directeur du Lieu Unique, Jean Blaise, que j’avais vu rire à visage merveilleusement ouvert toute la représentation (jamais je n’oublierai ce visage) a dit, propos qui m’ont été reportés : « Il est génial, mais il va se faire récupérer très vite par le show-biz. », phrase qui m’a bercé d’illusions pendant des mois… puis des années, puis des siècles, le soir avant que je m’endorme… Le spectacle s’intitulait : EN ATTENDANT GENOD, titre merveilleux, vous ne trouvez pas ? Ma psy le trouvait très bien, ce titre, très juste. C’est aussi un peu grâce à elle que j’avais commencé à penser à faire quelque chose. Étonnée sans doute de la drôlerie de ce que je racontais obsessionnellement sur les homosexuels, elle m’avait suggéré d’en faire un one man show. Je lui avais même apporté, une fois, et lu, mes premiers essais d’écriture sur ce thème ; on en retrouvera quelques traces dans le spectacle finalement présenté. Avec ce spectacle, j’ai perdu un ami, Pascal Tokatlian, finalement déçu par ce que j’y faisais, perdu une amoureuse, Stéphanie Farison, comédienne, agacée par mon occupation soudain à plein temps, mais été entièrement adopté par une ville toute entière, une ambiance, Nantes, ou plutôt le triangle entre l’Hôtel de la Duchesse Anne, Le lieu Unique et la rue Bourré contenant le club de sport et le club échangiste, L’Orchidée Noire pendant un mois de juin le plus beau qu’il m’ait été donné de vivre de toute ma vie – et j’y ai immédiatement fait la rencontre d’une fille délicieuse avec des seins, un sexe (beau comme un poisson) pour l’un des plus beaux étés de ma vie, ensoleillé, naïf, arty, sur les bords de mer ou dans la ville vidée, ombragée, sur les places, avec Anne de Sterk, plasticienne, douce et coquine et, sur le moment, une fan.

L’année suivante, c’est Patricia Buck qui me propose de revenir à Nantes pour son festival Le Livre et l’art, avec très peu de moyens. J’ai d’abord l’idée de transformer Jonathan Capdevielle en Juke-box vivant, il en a la capacité, mais il lui faudrait apprendre peut-être une centaine de chansons, l’entreprise nous paraît démesurée – ou bien la confiance n’est pas encore assez forte entre Jonathan et moi. D’autre part, je viens de travailler avec Julien Gallée-Ferré pour une performance avec l’œuvre de Micha Derrider, La garde robe à danser, au Frac de Nantes, où nous nous sommes mis à improviser au micro des paroles de chansons sur des CD qui se trouvait là, Enya, n’importe quoi… D’autre part encore, je suis au ski avec Thomas Scimeca, à Megève, après la tournée du spectacle de Julie Brochen, Le cadavre vivant que nous venons de faire ensemble sans vraiment nous rencontrer : moi, dans un très grand rôle, avec Valérie Dréville comme partenaire, lui, dans un très petit rôle. Et tout d’un coup, sur le télésiège, il se met à fredonner des bouts de choses : très doué, très musicien, très belle voix, je lui propose instantanément de me rejoindre : j’ai mon boys band, le voici, Patricia est d’accord, il y a aura un peu plus d’argent pou nous quatre. Il faut trouver un titre, très vite, dans le TGV, je pense à GROUPE SAINT AUGUSTIN, j’appelle de la plateforme Claude Régy : qui était Saint Augustin ? – Un type bien. C’est lancé. Thomas qui débarque, au bout de deux heures de répétition, veut repartir. Ce n’est pas pour lui. Eh bien, il est toujours là, voyez ! Le principe est simple, donc, on passe des disques et on improvise des paroles (en français), on enregistre en même temps ces improvisations, plus tard on apprend les chansons ou on les repasse pour les chanter en play-back. On peu aussi rechanter en direct sur les enregistrements. C’est du système D. On fait des clips. Plus tard Philippe Katherine qu’à l’époque nous ne connaissions pas, juré-craché, écoutera une compilation de nos chansons offerte par Julien et il dira : « J’ai écouté le CD deux fois de suite, j’étais entre l’effroi et l’émerveillement. » C’est en effet effroyablement et merveilleusement, je dois maintenant le reconnaître, dans l’esprit merveilleux et effrayant de Philippe Katherine. Alors on joue deux fois, dans un sous-sol (qui a maintenant été transformé en hammam, m’a-t-on dit) devant deux fois cent cinquante personnes. C’est un succès, mais mon public, celui du one man show, est désarçonné : il ne reconnaît pas ce qu’il a adoré quelques mois auparavant. Il ne comprend pas pourquoi je suis ailleurs. C’est le début d’un jeu du chat et la souris avec le public que je chercherai toujours à surprendre, à amener ailleurs où je ne suis pas, où je suis peut-être, c’est comme ça que moi, je vois les choses : surprendre, chercher toujours à surprendre. Au risque de déplaire. Ne pas répéter ce qui a été déjà exploré, en général très bien, dérouter.

