Thursday, August 26, 2010

Le Costume


J. veut me faire un costume dans le tissu de la nappe puisque je l'aime bien. "Non, ce n'est pas si compliqué, dans la famille on est bonne couturière, tu sais... Ça peut même se faire cet après-midi. Il suffit que j'appelle ma mère pour lui demander. Elle voudra bien, de toute façon."

Mirabelles

"Merveilles", mirabilia, en latin





Les Allemands, la viande et le soleil

Mon Blond,

Voilà maintenant un été qui nous sépare. Entends-le comme tu veux. Ça pourrait aussi vouloir dire que j'ai un été de retard à cause de Berlin qui est passé directement à l'automne. D'ailleurs les Allemands ne sont pas du tout adaptés au soleil.
J'ai toujours l'impression de savoir un peu ce qu'il en est du Genod, mais cette fois j'exige des informations adressées à moi particulièrement. C'est comme ça, on se radicalise l'égo avec le temps.
Je suis tout entier l'Allemagne en ce moment. Je ne fais qu'un avec ce sujet. J'ai tout expérimenté, de la grosse Wurst sale qui dégueule de ketchup et de curry, aux rayons des supermarchés gavés de charcuteries roses et agglomérées qui finissent toujours par prendre la forme d'une saucisse. "L'odeur de la viande ne me quitte pas des yeux." (A la base, c'était "sang humain" à la place de "viande"... Ça m'obsède un peu cette histoire de bidoche, je crois que ça a à voir avec la politique.)
J'apprends l'allemand et c'est beau, je pratique l'allemand et c'est beau aussi, l'Allemand. Tout est bon dans le cochon.
Bon, il fallait aussi que je te dise qu'on m'a parlé de toi et de ton spectacle à Avignon. Un dramaturge de la Schaubühne (très grande scène à Berlin) qui m'a parlé de la joie que lui a procuré ce spectacle. You win !
Et la Suisse, ça en est où ? Et puis l'amour ?
Je repasse à Paris début septembre, j'aimerais bien qu'on mange ensemble une entrecôte pas reconstituée.
Viel SpaB (beaucoup plaisir) !
Je t'embrasse fort

Arnaud

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Eternité retrouvée

Le petit chat ronronnait (pour la première fois). J. qui le tenait sur son ventre dit : "Moi, je ne peux pas ronronner, mais je peux respirer." Et elle se mit à bercer le petit d'une respiration vaste et ample. Le ventre montait et descendait. L'atmosphère avait changé. Tout était calme avec le temps. La chatte s'était mise en sphinx. Avec ses pattes arrières qui formaient des omoplates bien détachées. Quelle était belle, cette chatte... Le petit dormait. J. me dit : "Tu sais, je crois que ce vin est un peu passé." Mais je buvais quand même. Les ados s'étaient couché. Pierre était resté le dernier. Il lisait Tintin tout en regardant le chaton sur le ventre de sa mère (ou, au moins, faisait-il sans doute deux choses à la fois). Et, tout d'un coup, il s'écria :"Oh, mais je suis tout seul !" J. dit : "Voyons, tu n'es pas tout seul ! Allons, on est là..." Mais être prisonnier d'une scène d'adulte ou d'une tendresse d'adulte ou détaché du groupe, c'était ça, "être tout seul". Il avait fuit.






Sujet : Comment était l'atmosphère avant qu'elle change ?
Dans le silence de la nuit, je rêve encore. Les enfants dorment. Le chaton et la chatte dorment. J. dort. Nuit sans dedans sans dehors, le calme plat, rond, lumineux avec le moustique seul danger.

