Sunday, May 23, 2010

Ce dont je me souviens en vrac

Merde ! Insomnie. Pierre devait venir, faut dire, il voulait se poser un peu chez lui après être arrivé de Bruxelles en stop, écrire un texte en cours et me rejoindre, mais il s'est endormi. J'avais sommeil très fort, je l'attendais et, maintenant, je n'ai plus sommeil. J'ai dû appuyer sans le faire exprès sur le téléphone parce que Marlène m'a appelé en disant que je venais d'essayer de la joindre. Moi, j'essayais de m'endormir, ça n'a rien arrangé. Marlène a une pêche d'enfer, elle est euphorique comme elle ne l'a jamais été, dit-elle, parce qu'elle travaille avec Dick Rivers (pour le concours du Théâtre de la Ville) et elle a du travail l'année prochaine. C'est bien. C'est le noir, le noir tissé... Aujourd'hui, le premier jour au sortir de Frankenstein, il y avait un tel soleil à Bruxelles (sans doute aussi à Paris), c'était invraisemblable, ce don massif, l'appartement traversé de tout côté, la terrasse du quatrième (solarium), le jardin, les plantes, les plantes encore vert tendre, pleines de sève, c'était le Sud de la France, tout simplement, à Bruxelles. Je ne devrais pas écrire (comme ça, sur ce blog) : quand on est heureux, y a pas d'écriture. Pourquoi vouloir l'écriture ? La vie y suffit. Mais maintenant tout le manque se reproduit, tous les manquements... "Que jamais le sommeil ne ferme ton œil de mort si ce n'est pour qu'un songe terrible t'épouvante d'une troupe infernale de hideux démons !", disais-je à Hedydd (quelle honte !) entre autres joyeusetés - voyage au pays du noir. Les garçons sont venus me voir : d'abord Thomas, puis, en covoiturage, Felix, Arnaud et Pierre, retour en stop. Aujourd'hui, nous mangions dans le noir et la lumière : l'équivalence, en terrasse, avant, eux, de rentrer en stop, moi en train. Les beaux garçons. Les seuls garçons. Les rêves, les calmes pierres... La nuit, nous nous étions échappés assez vite du théâtre pour un barbecue rue de la Source (emmenés par Denis qui allait y retrouver Krzysztof). Plus tard, nous sortions du barbecue pour rejoindre l'anniversaire à Jean Biche, chez Kiko et, justement, les deux jeunes gens à qui nous demandions notre chemin juste en sortant de la première baraque s'y rendaient et trouvaient ça même génial, cette coïncidence. (Mais à Bruxelles, tout est coïncidence, c'est normal, c'est un village - il n'y a que l'alcool pour faire croire à un effet divin de la retrouvaille ou de la trouvaille : c'est consanguin.) Alexandre était extraordinaire (indescriptible ici, adressez-vous à Shakespeare), Malcom qui en pinçait pour Arnaud, plus sobre (c'est lui qui conduisait). Mais Alexandre, dans son génie, trouvait la route. "Faites confiance au livreur de sushis !", hurlait-il. Il était extraordinaire et disparaissait très vite d'une fulgurance. Je me souviens, par exemple, que quand il marchait dans la rue, il trouvait constamment des jeux, il allait de jeu en jeu : d'une pompe à essence (avec laquelle il faisait mine de téléphoner) au drapeau publicitaire de la station-service comme un étendard glorieux du moyen-âge, d'un plot de sécurité en plastique rouge souple-dur qu'il s'amusait à lancer au devant de lui à n'importe quoi d'autre sur un chantier un peu plus loin. Chez Kiko, nous n'étions pas déçus ; une sorte de bar/boîte clandestin en arrière-cour tout à fait comme à Berlin les années vingt et peuplé de créatures malheureuses retrouvées - je pouvais imaginer facilement la descente de police. Mais non, tout ça était fini : les violences du vingtième siècle étaient finies... Il n'y avait plus qu'à résoudre encore ce problème d'insomnie et puis, ça irait... Encore une fois, j'étais frappé de voir que Pierre ne m'aidait pas, mais que Pierre, néanmoins, existait. Etait-ce cela l'amour ? L'amitié... L'amitié de parole.

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