Ce qui fait que, quelques mois plus tard, quand Loïc Touzé, à l’époque l’un des dirigeants des Laboratoires d’Aubervilliers nouvellement créés me propose de reprendre le one man show, je lui propose illico le groupe de musique que je viens de créer. Il n’en veut pas, il insiste pour le one man show. Mais « je » suis devenu « nombreux ». « Je est un autre. » Trois soirées sont prévues. Puisqu’il veut un one man show, je lui en ferai un, un nouveau, le premier soir, ce sera : POUR EN FINIR AVEC CLAUDE RÉGY, puis, le deuxième soir, je ferai, puisque bon me semble, LE GROUPE SAINT AUGUSTIN ON ICE, puis, le troisième soir (Jonathan Capdevielle n’étant pas libre), je ferai encore autre chose : le projet ou plutôt l’évocation du projet UNE SAISON EN ENFER refusé quelques temps auparavant par François Le Pillouer. Paris est attaqué et ne s’en remettra pas ! Un autre principe se met en place : toujours proposé plus que ce que l’on me demande. Nous sommes dix en scène ; il y a trois spectacles. Finalement, nous jouerons les deux premiers dans la même soirée pour pouvoir les jouer deux fois : trois heures de spectacles plus entracte. La plus belles des choses , pour moi, c’est le premier, Pour en finir avec Claude Régy, c’est celui où il y a le plus d’enjeu, le plus de sens, où la forme est la plus aboutie, totalement surprenante, très belle, très simple, directe et onirique.

Z’AVATARS – le titre avait été trouvé par ma cousine Hélène aujourd’hui disparue, était le spectacle qui a suivi les réussites d’Aubervilliers. Je pensais qu’il me fallait aller plus loin, je voulais un décor, une pelouse verte, du brouillard stagnant, des gardes du corps, des images moyenâgeuses, mais le spectacle a trouvé son sens dans la résistance : rien de ce que je voulais dire ne voulait se dire – et ce qui s’est dit – le sens – à été très douloureux à se dire. C’est le seul cas où j’ai souffert en faisant un spectacle, j’ai vraiment souffert, j’ai vraiment souffert parce que je crois que c’était ça le sujet. Je ne peux même pas en parler. Je crois que Z’avatars a été un spectacle étonnant, mais c’est un spectacle dont il n’y a plus aucune trace, aucun enregistrement ni vidéographique ni photographique ni sonore et je dirais même que, d’une certaine façon, ses traces se sont effacées de ma mémoire. Je sais de quoi traitait le spectacle – de l’abandon, de la déréliction – mais je ne sais pas quel était le spectacle. C’était l’expression d’une douleur personnelle. Julien Gallée-Ferré y racontait, à la fin, l’histoire d’Œdipe. Quand Œdipe, les yeux crevés, parti avec Antigone, après que tout se soit définitivement passé, lui demande, à un moment, de le laisser : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre. », et qu’il continue sa route dans une parfaite solitude – cet espace que Lacan appelle « le désir » – avant d’entrer aux Hadès. La lumière artificielle du spectacle diminuait progressivement au fur et à mesure de ce lent récit détaché et la découpe des fenêtres de la salle où se jouait ce spectacle apparaissait progressivement encadrant de leur lumière réelle, extérieure l’acteur encore à respirer sur la scène. Une émotion.