Une mouche fait du bruit



Prière

Demain, je quitte le balcon de la Bourgogne. Je me lèverai un peu plus tôt pour acheter du vin pour demain soir. Je suis déjà passé, mais les viticulteurs n'étaient pas là. Du Givry. Il fait incroyablement doux, ce soir, une douceur de solitude. J'ai quitté J. depuis un moment déjà, nous avons regardé "Les Années Yé-yé" sur Arte avec les enfants. A l'heure actuelle, il y a Les Idoles, avec Bulle Ogier, mais j'ai laissé tombé. Je suis venu m'installer sur la terrasse. Je regrette que l'ordinateur soit si lumineux. Je ne lis pas toujours ce que je voudrais lire, je dirais : par paresse - mais aussi : par désolation. Il faudrait fouiller, il faudrait trier. Mais tout le monde est occupé à écrire précisément ce qui ne me concerne pas, ce qui ne m'intéresse pas. C'est quand je me mets à penser que je suis heureux. Que je ressens que je suis heureux. "La pensée est triste" ou "rend triste", "penser rend triste", a dit, une fois, Leslie Kaplan. Là encore, je pense exactement le contraire. La pensée, pour moi, est comme une prière ; c'est quand je pense que je suis avec. Mais je suis abruti, le plus souvent, par ce que je lis. Pas toujours parce que c'est mauvais. Parce que ça ne parle pas de tout. De tout à la fois. S'arrêter toujours ou ne pas s'arrêter. Sauf Juliette Drouet et P. (souvent), sauf Shakespeare et La Douleur de Marguerite Duras, par exemple. Sauf les lettres de Colette et le journal de Virginia Woolf... Les poèmes aussi, par intermittence. Mais c'est plus facile pour les poèmes parce que les poèmes sont partout sauf dans les poèmes (par exemple : She walks in beauty like the night)...
Maintenant, écoutez, je vais éteindre mon ordinateur pour quelques secondes, que deviendrez-vous ?
Me revient immédiatement comme l'écriture, me revient le noir de la vie où se déploie la vie.
Que nous contemplons.

Le Fantôme du présent, le fantôme du futur et le fantôme du passé (qui viennent le faire chier)







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Paris est tout gris ?

Belle de jour

"Ta souffrance n’est qu’une absence limitée dans le temps.
(…)
Imagine. Ce que tu aimes le plus au monde, c’est où tu vas et non d’où tu viens.
Les oiseaux qui chantent sont des musiciens. (Suppose the singing birds musicians,)
L’herbe sur laquelle tu marches, c’est la paille du trône.
Les fleurs sont des jolies femmes. (The flowers fair ladies,) Tu ne marches pas, tu danses, c’est délicieux, tu danses. (and thy steps no more / Than a delightful measure or a dance ;)
Si la tristesse montre ses dents, moque-t-en. Tu auras moins mal."






(La réponse est intéressante parce qu’elle montre – comme toujours dans Shakespeare – l’autre point de vue : « La seule image du bonheur accentue le malheur », etc. Ce point de vue qui n’est jamais le mien (sauf à le jouer).

O, who can hold a fire in his hand 

By thinking on the frosty Caucasus ? 

Or cloy the hungry edge of appetite 

By bare imagination of a feast ? 

Or wallow naked in December snow 

By thinking on fantastic summer's heat ? 

O, no ! the apprehension of the good 

Gives but the greater feeling to the worse :
)

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Quelques titres pour la Ménagerie de Verre

On les voit, place aux marquis !

Le Corbillard, ceci dit

Allez dire ça aux feignants d'en haut


On regarde Le moindre geste, le film de Fernand Deligny. Tout le monde suit, j'en suis étonné parce que J. parlait d'une ruse pour y intéresser les ados. D'après la jaquette, elle leur a fait croire que c'était un film d'aventure. J'en ai même rajouté, j'ai dit : "Et, à un moment, ils rencontrent un tyrannosaure...", mais j'ai fait un flop un peu pareil à quand j'ai parlé de Thomas Bernardt en Autriche. Personne n'a relevé. Inapproprié. Moi, je dois lutter contre le sommeil parce que ce n'est que du cinéma, que de l'enregistrement et que c'est exactement le genre de film que j'aimerais faire moi, mais que j'ai du mal à voir chez les autres, le film d'art et essai (après, il est vrai, en avoir bouffé pendant au moins quinze ans). Je me retiens de monter me coucher parce que tout le monde se passionne pour ce montage décousu ("décousu" est peu dire, en fait : dans le désordre) et qu'on se demande si le type (handicapé mental, mais que les enfants prennent en sympathie) va finir par sortir du trou dans lequel il est tombé. Il y a des cartons comme dans les films muets. C'est de là dont sont tirés les titres.

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Lire et délire

L'âme humaine toujours en mouvement.

Feuilleter un livre pour se rafraîchir les idées.

Les ados ont envie de faire du "fromage de chat". "Quelle bonne idée...", s'écrie J. Le petit chat, qu'elle propose d'appeler Mini Glouton ou Petit Pataud a onze jours et il commence (à peine) à ouvrir les yeux. Sa mère est flattée qu'on s'y intéresse, mais, il y a un moment, il y a une limite. Elle le prend dans sa gueule et elle le ramène (mais c'est justement ce qui nous intéresse le plus, ce qu'on attendait de voir encore une fois...)

- Si on mangeait à côté, on pourrait parler de c'qu'on veut...
- Faites semblant qu'on n'est pas là...
- Ben, non, on peut pas parce qu'elle veut pas, leur mère...