Monday, December 06, 2010

La Limousine

Alors nous sommes allés dans cette boîte improbable et il y avait toujours ce geste, partout où nous allions, d’ouvrir les rideaux quand il y en avait ou d’ouvrir les portes en criant « The star ! », de permettre à François Chaignaud de descendre ou d’apparaître dans toute sa splendeur hollyvoodienne (comme disait Coccinelle), mais cette boîte, en l’occurrence, quand on nous eut fait payer grassement et obligé – grassement – au vestiaire, cette boîte se révéla n’être rien qu’un carré vide. « Ben oui, ils sont tous à l’Ayor… », nous avoua-t-on comme pour ne pas se justifier de l’arnaque quand nous remontâmes (c’est-à-dire presque immédiatement, après deux ou trois Lady Gaga). Je ne sais pas pourquoi, quelque chose nous retenait depuis le début de la soirée d’aller à l’Ayor… C’était pourtant la soirée où tout le monde était, on nous l’avait dit, à l’Amnésia, près du lac. Mais c’était loin, on se figurait, il fallait prendre un taxi. Et alors ? Quelqu’un avait dû nous dire que c’était nul, comme toujours, quelqu’un disait que c’était bien et quelqu’un disait que c’était nul et le nul l’emportait. On se basait sur un mauvais calcul. Alors nous décidâmes de marcher jusqu’au sauna Pink Beach, le plus grand sauna de Suisse. Nous passâmes devant le Lausanne Palace illuminé de manière hallucinante (comme un arbre de Noël qui aurait eu à se reprocher sacrément que’que chose). Nous vîmes passer aussi, à très vive allure, « pressé d’aller au lit », dit François, le bus « Pyjama ». C’était le nom du bus de nuit, c’était écrit dessus. Un tramway nommé Désir et un bus nommé Pyjama… François en avait marre et on glissait, on manquait à chaque pas de se casser la patte. Mais ce n’était pas si loin. L’idée était cette fois de bien demander au garçon de l’entrée la vérité : y avait-il du monde ? Krassen le connaissait. Non, à la vérité, il n’y avait pas grand monde. Tout le monde était à l’Ayor et il fallait attendre cinq heures pour que les types commencent à en revenir pour un after (le sauna était ouvert non stop, on pouvait même y dormir). Donc nous ressortîmes, toujours pas décidés ni à l’Ayor ni à attendre le retour du peuple. Mais, sur le trottoir un peu plus haut, une limousine. Les garçons demandèrent au chauffeur (black et souriant) de les amener (à l’Ayor). Eventuellement. Le chauffeur dit qu’il ne pouvait pas, qu’il attendait son client. Evidemment. On se demandait bien quel était le client. François Chaignaud, drappé dans son manteau blond de chèvre sauvage de je ne sais quelle région obscure du globe*, aurait très bien pu pénétrer la limo. A travers la vitre obscure d’un bar gay qui paraissait vide nous aperçûmes, au bout d’un moment, deux silhouettes qui fumaient tout au fond sur des tabourets comme blotties, dissimulées. Nous attendîmes. A un moment, le client apparu. C’était un travelo. Très beau, une blonde, riche, belle. Je m’approchai (ou elle, nous n’avions pas quitté la limo) et je lui demandai : « Vous allez à l’Amnésia ? – Oui (engageant). – Il voudrait aller avec vous (je désignai François comme étant le plus susceptible d’emporter son suffrage) » La travelo nous compta sur ses doigts – puis de tête – et, finalement décidée, dit : « C’est bon », nous intimant d’entrer les premiers. Nous étions dans la limousine. Qui roulait comme une navette spatiale. Il y avait la télé. Il y avait des petites lumières partout. La ville au-dehors n’était plus Lausanne. Oh, que non ! Nous étions des rois. Quelqu’un avait une bouteille de champagne. Nous étions enfin considéré (par le destin) à notre juste valeur. Nous étions au moins dans un film de David Lynch. Ça avait eu du sens d’errer dans le malheur jusqu’à présent. Nous étions sauvés. Notre ravissement ne dura qu’un moment trop court. A tout instant, la limousine s’arrêtait pour charger, à tous les coins de rue, des homosexuels déjà très éméchés. On aurait dit une rafle. Nous étions à présent serrés comme dans un panier à salade. La travelotte avait mal compté, fit remarquer François. François a une manière de décrire les situations en très peu de mots – mais formulés au bon moment – qui me ravit toujours. Aussi, il est très intelligent, il connaît le risque, le danger. Il est toujours à l’affût, comme un animal. Discret et à l’affût, exposé. Mais la travelotte était la reine, je ne la quittais pas des yeux. (J'ai oublié son nom, à présent...) Enfin, nous fûmes déposés près du lac, comme dans le conte de Pinocchio, le chat et le renard qui emmènent les enfants là où il ne faut pas. On s’occupa encore de nous. Par une astucieuse magouille, on nous fit entrer sans payer (de toute manière, après l’arnaque de la première boîte, et encouragés par notre nouveau classement, nous étions bien décidés à ne pas sortir un euro). Dès le dernier seuil franchi, au milieu du palais, celui qui nous avait fait entrer (avec force clins d’œil) nous dit : « Maintenant, c’est chacun pour soi... »

Gentil lecteur, à toi de finir ce texte. (J’en ai marre…)



*Agneau de Mongolie.

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