DIOR N’EST PAS DIEU m’a valu une menace de procès de la part de la Maison Dior. Il a fallu changer le titre in extremis. Ce fut : Lacroix n’est pas Dieu, mais le premier titre est resté en mémoire. Ce fut un joyeux bordel. D’une audace ! C’est la captation vidéo que je préfère voir et de loin : je n’en crois pas mes yeux. « Tout Paris » était là à cause du succès bouche-à-oreille des spectacles d’Aubervilliers (surtout de Pour en finir avec Claude Régy) et ce fut mon spectacle le moins répété. Je dirigeais les comédiens – certains trouvés dans le métro – en direct et à vue. C’était un plaisir d’improviser avec mon « assistante » Françoise Ferraud devant tout Paris. On s’est bien marré ! De très beaux moments d’anthologie comme la danse des slips de Julien Gallée-Ferré commenté par Thomas Scimeca et Hervé le Roux. Hervé Le Roux (en deux mots, noblesse bretonne), je l’avais rencontré au BHV désert de la rue de Flandre entre chez moi et la Villette. Il animait les soldes et se promenait entre les rayons en improvisant avec un micro sur ce qu’il découvrait. Des choses merveilleuses qui m’avait fait dresser l’oreille. Comme : « …Ce sont des fleuves de diamants au prix du ruisseau qu’on vous vend là… » ou « …Alors ça, se sont des nappes anti-moustiques, c’est merveilleux, surtout quand il y a des moustiques, évidemment… » Je l’avais cherché entre les rayons et après que je l’aie interrompu pour lui demander ses coordonnées pour l’engager pour mon spectacle, il avait tourné les talons en reprenant : « C’est l’bonheur, c’est l’bonheur, c’est l’bonheur, c’est les soldes ! » Hervé Le Roux a fait plusieurs spectacles avec moi dans le style bonheur et solde. J’ai voulu en faire une star, mais je n’y suis pas arrivé (et j’y ai un peu renoncé).

HOMMAGE À CATHERINE DIVERRÈS utilise un texte intitulé : Émotion à fric (incipit). C’est un texte très curieux ou, tout au moins, qui est apparu d’une manière très curieuse puisqu’il s’agit du rebut d’un très long essai textuel qui ne servit pas. Je me démenais avec ce premier texte depuis de longues années sans parvenir à en comprendre ce que l’on appelle justement « la forme ». Dans un ultime assaut, je décidai une dernière fois d’enlever tout ce qui me déplaisait. Mais, me méfiant de moi, j’eu la présence d’esprit de ne pas jeter directement à la corbeille, mais de copié-collé dans un dossier-poubelle. C’est ce dossier qui m’apparut soudain plein d’énergie – je me souviens de mon contentement, c’était à l’Île d’Ouessant et je commençais les répétitions à Rennes quelques jours plus tard – et que j’ai utilisé sans retouche aucune sauf l’harmonisation de la ponctuation. « Émotion à fric », c’est presque le jeu de mot utilisé par Raymond Roussel, Impressions d’Afrique, ce que je découvre aujourd’hui sans encore avoir lu ce livre. Le travail de répétition s’est déroulé dans un rare bonheur sur le très beau plancher très lisse et très blond du studio de Catherine Diverrès , en septembre, dans une atmosphère de prolongement de vacances – je me souviens que c’est ce que je demandais aux acteurs, cette détente, cette empathie des familles en vacances, l’été. C’est la première fois que mon père apparaissait dans l’un de mes spectacles et, pour lui, pour la première fois sur une scène. Catherine Diverrès l’a adoré et il s’est comporté après la représentation, au restaurant, comme une vraie star. J’ai bien cru un moment qu’ils s’imaginait une deuxième carrière (après l’enseignement), partir sur les routes et rencontrer son public… Il y avait aussi des fillettes, deux sœurs, Lisa et Sarah Dahmani, Julien Gallée-Ferré, Jonathan Capdevielle, Thomas Scimeca et Hervé Le Roux. Julien Gallée-Ferré m’avait fait rencontrer quelqu’un pour le son, le danseur David Monceau qui se mit à créer, dans une grande virtuosité, un véritable opéra de feuilletages sonores superposé à la lecture en voix off du texte par moi-même et les danseurs et les acteurs soutenaient dans une très grande douceur et parfois dans la fumée de théâtre, la diffusion impitoyable de la matière littéraire. Un lac, un infini. Apparition-disparition souvent à ski ou à patins, disponibilité… Un de mes plus beaux spectacles… que Catherine voulait immédiatement reprendre, mais qui ne l’a pas encore été.

