Friday, April 16, 2010

Au rayon des nouveautés





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Poème du froid

déchirure à chaque
mouvement
déchirure et arrachement et
hurlements stridents,
criards (hurlements Nicolas
Maury) parce que
chaque mouvement - et
même le train, si, d'habitude,
apaisant - éloigne
éloigne encore de toi
chaque seconde - et, bien
que ce soit une illusion,
bien sûr, c'est quand
même une illusion dure,
une fatigue
incroyable et une tristesse







Et, un peu avant Bruxelles, fatigué de lire, ralentissant toujours incroyablement les lectures, tant d'informations... au point que je m'étais demandé aussi si on pouvait écrire en écrivant seulement - sans lire - comme un acteur pourrait jouer en jouant seulement - j'avais tapé ce poème pour le mettre sur mon blog, ce serait ça de fait ; quand j'avais fini, je m'étais aperçu que j'étais relayé par Théo, sept ou huit ans, que sa mère avait placé à côté de moi (son frère Max un peu plus loin) qui lisait d'abord avec les yeux, puis les lèvres et finalement à voix basse (chuchotée), à mesure sans doute qu'il s'apercevait de la difficulté du poème ; je n'avais pas bougé, aimanté par le miracle, le don, sa petite voix intérieure, pendant que le paysage urbain déjà défilait et que le train ralentissait sa vitesse...

Cette relation secrète, c'était ça, le monde, et c'était ça dont, maladroitement, je tenais ici le journal avec Clélie, dont le prénom comme le visage étaient aujourd'hui menacés, Pierre et quelques autres personnages ténus, occupés au secret.

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Belle de nuit (of course)

"Nous ignorons le masque du comédien et voyons le poète mettre le masque dans la nuit."

