Friday, August 27, 2010

Sans correction

Je salue ici Jean-Marc Geyer et Alice Bourelle qui ont donné hier une soirée mémorable, même si, à l'heure où j'écris ces lignes, je ne suis pas capable d'en ressentir tous les bienfaits. (Mais il faut le faire, écrire ces lignes, je pars tout à l'heure dans les Vosges, un event chassant l'autre.) Du côté de la nourriture, rien à redire, tout était exquis, d'une finesse exquise, sans lourdeur, sans prétention, juste nommé, à peine nommé (ou sans qu'on s'en aperçoive), une culture du rien, du naturel, tout avait été fait par Alice comme en jouant avec ses filles. D'abord le meilleur (j'en ai ramené), des tomates du jardin de Reims (du grand-père) qu'on découpe soi-même dans l'assiette (elles sont vivantes et consentantes) et qu'on agrémente (sans citron) de poivre et de sel (sortis de moulins électriques et lumineux) et surtout de Jean-René - mot qui sera répété à foison jusqu'à ce qu'on ne puisse décemment plus en parler - mais on en a repris avec du fromage - et Alice a voulu que j'en amène avec les tomates, ce que, sentant la catastrophe avec encore un peu de lucidité, j'ai réussi à éviter sous le prétexte qu'on en trouvait au Monoprix Courcelles, prétexte soufflé par ma voisine, Pepita - charmante Pepita !* - à qui j'avais pourtant avoué plus en arrière que je n'allais pas aller jusque là pour en chercher (quand même) (mais j'irai), - parce qu'on avait évoqué aussi les retours de Corse avec miel répandu dans la valise, courgette arrêtée à l'aéroport, saucisson passé en contrebande, tomates cachées par les filles dans les petites culottes (et, elles, mais elles seulement, arrivées sans encombre), - j'ai peur de m'être lancé dans une série de digressions (comme on disait à Avignon où je ne pratiquais pas l'art du roman) sans la pratique de Claude Simon ou de Marcel Proust... Donc on s'arrête, on révèle immédiatement que du "Jean-René", c'est du Jean-René de Fleurieu, producteur d'huile d'olive dans le château XVIIe siècle duquel S. a passé une partie de l'été tout près d'Avignon. EX-TRA-OR-DI-NAIRE ! L'huile. (On parlera de Jean-René (de Fleurieu) une autre fois (S. en parle très bien).)
Du côté des vins, c'est là que le bât blesse. Les mots vont manquer, les tournures, les farandoles, les volutes, les voyages sur la carte, la carte du Tendre, le nouveau territoire de l'amour** : je ne suis qu'un plouc (même en en tentant d'imiter Claude simon et Marcel Proust). Pourtant je m'étais entraîné pendant trois jours chez J. en Bourgogne, avec les ados et B., personne n'y connaissait rien au langage vrai, mais tout le monde, aimanté par les activités comédiennes des adultes*** d'en faire toute une soirée (et plusieurs jours). Néanmoins, là (hier soir, il y a quelques heures), nous étions dans le vrai. Et le vrai est terrible, le vrai fait peur. Mon carnet me faisait défaut. Je n'osais même pas écrire de peur qu'on me demande de relire (à voix haute) ce que je ne pouvais écrire que de manière décousue, en petit nègre et en pattes de mouche : je n'y comprenais rien. Ce que je sais, c'est que je me suis retrouvé avec trois-quatre verres (cinq ou six) devant moi parce que j'étais plus lent que les autres à pouvoir apprécier (sans odorat) la teneur de la magie. "C'est ça, l'essence de la magie qui ne créé pas, mais invoque", dit Franz Kafka. Nous étions en Bourgogne (après plusieurs champagne au début) et aussi un peu ailleurs avec quelques bourgogne génériques... Merde, le train ! Je n'ai plus le temps que d'aligner quelques horreurs, la poésie va plus vite : non, c'est impossible, la poésie est difficile, je relis mes notes et puis faut pas être pressé ! Je suis sans voix, je suis exsangue, je survis difficilement, j'appelle à l'aide, je survis difficilement à l'alignement de splendeurs (choses et noms) dont je n'avais... Je loupe le train. Argh...






* C'est pas Pepita qui est allé à Courcelles, c'est Sylvie ! Nom de Dieu, elle va m'en vouloir !
** Comme dit Christine Angot sur la quatrième de couverture de son roman sur Doc Gynéco (évoqué dans l'après-midi de manière très rigolote par Thomas Gonzalez).
*** Ici un trou d'élocution - car si vous vous imaginez que je suis capable, ce matin, de corriger - non ! Je laisse en l'état mon cerveau perforé : la soirée était très bien et c'est tout. C'est écrit sans le cerveau, avec le cœur. (On peut les deux, selon Philippe Sollers, cerveau et cœur, mais pas c'matin. Je vous embrasse tous.)

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