J’enchaînai ce travail directement avec le suivant, à la Ménagerie de Verre, à Paris, celui qui est devenu mon spectacle culte, le plus célèbre, celui qui s’est joué le plus de fois, celui qui a pris (par défaut, Marie-Thérèse Allier n’aimant pas les autres titres que je proposais) le nom de mon association nouvellement créée : LE DISPARITEUR, celui qui a été le plus généreux, le plus sympathique avec le public, celui qui a suscité le plus d’écrits, de retours (j’en ai fait un livre d’or) pour la raison principale que les gens étant plongés soudainement dans le noir, ils se trouvaient immédiatement reliés à leur monde intérieur. Pour cette première année à la Ménagerie, Marie-Thérèse Allier, je ne sais pas par quel amour, par quel miracle, disait oui à tout. J’ai eu toutes les conditions que je demandais : Trois semaines de travail dans le lieu, nuit et week-end compris (j’avais la clé), pouvoir payer douze personnes pendant les représentations (il y en eu finalement que neuf) et pouvoir donner des avant-premières un mois avant le festival des Inaccoutumés dans lequel je devais passer. Oui, oui, oui. Les avant-premières ayant été un succès, j’ai demandé à Marie-Thérèse Allier qui n’avait pas encore vu (de son œil unique) le spectacle si elle n’avait jamais pensé à une reprise : oui encore. Ce fut quelques mois plus tard au festival Étrange Cargo pour cinq nouvelles représentations. Mais le spectacle était un tel succès qu’il aurait pu se jouer à guichets fermés pendant trois mois. Ou une fois par mois pendant... longtemps. Etc. Mais Marie-Thérèse Allier a douté. Et puis Marcus a grandi. Marcus Vigneron-Coudray, c’était l’enfant de ma coiffeuse, enfin, une femme que j’ai rencontré par hasard dans son salon luxueux dont j’avais trouvé l’adresse dans « Elle » et qui est devenu une amie. Très vite lors de ce premier rendez-vous, elle me parle de son fils, neuf ans, en danse-étude. J’étais dans la dernière ligne droite des répétitions du spectacle, ouvert à toutes les rencontres, et je lui propose de passer une audition. À l’audition, l’enfant est un miracle, un génie. Il deviendra l’élément central du spectacle, sa mère dans une immense disponibilité sera là à toutes les répétitions et me soutiendra dans mon travail. Plusieurs spectacles viendront par la suite avec Marcus changeant, grandissant. Le jeu de ce travail avait commencé avec Jonathan Capdevielle. Par hasard et par envie : il était le seul libre du « groupe originel » (les Saint Augustin, Thomas Scimeca et Julien Gallée-Ferré) et j’avais déjà l’envie de faire un spectacle autour de chacun de ces lapins. Celui-ci fut le spectacle de Jonathan. Jonathan a donc chanté dans le noir, d’abord tout seul, en juin, une semaine puis encore seul à la reprise de septembre et, dans cette deuxième semaine, j’appelais Éric Martin que je venais d’admirer dans le spectacle de Christian Rizzo au Théâtre de la Ville (dont j’ai oublié le nom, Éric y jouait un clown). Par bonheur, Éric était libre. Dès qu’il eut rejoint Jonathan dans le noir – ce fut sublime – un opéra – encore plus beau, je pense, que le spectacle final. J’aurais voulu que le public soit immédiatement là, à ces premières improvisations (faible réactivité du public). Je me souviens que je disais aux acteurs, Éric et Jonathan, après ces demi-heures d’excellence : « je n’ai rien à dire, je n’ai pris aucune note (dans le noir), je me disais simplement assis sur le banc : « C’est curieux, comme c’est agréable – c’est cool – d’être en train de faire un chef d’œuvre. » Au bout de quelques jours, comme les improvisations semblaient montrer une fatigue, il a fallu choisir, ce qui me paraissait grossier, parmi toute cette splendeur, certains éléments plutôt que d’autres. Mais il était évident que ce travail était un duo. Comme j’avais demandé de l’argent pour payer tout un groupe et que je n’aurais pas voulu le rendre, j’engageai alors pour tout un ensemble de petits rôles qui viendrait distraire, accompagner, occuper mes deux stars, tout un petit personnel. Mais l’Enfant. L’enfant donna le la. (Le sens.) Et la Femme. Françoise Ferraud, mon assistante, à quelques heures du premier filage (premier filage qui fut public, salle pleine, Claude Régy, etc.) me fait rencontrer une amie de son cours de shiatsu : Laetitia Viallet, fille ronde et très sensible qui fit merveille comme femme archaïque, déesse callipyge dans la deuxième partie du spectacle, partie d’images caverneuses, archaïques, dans la lumière grise très faible d’une seule bougie chauffe-plat dissimulée derrière une poutre métallique de cet étrange espace appelé le « garage » ou le « off ». Ce lieu, nous l’avons utilisé totalement mis à nu, sans aucune « technique », c’est à dire aucune lumière, aucun son. Nous l’avons utilisé, je disais à l’époque, comme un instrument. Nous l’avons fait sonner comme un poème, un instrument. Ce spectacle était le poème du lieu. C’est le spectacle sur le principe de la décroissance le plus parfait qu’on puisse imaginer. Aucune dépense énergétique. Rien. Rien que le sublime. La caverne intemporelle. Nicolas Moulin était dans le coup. Tout l’été, nous avions discuté, d’abord à Berlin puis à Remoulins dans sa maison de famille sur le Gardon de tout un tas de spectacles merveilleux que nous allions pouvoir réaliser à la Ménagerie. Deux enfants qui ont le temps. Enfin, lui parlait, moi, je prenais des notes. Comme je l’aime toujours, ce garçon ! Au final, bien entendu, c’est moi qui aie fait le spectacle – bien sûr – le spectacle que je ne savais pas que j’allais faire. C’est ma méthode : ne rien savoir, beaucoup de rêveries, mais pas de décisions, improviser le travail en temps réel, ce spectacle est exemplaire de cette méthode. Mais Nicolas Moulin était à mes côtés, avant et pendant les représentations, dans les gradins. Beaucoup de monde a aimé ce spectacle, j’ai été comblé, fêté – j’étais une petite vedette et, évidemment, tout le monde a voulu travailler avec moi…

