Sunday, April 18, 2010

Pour le décor de l'amitié

Cette nuit, j'ai rêvé que Pierre improvisait au piano. C'était sublime. Je lui demandais (j'exigeais) d'enregistrer ces improvisations, la première et la deuxième, je lui disais qu'il pouvait ensuite travailler la forme à l'infini, s'il voulait, mais que, moi, c'était la première fois qui me permettrait de bâtir plus facilement à partir de la splendeur, du rien, mais comme splendeur.

Frédéric Teschner me fait venir au Train Bleu pour me montrer le début du projet de magazine à partir des photos de Marc Domage que je voudrais sortir pour Avignon. Superbe. Très bon départ, principe. La taille du magazine "Vogue", une photo par page. Au départ, il met des photos de moi, comme une dramaturgie, puis à la fin du recueil aussi. Au milieu, les photos de Marc pour chaque spectacle qu'il a photographié. Les titres (peut-être un peu retouchés : Oh, pas d'femme, pas d'cri devient - en regard d'une photo de Thomas - Oh, pas d'femme) et les dates. Il faudra que quelqu'un écrive un texte d'une page. Patrick Laffont était initialement sur le projet, mais celui de Frédéric est plus cohérent, plus vif. Il fera aussi pendant au livre déjà sorti (chez Bernard Chauveau).

Les spectacles et leur date :

Pour en finir avec Claude 2004
Le Groupe Saint 2004
Poussière de la rose 2006
La Descendance 2007
Monsieur Villovitch 2007
Blektre, dit-elle 2008
Hamlet 2007
Hamlet Hamlet 2008
Oh, pas d'femme 2008
Hamlet Hamlet Hamlet 2010

Le bateau Arletty passe sur le canal Saint-Martin, l'Atalante aussi. Ceux sur le pont font signe à ceux sur le quai. Tout le décor est en place. La ville, la lumière sont absolues - et la solitude est totale. Les pissenlits sont jaunes.

Quelqu'un m'apostrophe, gare de Lyon. Je lui fais remarquer comme il fait beau. Il me dit que "Si t'as d'la thune, c'est bien, mais que, si t'en a pas, ça sert à rien." L'évidence de la remarque me saisit au point que je reste à ses côtés. Des choses et d'autres. Les grèves... Je lui donne ma monnaie quand il la réclame. Une pièce tombe. Je la ramasse à ses pieds. L'occasion d'un accomplissement. Quand je pars, il me "voit", tout d'un coup ébloui, et dit : "Je te connais, tu sais !" Je suis descendu ensuite par les marches près du tunnel qui passe sous la gare et que j'ai déjà photographié (dans le livre de Frédéric), il était là, vers moi, sa tête qui dépassait de la rambarde sans doute un peu haute - ou large - il se penchait. Je n'entendais rien de ce qu'il me disait à cause du bruit des voitures ou de la vie ou de l'été, tout mélangé extrêmement - et du temps, du temps qui passait soudain très vite nous déportant. Je lui ai fait répéter plusieurs fois son récit magnifique, essentiel, inaudible, puis j'ai joué, malheureusement détaché de lui pour la première fois : je lui ai fait croire que j'avais compris (que nous étions en phase) et j'ai poursuivi ma route. J'ai pris un vélib'. Il était illuminé de joie et de bonheur de m'avoir, moi, rencontré. C'était parfaitement vrai. Il y avait eu une trahison (à la fin). Qui avait-il reconnu ?

...L'inconnu nu de l'animal homme et la nature de ses maisons, de ses habitats, de sa langue formelle, et la langue, c'est Pierre, mille ans d'hiver pour cette journée claire, funeste, dorée et blanche du 18 avril 2110, deux mille cent dix.

"Oh, il y a un chat qui s'balade", dit, au Train Bleu, l'enfant de dix-onze ans qui, avec ses valises et son père, attend, d'un air désabusé, comme épuisé, que le garçon vienne prendre sa commande. Qu'est-ce que j'ai envie de (...) ? Voilà qu'elle fait elle-même le chat sur les lourds fauteuils de cuir d'origine. Elle laisse pendre son bras pour l'attirer, comme une queue. Je suis comme toi, n'est-ce pas ? viens me voir. Mon bras a la souplesse de ta queue, mes cheveux blonds la couleur de ta fourrure et ma langueur, c'est la tienne. Tu es vivant comme moi dans ce couloir-hôtel, ce wagon de luxe arrêté en gare, je suis chat, moi-aussi, adolescente en partance. Le père homosexuel, peut-être, mais qui a été (eut été) hétérosexuel.

Au marché de l'Olive, quelqu'un demande "s'il vous reste une feuille de chou pour un animal". Puis un couple d'hommes dont l'un porte la jupe. En fait, des voisins d'Audrey, elle veut à tout prix les rencontrer, ils travaillent dans la mode, en tout cas l'Asiatique (celui qui porte la jupe). Non, elle ne veut pas que je vienne à la première rencontre parce que "tu vas prendre toute la place". A la deuxième, alors... Elle me fait rencontrer des gens et c'est vrai que je continue mon attitude de la nuit : sauter sur tout le monde. Des voisins de la rue Pajol, Giuseppe (hétérosexuel) et Marc (steward). Tout le monde a envie d'aller au bois de Vincennes, mais je rejoins le Train Bleu. Il y a la grève. Je suis dans le métro, j'ai mis un ticket et il n'y a pas de train. Je ressors et je prends un taxi. Encore l'impression d'avoir tout gâché avec Pierre, qu'on se demande comment l'amour tient, on peut l'arrêter d'un geste, panique et sortie du carnet. Cette image : son passé incrusté entre les orteils des sabots. Heureusement le chauffeur de taxi me parle d'un voyage à Madrid - qu'il a refusé, huit cents euros, c'était pas assez. Il avait bien pensé en profiter pour pousser jusqu'au Maroc pour un week-end, mais non, finalement. La somme, il peut la faire en restant à Paris, alors. Personne ne sait plus comment voyager, mais les rues de Paris sont fluides, ça roule bien. "Les gens ont quand même dû réussir à partir", me dit-il. La journée est plus belle que la vie, plus belle que tout, que la ville aussi, elle est fluide, oui. Ça met en doute même les séparations. Même les rêves. Le visage est un détail. Je l'ai déjà écrite cette phrase ? Je ne sais pas. C'était si agréable, ton rêve.

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