Friday, September 03, 2010

Le Personnage

Belle du soir

"Ce n'est pas la première fois que je suis personnage de roman. Déjà, j'ai commencé par être le héros des miens. Et puis, à force de fréquenter des écrivains, je me suis vite retrouvé dans les oeuvres des autres. Mon nom a d'abord figuré dans des journaux intimes (Gabriel Matzneff, Guillaume Dustan...). Parfois un ami racontait mes péripéties nocturnes, des facéties diverses ou des conversations privées : heureusement, les diaristes ont une audience limitée. Un écrivain, c'est comme une caméra : mieux vaut le fuir si l'on ne veut pas s'exposer. Je ne sais plus qui a fait de moi un personnage de fiction pour la première fois. Dans Pourquoi le Brésil ?, Christine Angot dîne chez moi et me fait passer pour un prétentieux épuisant, ce qui prouve qu'elle a le sens de l'observation. Dans L'Irréaliste, Pierre Mérot décrit son éditeur décadent : malheureusement, j'occupais cette fonction à l'époque, ce qui fait que tout le monde m'a pris pour le personnage de Cheval fou. Dans Les femmes préfèrent les monstres, de Delphine Vallette, mon ex-femme passait en revue les hommes de sa vie : je crois bien que j'étais l'un de ses monstres préférés. En cherchant bien, on doit pouvoir aussi trouver mon nom dans des romans d'Ann Scott, Nicolas Rey ou Marc-Edouard Nabe, parfois en fâcheuse posture. Rien de tout cela n'est bien grave. Le roman présente un avantage énorme : il est censé être une fiction. Si les romanciers veulent utiliser mon identité comme matière première de leur invention, pas de problème. S'ils me font faire n'importe quoi, il me suffit de dire qu'ils délirent, surtout quand ils disent la vérité. Mon nom propre ne mérite pas forcément de le rester."

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