Ce qui fait que le spectacle suivant, dans une sorte d’euphorie que je connais bien maintenant (je planais comme sur un petit nuage), j’ai accepté toutes les demandes (ou propositions), je me sentais, un peu comme après les réussites d’Aubervilliers dans l’état d’aller encore plus loin, dans l’état de faire spectacle de tout – et de tous. Ce qui était prévu quelques mois après Le Dispariteur et juste avant sa reprise, c’était, à Vanves, dans un festival très comique en ce sens qu’il faut au minimum une scène de nu pour y passer (et au maximum souhaité l’intégralité), un spectacle intitulé : DICTIONNAIRE DES AÇORES.

NOUVEAU MONDE – pas très content du titre, j’aurais pu trouver mieux… mais l’expérience a été merveilleuse… Trois semaines de répétitions dans la nature, l’air, les sons, les nuages, le soleil et l’eau de source d’une fontaine. Une grande fontaine sur deux niveaux (appelée un « buffet d’eau ») – dans le parc du château de Chamarande à cinquante kilomètres au sud de Paris. La représentation s’est déroulé le 9 juillet 2006, le jour de la finale de la coupe du monde de foot que la France a perdu – mais heureusement dans l’après-midi et par beau temps. Nous avons eu donc un public nombreux et populaires de promeneurs et d’amateurs mélangés. Le spectacle fut une réussite. En fait, j’avais dû prévoir un peu, je n’étais donc pas complètement libre…

DOMAINE DE LA JALOUSIE est l’un de mes spectacles fétiches. Il est à part. Il s’est fait dans la concentration, la coïncidence et la chance. C’est le travail le plus exigeant envers le public – et de très loin – de tout ce que j’ai fait. Il résulte d’une rencontre avec un acteur, une rencontre préalable – Guillaume Allardi sur Jésus revient en Bretagne –

MONSIEUR VILLOVITCH est à mon sens mon plus beau spectacle. Là encore, comme dans mes meilleures réussites, cela est dû à l’espace et aux circonstances. Avant le contenu (que je dédaigne), le théâtre est une affaire de contenant. Pour moi, c’est une évidence aussi bien comme metteur en scène que comme spectateur : je ne vais jamais voir un spectacle à Beaubourg car tous les spectacles qui y sont présentés y sont singulièrement ratés et je vais toujours avec un très grand plaisir à l’Odéon car tous les spectacles qui y sont présentés sont des réussites. Ce fut donc le plus beau de mes vingt-et-un spectacles à cause de l’espace fabuleux dans lequel j’ai travaillé et grâce aux circonstances de production adéquates – ou en tout cas retournées en notre faveur, grâce au soutien de ce festival étonnant, Actoral, qui en fait presqu’autant que le festival d’Avignon avec presque pas de moyens, grâce à la cohérence de l’engagement de Josette Pisani.

