Monday, July 12, 2010

Aurélie Charon, France Inter

(Voulez-vous sortir avec moi ?)



...Alors, Aurélie, aujourd'hui vous avez fondu pour un drôle de zigotto qui joue dans le festival Off lui aussi, Yves-Noël Genod. Il est seul en scène et c'est une sorte d'Iggy Pop un poil déjanté...

Voilà, exactement. Si vous l'croisez dans les rues d'Avignon, suivez-le surtout ! Yves-Noël Genod, c'est une sorte de grand oiseau longiline, les ch'veux blonds disons jaunes, une sorte d'Iggy Pop, oui, gracieux. Il y a trois ans il était dans le festival In, cette année il est dans le Off avec peu d'moyens et tant mieux. C'est juste lui, un livre de poche à la main, Vénus et Adonis, de Shakespeare. C'est l'histoire d'un désir, il le le lit et surtout il s'interrompt parce que ça lui fait penser à David Bowie, à Duras ou à Delon... Tout est dans les digressions, dans l'présent, dans c'qu'il pense au même moment. C'est à la Condition des soies, à dix-huit heures, et c'est gratuit. Alors, vous arrivez : c'est champagne ou Perrier servi par l'invité du jour qui a carte blanche pour ouvrir le spectacle. Hier soir, c'était Evelyne Didi juste avant sa cour d'Honneur avec Marthaler.

"J'vous invite, Messieurs Dames ! Et j'vous invite... vous savez comment j'fais pour vous inviter ? j'vous offre du champagne !"
Vous buvez combien d'bouteilles de champagne par jour ?
Oh, ben, ça dépend... Ça dépend parce que on sait pas combien d'gens y a...
"Bonjour. Bienvenu chez monsieur Yves-Noël..."
Il vous a dit quoi, Yves-Noël Genod quand il vous a demandé d'venir ?
"Est-ce que tu veux bien venir faire... offrir du champagne dans mon spectacle ?" J'ai dit : "Ben, bien sûr." Et, après, il m'a dit : "Maintenant, tu fais c'que tu veux." Alors, maintenant, je sais pas c'que j'veux...
(Deuxième bouteille.)
"C'est très beau."
Vous savez c'qu'elle a fait, Evelyne Didi ?
Elle avait l'projet de chanter une chanson du spectacle qu'ils ont pas gardée. L'spectacle de Christoph Marthaler...
Pourquoi un invité ? Vous voulez pas être complètement seul ?
Ah, ben, non, moi, j'veux pas être complètement seul. C'est très juste. (Rire.) Mais, là, y a pas beaucoup d'monde, c'est pour des raisons financières, parce que, déjà, c'est très cher pour moi tout seul...
Pourtant on n'paye pas l'entrée...
Oui, mais justement : ça m'a coûté tellement cher que j'me suis dit : au point où j'en suis : faisons la fête, c'est moi qui offre tout ça... Quand même, les gens donnent de l'argent à la sortie. J'suis au chapeau, en fait.
"Nous sommes dans les yeux l'un de l'autre, pourquoi ne pas être bouche sur bouche"
Vous citez Borges dans le spectacle
Oui.
qui croit en l'allusion,
Oui.
en la suggestion des choses...
Oui, oui.
C'est ça que vous faites, c'est suggérer le poème ?
Exactement, c'est c'que j'espère faire, oui, bien entendu.
Et pourquoi vous avez choisi Vénus et Adonis ?
Pour que l'autre, en fait, l'auditeur, le lecteur, le spectateur crée lui-même son poème, son spectacle, sa musique parce que Duras disait aussi : "C'est - on lit, dans un livre, on lit une histoire par soi-même inventée". C'est pour ça qu'j'les fais pas payer, après tout, parce que c'est eux qui font l'spectacle, alors c'est... (Rire.)
"Excusez-moi d'interrompre votre spectacle pour parler d'moi. Je suis quelqu'un qui pleure, qui pleure très peu et, mais ça m'est arrivé. Ça m'arrive de temps en temps de... mais chais pas d'où ça vient..."
Oui.
C'est quand même une lecture intérieure, y a beaucoup d'interruptions et de digressions qui sont les vôtres...
Ben, oui, ben, je sais pas pourquoi je fais ces digressions, parce que... C'est en travaillant l'texte que des choses me viennent que j'trouve importantes à raconter...
Toute la forme du spectacle, c'est des associations, finalement, d'idées...
Exactement.
Un mot fait allusion à un autre.
Mais bien entendu. Et c'est jamais les mots, le théâtre. Ce sont des associations, des images, des sentiments... Parce que, si c'était des mots, ça marcherait pas du tout, du tout.
C'est pour ça que vous avez le livre toujours à la main ?
Eh bien, écoutez, l'année dernière, j'avais appris l'texte par cœur pour faire un effort quand même et puis, cette année, j'ai repris le livre. Christoph Marthaler, je viens d'le lire, il aime pas que les acteurs jouent. Il préfère les textes lus et il a raison. Pour rester en contact avec cet objet. C'est pas tout à fait du théâtre...
"Mais Adonis, là, il sourit un p'tit peu, quand même, mais c'est un sourire de dédain qui fait apparaître sur ses joues deux agréables fossettes : Alain Delon jeune..."
On a vu votre père dans les rues d'Avignon...
Ah, alors là, mais alors là, si on parle de ça : c'était le bonheur. J'lui ai demandé de descendre avec une - en tenue de ski d'fond. Il a une combinaison très flashy, très voyante. Alors on est parti dans les rues d'Avignon avec lui en ski d'fond ! J'lui ai dit : "Si tu restais un mois à Avignon, tu s'rais une vedette, mais jusqu'à la fin d'tes jours !"
Vous allez les prendre les cartes ?
Moi, j'ai pris : Yves-Noël déflore Vénus
Yves-Noël y croit
Yves-Noël nous touche
Yves-Noël réfléchit
Yves-Noël fait payer après
Yves-Noël apprend à rimer
Aimer, on dirait...
ou à aimer
Apprend à aimer.
Yves-Noël apprend à aimer
C'est vous qui faites la vaisselle, après ?
Ben oui.
Et vous, vous êtes quoi, une présence sur scène ? C'est ni un personnage, c'est pas vraiment un interprète
J'suis... j'suis là. Oui. Qu'est-ce que j'peux dire d'autre de plus : j'suis là. J'essaie en tout cas d'être là et de tricher le moins possible.
Yves-Noël Genod, c'est donc Le Parc intérieur, c'est à la Condition des soies tous les jours à dix-huit heures et c'est gratuit.

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