Sunday, January 10, 2010

La mer avance et l'eau ruisselle des falaises

Quand j'ai envie de lire quelque chose qui ait du sens et qui soit pourtant writ in water, je vais sur le blog de Pierre Courcelle et c'est le trésor, aujourd'hui scellé (mais je peux en donner les codes)... Par exemple, il me disait hier qu'au Havre, il n'avait pas vu la mer, quand il avait été coincé la nuit de vendredi à samedi par la fragilité du réseau ferré (zéro degré, tout se bloque)... Voulez-vous - c'est la nuit et il dort probablement - que ceux qui ne dorment pas lèvent le doigt - voulez-vous vous promener avec moi dans une page du bord de mer ?



Intrusions

A main droite, le manoir d'Ango où Breton écrivit Nadja: à la place des barbelés et de l'écriteau rageur "entrée interdite" qui ne m'empêchèrent pas d'entrer il y a trois ans, un cabanon en bois au bord de l'allée, et un affreux enclos en bois comme on trouve dans les magasins de bricolage. Pour cinq euros, on peut visiter l'architecture me dit-on, le musée n'est pas encore aménagé.

A main gauche, la route de la plage, le nom
Ailly qu'on voit partout à Varengeville. Un arrêté du maire interdit le nudisme, feuille A4 sous pochette plastique, gouttes de condensation: elle ne passera pas l'hiver. Toutes les tailles, toutes les formes, tous les états de la matière: la terre elle-même à vif comme sectionnée, falaises, on dirait un emballage de Christo, un drapé monumental à perte de vue; éboulis crayeux qui forment pyramides au pied des falaises, et quand on lève les yeux, béances laissées en leur sommet, érosion fracassante, toutes ces ravines, sillons opiniâtres, coulures de terre et de pluie mélangées; plus loin, roches énormes, granit échoué résistant encore, rondes-bosses où parfois l'eau de la marée haute s'est déposée, lacs minuscules pour quelques heures épargnés par le remous; galets à l'infini, de craie, de granit, blancs, bruns, bleutés, striés, panachés; sable fin et dur comme un pays parcouru de montagnes et de rivières éphémères - la mer avance et l'eau ruisselle des falaises.

L'Etoile m'appelle, qui n'entend ni le vent ni la mer. Nous ne nous sommes pas vus depuis deux mois.

Je repars avec un galet orange qui tient dans la main, peut-être caoutchouc, forme à l'étrange contorsion, objet du monde des hommes comme on reconnaîtrait encore un homme sans la tête, sans les bras, sans les jambes, écorché.

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