BLEKTRE s’est rajouté à la série assez tard. En juillet 2007, Hubert Colas me propose de lire cette pièce de Nathalie Quintane pour en faire une « mise en lecture » dans son festival où je présente déjà Monsieur Villovitch. Je décline immédiatement l’offre. Je n’ai pas encore lu Nathalie Quintane que je connais parce qu’elle a été une des rares à adorer le Domaine de la Jalousie de l’année précédente et à le défendre – et, chaque fois que je feuillette un de ses livres en librairie, j’en repousse l’achat à plus tard trouvant cela peut-être trop intelligent pour moi. Mais Hubert Colas insiste en me disant que, là, c’est autre chose, que c’est une autre écriture. Et en effet ! Je dévore la pièce en quelque minutes car elle est très lisible et très drôle, pleine d’esprit, de vitesse, je dis oui, tout de suite, sur le principe, sur la confiance dont me témoigne Hubert, sur l’enthousiasme que me procure la pièce que je trouve géniale, sans savoir comment je vais la monter. Ce que je sais déjà, c’est que je vais essayer d’en faire un spectacle, le plus grand possible, comme à l’accoutumé, pas une lecture, je suis assez malin pour ça, ça, je le sais, assez confiant – et passionné. Pas que je n’aime pas les lectures, non, mais j’ai déjà donné ma version de l’affaire justement avec Domaine de la Jalousie.

Au final, on cherche encore un titre pour le dernier spectacle programmé, celui de 100 dessus dessous à la Villette. Je suis un peu fatigué de cette tache vingt fois répétées. J’avais d’abord donné un premier titre « pour les dossiers » : The Decline Of British Art, voyez, pourquoi pas ?

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Le robot joue au échecs avec son bras. Le robot si beau. Avec un enfant. Julien jouait aux échecs.


L’école des chiens, l’école des visages. Le père adore son fils.


Confondu. À un moment, l’esprit s’est retourné ; ils ne peuvent plus s’échapper.










Yves-Noël Genod, 13 janvier 2008.


Photo de Marc Domage ; Thomas Scimeca, Frédéric Gustaedt et Julien Gallée-Ferré dans : Hamlet.

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À skis




Photos de Laurence Godart, Bernard Genod dans : Nouveau Monde.

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Photo de Isabô. Julien Gallée-Ferré et Jonathan Capdevielle dans : Barracuda.

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Photo de Isabô. Julien Gallée-Ferré dans : Barracuda.

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Sous le rêve


Photo de Isabô. Jonathan Capdevielle et Siam Coudrais dans : Barracuda.

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La défiance envers les hommes. Rivières de lumières sur la ville…

Invite Frida et Charly, on projett’ra un film, un Dracula.

Le sans-gêne.

La galant’rie, c’est quand même une belle chose.

Les sapins poussent vers le haut, vers le bas. Le bois avec les mouflons. Soleils froids et de beaux soleils. La petite Hélèna.
Hasardeux, quelque chose d’hasardeux.
Une fausse Catherine Deneuve… Ah, dites donc, qu’est-ce que vous transpirez… Un patron si joli. (Une personne aussi jolie que vous.) Confidence pour confidence...
Il fait froid. Gentiment.










Vous vous y connaissez un peu ?… Eh bien, aller au bas d’la page…
Je peux m’servir du téléphone pour un appel local ? Une image télévisuelle. J’ai pris le chapeau d’Charles et son imperméable. Un gredin. Faut pas être grand clerc… On fini par avoir de l’instinct. Jeanne – et l’erreur – et les livres.

Maintenant d’écrire.

Dans le sillage-brouillage musical. La pause casse-croûte.
Elle se dépêche de courir, elle se dépêche de courir… Très vite. Chez elle – et son ombre la précède. (Procédé.)
Trouver le secret, c’est la clé de tout le reste, mais quel est ce secret ? Le 27 septembre 1960. La fontaine ne coule pas. Jeanne était au courant. La fontaine qui ne coule pas.










Pantins inconscients d’un monde à la dérive…










Yves-Noël Genod, 13 janvier 2008.

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