Tuesday, March 30, 2010

Felix / Marc Domage




Felix M. Ott et Samuel Mercer dans Hamlet. Lumières de Sylvie Mélis.

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Journal d'un créateur, 30 mars

Joseph Chance

Deuxième jour : toujours fasciné par Byron - je ne sais pas si ça va durer encore longtemps parce que c'est déjà la limite du supportable... Il est juste l'acteur par excellence, il n'est que ça, ce qui pour certains (de moins en moins dans mon entourage) pourrait apparaître comme un défaut, mais j'aime tellement les acteurs ! Percy est plus beau, il est complètement lush, released, dès qu'il se pose quelque part il semble allongé comme sur une plage - mais Byron a des beaux vers. Ils sont sur la montagne, ils regardent la bête descendre du ciel. "We should go", dit Claire Clairmont - et on la croit. Le casting est du tonnerre. Excellence. C'est dans les moments de pose que ça se voit le plus, bien sûr. La petite fille est une petite fille romantique, les garçons sont de jeunes génies romantiques, les filles sont leur copines et toutes aussi géniales (peut-être plus), tout le monde a couché avec tout le monde (comme il se doit), tout le monde est athée (comme il se doit), le père est philosophe, mais il y a les présages et nous en sommes comme si nous étions tous ensemble pour inventer quelque chose vraiment sur cette montagne. Le monstre erre, il n'a pas encore de matérialisation (et il n'en aura peut-être jamais).

Sur le dos de la bête

Cet hélicoptère est capable

Bruxelles, les cloches

Communiquer avec une enfant, toucher une enfant de neuf ans. C'est émouvant. Il n'y a pas de différence entre une enfant artiste, pour moi, sur un plateau, et un artiste adulte, les enfants le comprennent aussi. En fait, ils comprennent tellement de quoi il s'agit - immédiatement - qu'on est à égalité. Ils complètent la réalité, ils la représentent, comme les animaux peuvent le faire aussi (les plantes sans doute aussi, mais on n'a pas encore le grand public pour venir admirer le mouvement des plantes)... Ce "paradis exhaustif", comme disait Sabine, enfin...

Aujourd'hui, sur la montagne

On a mis dans cette salle de répétition déjà immense (et dont on laisse la porte ouverte), une montagne encore plus immense. En un sens, le spectacle est fait. C'est à dire qu'en fait, on est à peu près à la même étape que le sont mes spectacles : ce ne sera pas dans un mois et demie, c'est presque maintenant, almost now. Et ce almost now, c'est ça, mes spectacles (j'espère...)
Arié a les cheveux blancs comme la poussière qui commence à recouvrir la montagne - et que les patchs de fluos font miroiter.

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Roger le régisseur

La petite fille est irlandaise, mais elle vit à Bruxelles depuis quatre ans. A Bruxelles, je crois que c'est ainsi : on voit le peuple dans la rue, le monde musulman aussi très présent (foulard), mais il y a une certaine aristocratie internationale.
Claude a demandé à Roger, le régisseur (qui lui - à lui-seul - est trop fort pour faire partie d'un de mes spectacles, mais qui pourrait viser immédiatement l'échelon supérieur, disons au moins Pina Bausch) de monter du sous-sol la bête équarrie. C'est une forme, une masse animale en fourrure, comme un sanglier, sans tête, plus gros qu'un sanglier, sans tête et sans pattes (mais il est vrai qu'on ne la voit que d'un côté). "Nature, chère déesse." Une échine, une croupe, une masse. C'est de la neige noire, on glisse sur de la neige noire, dit Arié. La petite fille porte une robe en taffetas.

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This romantic circle

On se réunit pour lire le script au pied de la montagne. Avec la petite fille, l'équipe est au complet. Si on s'ennuie en anglais, on parle français et réciproquement.

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Journée du chocolat. Claude qui a lu mon blog dans la nuit m'offre des oiseaux en chocolat, "les oiseaux de Frankenstein". Ce soir, Felix est à Bruxelles et passe me voir. On regarde Frankenstein avec les Anglais et Claude qui a pourtant dû le voir mille fois. Je comprends bien comment travaille Claude. Ce ne sera malheureusement pas des vacances, mais ce sera très agréable. Si j'arrive à avoir une vie un peu plus réglée... pour, physiquement, ne pas vivre en état de zombie permanent, ce sera très agréable.
Cette après-midi, j'ai regardé travailler Arié, remarquable, très beau sur la montagne noire. Puis la petite fille est arrivée.
Dans mon appartement-château, c'est la nuit que je suis bien. Je suis comme un chat. Je pense au film en descendant et montant le petit escalier (c'est un duplex). Je pense que Pierre aussi, peut-être, le verra comme un donjon. Je suis toujours sous les toits. A Avignon aussi, je serai au-dessus de la chapelle des Pénitents Blancs.
J'ai mis en contact Guillaume Allardi qui cherchait du travail et Christophe Haleb - je serai curieux de voir le résultat - pourvu que ça marche ! Je n'ai pas pu m'empêcher de parler aussi de Felix (qui ne cherche pas de travail). Christophe est allé voir les vidéos et a dit : "Si Felix n'est pas un cat, c'est un sacré matou." Felix, c'est la magie, c'est tout. Comment ça s'fait que je n'arrive pas à bâtir des productions pour en profiter plus longtemps ?
Au bout du deuxième jour, j'en suis déjà à cacher à Byron ma passion pour lui : j'ai peur qu'il me prenne pour une tarlouze (si ce n'est pas déjà fait). Il m'a écrit une phrase de William Blake sur mon carnet : "Joy & pain woven fine clothing for the soul divine." Les Anglais ont beaucoup d'humour. Après avoir vu le début de La Fiancée de Frankenstein que Claude voulait nous montrer, ils miment les mignardises des acteurs hollywoodiens de l'époque qui jouent Lord Byron, Mary et Percy Shelley. Encore un spectacle de moi ! Ils sont parfaits, ces Anglais. J'ai toujours cru que seul Jonathan Capdevielle et Thomas Scimeca étaient virtuoses. En fait, non, la virtuosité chez les acteurs est partout et me sidère. L'homme est acteur, c'est son état le plus naturel, je pense (j'allais écrire : virtuel). Je n'invente rien, Marlon Brando le dit. Je n'ai jamais aucune idée de comment font les acteurs et voilà que j'en suis un aussi, un parmi d'autres et que je ne vais pas savoir non plus comment, moi, je devrai faire... Mon Dieu...
Byron, alias Joseph Chance, porte un toast "to the creature - whatever he may be - or she".

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