Sunday, October 10, 2010

Bio Bruxelles

Yves-Noël Genod, interprète formé chez Claude Régy, Antoine Vitez et François Tanguy propose des spectacles depuis juin 2003 et son premier En attendant Genod, au Lieu Unique, à Nantes. Il vient de vivre une success story au festival d’Avignon, au théâtre de la Condition des soies (dans le Off), avec Le Parc intérieur. Il a créé, en septembre, L’Echange (comme la pièce de Paul Claudel) au festival Plastique Danse Flore, quatuor mêlant deux danseurs congolais, Dinozord et Papy Ebotani à Marlène Saldana et Thomas Scimeca. Il a aussi créé, en octobre, La Mort d’Ivan Ilitch, forme infinie de quarante minutes interprétée par Thomas Gonzalez et présentée au festival actOral, à Marseille. A Bruxelles, il a donné Blektre, de Charles Torris et Nathalie Quintane, au festival Compil d’Avril de La Raffinerie (2008). Il a par ailleurs, au mois de mai dernier, été l’interprète de Claude Schmitz dans Mary, Mother of Frankenstein, présenté au KunstenFestivaldesArts (rôle de la créature). Tous ses spectacles, photos, textes et vidéos se trouvent répertoriés sur son blog.

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Dieu n'était pas marié


Photo Sylvain Couzinet-Jacques. Thomas Gonzalez dans La Mort d'Ivan Ilitch.



« Vos textes et votre théâtre semblent beaucoup travailler l’idée de « temps suspendu » et de « temps présent »…
– C’est exactement cela. Je crois que l’un des rôles essentiels du théâtre est de permettre au public de faire l’expérience d’un temps différent de celui qu’il ressent dans sa vie quotidienne. Mon intérêt pour cette question du temps est très lié à cette extension du temps qui est à l’œuvre sur scène. En faire le sujet d’un texte n’est pas suffisant, j’ai besoin de le réaliser sur le plateau. »



« Par exemple, je m’ennuie si les corps des acteurs se bornent à accompagner les mots qu’ils disent. Un corps auxiliaire – qui se contente de « tracer » la trajectoire des mots – me semblait « appauvrir » l’expression. J’ai donc demandé aux acteurs de séparer leur corps de leur discours. De générer leurs mouvements en partant de ce que j’appelle des « images » ou des « sensations », quelque chose qui, en général, précède les mots lorsque nous parlons. Et ce que vous voyez, c’est une solution. Une solution qui n’est que temporaire : je ne cesse de travailler avec les acteurs et de développer plus avant leurs mouvements. Dans mes pièces, je considère les mouvements des acteurs comme une sorte de « naturalisme », non pas au sens traditionnel du terme, mais comme une extension de celui-ci. Si je fais « danser » les acteurs, ce n’est pas délibérément. Ce n’est pas mon intention. Tout ce que j’ai conscience de faire, c’est d’essayer de prolonger le corps des acteurs.
L’une des choses importantes que je demande aux acteurs, c’est de bouger consciemment sur scène comme s’ils étaient en train d’improviser, même s’ils ont en réalité travaillé et mémorisé les mouvements un millier de fois. »

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Voir les mots

« Je barre les mots pour que vous les voyiez davantage. »

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Le Calme vivant, vivant, vivant, vivant...

Dis-moi, je suis encore très « habité » et – pas frustré parce que j'ai l'habitude – mais, quand même, faudrait trouver à le rejouer, ça ! C'est le spectacle le plus léger (le plus transportable) que j'aie jamais produit (et peut-être le plus profond). Si tu as des idées de retombées... J'ai même pensé tout à l'heure à une possibilité d'en faire presque une heure, si besoin était, qui pourrait être pas mal. Evidemment, c'est en imagination avec cette lumière des services qui apparaît à la fin. Tu continues ces « saluts » qui peuvent durer cinq à dix minutes facilement (je veux dire : tu y arriverais très facilement, faut juste que je t'encourage encore un peu) et tu recommences le spectacle… On s'arrête (avec un vrai noir et, là, de vrais saluts) après que cette idée de recommencement, de cycles, soit bien passée... Faut voir. C'est parce que je suis dans le bouddhisme, en ce moment ! Et aussi parce que j'ai vu tout à l'heure Toshiki Okada, absolument génial, zen, presque deux heures où pas une fraction de seconde ne s’arrêtent le mouvement de la terre, la lumière, etc., le fleuve, comme on disait, mais plus léger qu'un fleuve, c'est l'air et c'est l'ivresse (le saké) et c'est le calme vivant, vivant, vivant, vivant...