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Sublime Nicolas Maury

Je découvre Nicolas Maury, cet acteur que Jonathan imite d'une manière si drôle dans Blektre - et aussi, je dois dire (à ma demande) dans l'Opération Opérette qui va sortir à la radio le 25 avril (France Culture vers 23h) - il dit : "Je me sens si étrangement en dehors de moi-même." Il le dit très bien. Très bon acteur. Il utilise sa voix grotesque comme un masque (comme disait hier midi Thomas Gonzalez). Du coup, il est capable de faire pleurer et rire en même temps. On ne voit que lui (presque). Il joue trop bien l'ado. Dans ce spectacle, on croit à tout ce qu'il dit (les autres qui jouent réaliste n'ont aucune consistance) (presque). Il faut dire qu'il dit de telles belles choses : "J'ai parcouru ta lettre comme une chouette effrayée une forêt en flamme (rire du public), bien que je croyais aussi la lire les yeux fermés." (je cite de mémoire). Il dit, par exemple : "Je n'attache pas tant de prix à me faire bousculer." Mais c'est la profondeur qui l'emporte : quelqu'un peut dire ça et que ce soit vrai, quelqu'un d'émouvant à ce point qu'on croit qu'il existe, qu'il est cela, Nicolas Maury. (Ainsi, aller l'attendre à la sortie comme me le proposait un peu insolemment une ado à qui j'avouais : "Surtout lui.", fait un peu peur.) Et il a un air de Jonathan entre les yeux. Je suis seul avec mon carnet, en ce moment, alors j'écris, peur de perdre le stylo, mais quand je l'ai, alors j'écris dans le noir idéal. Avec Pierre, c'est fini, alors je ne pense qu'à lui. Je n'arrive pas à gérer l'intrusion de son ex-femme, l'idée d'être surveillé comme ça jusqu'à la majorité de Clélie représente pour moi une telle horreur que j'ai préféré me retirer du jeu, rêvant vaguement que l'on se retrouverait, je ne sais comment, en cachette, dans une autre vie (notre vie heureuse), etc. Pierre, d'un côté (son âme, son génie artistique) n'appartient à personne et, de l'autre côté, sa vie est complètement cadenassée, c'est épouvantable. Je le vois, pour tenir, comme se suicider tous les jours un peu (principalement sur le plan artistique, dans son cas, le plan profond, tuer ses profondeurs à la demande). Donc j'écrivais sur Nicolas Maury et puis je viens de dévier, vous avez vu. Je recopiais ces notes du noir sur Nicolas Maury. Qu'est-ce qu'il devient ? Il dit maintenant quelque chose comme : "Il règne dans la nature une paix peu commune, rien de criard, d'agité, le ciel et la terre : une toile d'araignée transparente." Il (...), il va se tuer. On est sur la peau de son visage, il ressemble à Pierre aussi. Il parle un peu comme Grisélédis Real aussi, c'est à dire : vrai. Je commence (recommence) à aller voir des spectacles pour des acteurs, je suis content. Avec Pierre, on a vu le film de Pascal Thomas au titre un peu long me souviens plus, bon, c'était loin d'être sidérant, mais c'est vrai que Julien Doré était bien. Ici aussi, pas bouleversant, mais sublime quand Nicolas Maury est là. Sublime Nicolas Maury. Les acteurs font tout le travail, autant employer les bons. (Très beau décor et très bonne mise en scène.) Evidemment, je parle de mes goûts. Ces acteurs qui, moi, m'ennuient (je n'écoute pas) passionnent peut-être mon voisin et ma voisine. Certainement. Moi je suis rivé à Nicolas Maury, comme aimanté par la surprise, son visage blanc comme butoh, son corps dérisoire, son âme, son excellence... Si ça se trouve (me dis-je à moi-même), peut-être n'a-t-il même pas d'âme, peut-être est-il simplement excellent. Un pantin, comme Kean. Il dit : "Il suffisait d'un mot", avant de se tuer. Et encore quelque chose comme : "Je dirais, comme ça, que j'avais d'énormes miroirs de cristal au-dessus de mes lits, que je dressais, comme ça, un poulain indomptable." Et : "Je hurlais, hurlais être toi..." (toi = Pierre). Il raconte quelque chose qui est au-delà de ce que l'on pourrait dire de lui, jeune Kazuo Ohno - mais pas Duras, non, plus jeune. Il va se tuer : "La rivière se traîne comme du plomb fondu." Puis il brûle une lettre en disant : "Oh, il ne faut pas que j'oublie." Vous vous rendez compte ? Avant de mourir, il y a quelque chose qu'il ne fallait pas qu'il oublie.
Je suis parti à l'entracte, comme Brigitte Salino, parce que Nicolas Maury s'était tué.
Non, j'ai vérifié, j'ai demandé si Nicolas Maury ne revenait pas dans la deuxième partie, on m'a dit (deux personnes différentes) : "Mais si, mais je ne vous dis pas sous quelle forme, c'est encore plus étonnant, voyez, moi, j'entre justement pour le revoir." (Une ouvreuse.)
"Nous rôdons autour des arbres de mai, des chapelles isolées en forêt." Il revient en fantôme (après sa mort), on dirait Barbara, Nicolas Maury, l'acteur butoh que tous les autres acteurs imitent pour s'amuser (comme me disait aussi une amie (oublié son prénom) de Clément Sibony que je croisais à l'entracte). Il crie comme Frankenstein, aussi. (Si je pouvais dire cette phrase aussi dans Frankenstein... - quelle phrase ? La Chapelle Saint-Jean, puanteur sépulcrale, la riche rive de l'exil...)

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Vincent Lohier 16 avril 2010, à 01:02
Subject: perso
Je viens de lire votre blog, le texte "Cesser de faire le gendarme, pour soi et les autres". Je voudrais juste vous témoigner de mon amitié. Nous ne nous connaissons pas, pour autant j'aime beaucoup votre univers (à Vanves avec Kataline Patkaï, c'était génial !)

Bonne chance, au plaisir de vous voir sur les planche (Avignon)

Vincent

Yves-Noël Genod April 15 at 4:11pm
Merci ! Très gentil. Vous avez donc bien compris le message. Cette amitié. Et la tendresse, bordel ! (Le reste vient avec.) Vous me faites signe la prochaine fois, dans la vie, hein ?

Vincent Lohier April 20 at 4:39pm
bonjour,
Je suis bénévole pendant le festival, d'Avignon, je vous ferai signe pour vous payer à boire au bar du lycée St Jo (en dehors de la cohue avignonnaise)
Au plaisir,
Vincent

Yves-Noël Genod April 21 at 12:49pm
Ah, c'est très gentil ! Là, je dois trouver incessamment sous peu (si c'est pas déjà trop tard) un titre et un concept pour ce que je veux y faire... Tricky ! (Si vous avez des idées...)

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