Saturday, April 17, 2010

Journal d'un créateur, 17 avril

Je dois dire que Ciara est extraordinaire, witty comme une star. Elle joue la petite fille (bien sûr), souvent Mary Shelley enfant. Mais elle se demande si elle est elle-même Frankenstein. Etc. Moi, j'ai une scène avec elle dont elle est très fière : je dois l'étrangler et elle crie. Elle hurle, ça me perce les tympans, mais quel plaisir ! Hedydd (qui joue Mary Shelley adulte) a trouvé un truc pour l'étranglement qui marche super. Je l'étrangle sans serrer du tout et elle s'accroche à mes bras de manière à ce que je puisse la soulever (comme si je la soulevais par le cou) et, même, je la déplace de quelques mètres pendant qu'elle crie. Ça marche du tonnerre - et quand on sort de scène, ses yeux brillent et elle me dit : "C'était super bien, ce qu'on a fait !" Et, moi qui joue le monstre, je suis si ému d'avoir une partenaire si merveilleuse, si professionnelle. Un bonheur qui me rappelle Valérie Dréville. Moi qui ne rencontre pas de filles dans la vie, je peux jouer avec des filles que je n'effraye pas. Et les filles sont si douées au théâtre ! Aujourd'hui, on a fait un premier bout à bout. C'était en quelque sorte affreux (selon mes critères, mais nous jouons dans un mois). Mais, quand même, à un moment, Rebecca a été littéralement géniale. Je m'ennuyais ferme et soudain j'ai saisi le bras d'Antony pour lui dire : là, il se passe quelque chose, regarde Rebecca ! Extraordinaire, possédée par quelque chose, tout à fait dans le ton du spectacle (du projet) incroyablement libre dans quelque chose qui l'habitait dont elle avait laissé la place pour. Je crois qu'elle ne devait même pas en être consciente tellement c'était bien. Inoubliable ! Rebecca ne sait pas ce qu'il lui arrive, mais il lui arrive comme une grossesse. Elle s'est faite engrossée par Byron, c'est sans doute ce qu'elle voulait, mais comme Byron ne veut pas d'elle, elle ne sait pas ce qu'il lui arrive, si elle doit vivre ou mourir ou se laisser flotter entre deux eaux... Sublime ! Je ne lui en ai même pas parlé. Au lieu de ça, j'ai fait des grimaces et des gestes obscènes dans sa direction quand j'étais au fond de la scène. Le message est le même (j'ai fait le singe). Pour ce premier filage, on essayait des costumes. Les robes des femmes sont extraordinaires, j'aurais tellement voulu vivre à ces époques ! Quand elles bougent, Hedydd en noir, Rebecca en blanc, c'est l'érotisme-même, quoi qu'elles fassent, s'asseoir, s'en aller dans une allée, courir ou trébucher, c'est l'amour-même, le fleuve Amour, comme m'écrit Thomas (Ferrand) qui est en Chine en ce moment. Vous êtes à Bruxelles, vous allez accomplir un premier filage au Théâtre National et vous recevez dans votre poche un sms d'un ami qui se balade en Chine ou en Mongolie et qui va, là, atteindre le fleuve Amour. Le monde moderne est un monde d'amitié, je vous disais. Ceux qui n'ont pas compris ça n'ont rien, mais rien ! compris... Qu'il restent avec leur peur, qu'ils régressent, qu'ils stagnent, qu'ils poursuivent en justice, qu'ils freinent des quatre fers, qu'ils grossissent, non, rien n'arrêtera le progrès irréversible !



Sinon, j'ai (r)appris le mot "âme" à Byron, très émouvant, soul = âme, avec un chapeau (geste avec le doigt), feminine, oui. Et, ça, c'était avant, sur la terrasse et, le soir, en partant, tout le monde se retrouve sur la terrasse, c'est le plus beau soir de l'année, Claude veut faire des notes, mais j'ai pris un billet de train, alors je pars sans dire au-revoir, mais je tombe en me retournant sur Byron (je rappelle : Joseph Chance) et je l'étreins en expliquant que je le charge de distribuer aux autres leur part du big hug que je lui réserve parce que je n'ai pas le temps : il a dû juger le prétexte valable ou admirer assez mon invention (ma chance) car il s'est tellement ouvert que j'ai failli ajouter la langue : mais c'était même pas la peine...



Bonsoir, les amis de Paris, si on sortait, ce soir ?

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