Thursday, January 22, 2009

Dans le petit théâtre des Charlus

J’ai envie d’(oser) (tenter) une métaphore : à la place d’« amour », dire « guerre ». Je dirai donc que je vis en ce moment sous le signe de la guerre permanente.



Le portrait-robot de la femme d’un type nouveau que je cherche évolue. L’autre jour, le mot qui était ressorti de l’échange avec Gaspard Delanoë, c’était le mot « diaphane ». (Citation.*) Aujourd’hui, l’absente que je vois marcher dans les rues grises, pluvieuses, de Paris, rue de Grenelle, rue de Bourgogne… est « sensuelle ». Comme j’aime bien les mots et que je regrettais de me détacher de celui-là, « diaphane », j’ai demandé (je demande) à mon psy (Thomas) si elle pouvait être sensuelle et diaphane, diaphane et sensuelle. Non. Ça ne va pas ensemble. Sensuelle et diaphane, ça ne va pas ensemble. Diaphane, c’est David Hamilton, éthérée. Sensuelle, c’est, il m’a conseillé, cette Italienne très belle qui apparaît dans le dernier quart d’heure de Nos plus belles années (si quelqu’un a le dvd et voudrait bien me l’envoyer.)



Ce matin, heureux, rêveur, chez les Charlus. Le petit théâtre des Charlus, l’odeur rance que j’imagine très bien, La Cage aux folles avec l’odeur province. C’est tellement fabuleux, un café, quand il pleut dehors, il pleut la tempête. (Citation l’amour.**) Il y a des gens très différents dehors, tous recouverts, qui passent sous la pluie, vont et viennent, traversent le carrefour, apparaissent et disparaissent en ayant exprimé tout, comme fait Lou Castel dans la pièce de Claude Schmitz. Tout, c’est facile, tout, quelques pas, quelques mètres, des p’tits rôles, en un sens…

Quelqu’un rentre : « – Quel temps de merde ! – T’as r’marqué aussi ? » (Samuel Beckett.)

…Les p’tits rôles sont plus facile à jouer dans la vie qu’au théâtre car, dans la vie, ils ne sont pas p’tits – comment faire ça au théâtre ? Peter Handke avait essayé – faudrait que je lise cette pièce – avec L’heure où nous ne savions rien l’un de l’autre, la pièce qu’il a écrite durant les mois précédents la naissance de sa fille.



Hier, dans la nuit, j’ai vu Pierre nu dans le lit avec la bougie derrière lui et la pierre orange qui l’éclairait par devant : c’était très beau. Je regardais longtemps, il était un peu gêné, il changeait de position, je regardais longtemps parce que je me demandais comment faire ça au théâtre – et je me rendais bien compte qu’il s’agissait ici plus que jamais de la perception, comment rendre les spectateurs dans l’état de percevoir des beautés si intimes ? À mon sens, une seule personne y arrive (mais une personne y arrive) : Antonija Livingstone, cette fille d’intelligence et de poésie extrême. Et puis, non, j’ai vu un spectacle de danse, ce soir, et ils y arrivaient, par moment, les filles étaient très belles, faut dire, c’était sur le sommeil… Les filles : extrêmement belles, encore plus belles que Pierre, c’est dire… (Le spectacle de Marion Lévy, à Chaillot.)



Il faudrait que je demande à Thomas, la sensualité, ça dépend aussi des circonstances ? Comment créer la sensualité, les circonstances ? J’ai vu ma sœur sensuelle sur les plages du Pays de Galles, j’ai vu Hélèna sensuelle dans le jardin de la maison de Lacan. Avec Anne, c’était toujours sensuel, avec Pierre, ça le sera toujours. J’ai demandé à Pierre ce matin s’il n’était pas trop ennuyé par les conditions d’inconfort que je lui proposais (la douche sur les chiottes…) (s’il s’en sortait sans trop souffrir). Il m’a dit que ça allait très bien, qu’il était « tout terrain ». (Ensuite il m’a dit que les toilettes chez lui (ses parents) avaient longtemps été à l’extérieur et qu’il partageait sa chambre avec ses deux frères jusqu’à ses dix-huit ans.)



Chez Thomas, je suis allongé, nu (en slip), sur une table-lit avec variateur de position et il y a toujours un arrangement pour se mettre dans la meilleure position, dans le creux. Pour moi, ça va toujours, n’importe comment, mais Thomas insiste : « Non, non, c’est pas égal, c’est pour toi (Sens : c’est toi qui sait.)… Souffre d’être soutenu… » Et il ajoute : « Comme on dit dans Molière. »



Pris trois cafés chez les Charlus pour faire durer le temps, le temps creux, plein de toi et plein de vie, le merveilleux temps pourri. Je vois passer une camionnette : « Services mondiaux. Synchronisation du monde des affaires. » Je note : « Café crème » comme titre possible. « Café crème ou la retraite amoureuse ». « Réajustement du portrait-robot ». Puis je repense à l’histoire de la pluie d’or. Il y avait deux versions du récit de la première venue de Pierre chez moi. Première version, il n’y avait que donjon et vinaigrette et, dans une deuxième version, pluie d’or et papier aux vitres. Nous en reparlons un soir ou un matin et je dis, la deuxième version, tu l’as rendue plus précieuse. Il me dit : « C’est pas ça, la pluie d’or, c’est Zeus qui s’est transformé en pluie d’or pour ensemencer Danaé que son père avait enfermée dans un donjon pour la rendre hors d’atteinte (et qu’elle n’enfante pas celui qui allait le détruire). »



Puis je repense à Thomas et je lui dit (en pensée) qu’on aurait pu être amant « si tu n’avais pas essayé, mais comme t’avais déjà essayé avec Léon Bobée… »



Je regarde, je regarde sous la pluie toute la vie nouvelle, les nuages gris qui voyagent – vie – les maisons comme Bernard Buffet, le Grand Siècle. Puis je suis passé à la boutique de l’Assemblée Nationale pour me réchauffer, il y avait un parapluie déployé, gris clair, marqué (avec l’inscription) sur une tranche sur deux « Tous les êtres humains naissent libres et égaux. » Puis j’ai inscrit sur mon carnet qui prenait l’eau : « Le temps de Dieppe ». Les arbres luisants comme des éléphants, pas la phosphorescence de Dieppe, mais la lumière, oui. Le gris luisant, brillant comme une peau, des arbres nus en hiver, sans feuilles, chauves.






** Au Monop’, l’autre soir, un employé chantait : « …l’amour comme s’il en pleuvait… »

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