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Yvno,

je repense svt à ta forme de vendredi...
bcp aimé,
splendeur et misère... oui je t'ai bien reconnu là-dedans aussi !

très contente ! de t'avoir vu même très courtement,
je t'embrasse bien bien fort et merci encore !
m

tu es reparti ?



Oui, sorry pour avoir préféré le champagne à la bière... « Splendeur et misère » (...des courtisanes), c'est bien trouvé...

YN

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Etre et ne pas être


Photo Sylvain Couzinet-Jacques. Thomas Gonzalez dans La Mort d'Ivan Ilitch.



« Dans les monastères bouddhistes, un des exercices que l’on pratique est le suivant : le néophyte doit vivre chaque instant de sa vie de façon intense. Il doit penser : « Maintenant il est midi, maintenant je traverse la cour, maintenant je vais rencontrer mon supérieur », et en même temps il doit penser que midi, la cour et le supérieur sont irréels, sont aussi irréels que lui et que ses pensées. Car le bouddhisme nie le moi.
Une des désillusion majeures est celle du moi. En cela le bouddhisme est d’accord avec Hume, avec Schopenhauer et avec notre Macedonio Fernandez. Il n’y a pas un sujet pensant, mais une série d’états mentaux. Si je dis « je pense », je commets une erreur car je suppose un sujet constant puis l’œuvre de ce sujet qui est la pensée. Il n’y a rien de tel. Il faudrait dire, note Hume, non pas « je pense », mais « il est pensé » comme on dit « il pleut ». En disant « il pleut » nous ne pensons pas que la pluie exerce une action, non, il se passe quelque chose. Ainsi, comme on dit qu’il fait chaud, il fait froid, il pleut, nous devrions dire : il est pensé, il est souffert et éviter le sujet pensant. »

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Le Nirvana et la tortue

« Des six destins qui sont permis aux hommes (on peut être démon, une plante, un animal), le plus difficile est d’être un homme et nous devons profiter de ce destin-là pour faire notre salut.
Le Bouddha imagine au fond de la mer une tortue et un anneau qui flotte en surface. Tous les six cents ans, la tortue sort la tête hors de l’eau, mais il serait surprenant que la tête de la tortue passe justement dans l’anneau. Or, dit le Bouddha, « le fait que la tortue trouve l’anneau n’est pas plus surprenant que le fait que nous soyons des hommes pour arriver au nirvana ». »

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Dimanche dix dix deux mille dix

Vu Toshiki Okada, virtuosité pure, intelligence extrême…

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La Littérature, c'est la fête

Nathalie Quintane. Cliquer sur le titre.

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Un seul chemin sur la terre/A réussi à me plaire/Celui qu'ensemble on suivait


Photo Sylvain Couzinet-Jacques. Thomas Gonzalez dans La Mort d'Ivan Ilitch.



La journée a commencé avec ma petite conférence (ou causerie) aux programmateurs. Très agréable. Le groupe était détendu. J’ai parlé comme je sais faire et personne n’avait l’air de s’ennuyer. Rien à en attendre. Ou tout. Puisque le plaisir semblait partagé. J’étais surtout heureux de pouvoir montrer ma bonne volonté à Hubert et à Anaïs qui avaient eu l’idée de cette rencontre. J’ai même réussi à dire deux-trois choses importantes. On a parlé de Grüber... J’en ai oublié une ou deux.

Répétition un peu commencée dans le stress en début d’après-midi (Gérald en retard, un piano à faire disparaître), mais qui s’est, après ça (cette dépense d’énergie non-bouddhique), déroulée sans accroc. On a réussi à éteindre tous les racs ; le gradin plat, je l’ai assumé (j’étais au courant)… Filage photos plus un deuxième. Thomas, très travailleur. Quelle belle rencontre, ce type-là ! Il m’émeut vraiment beaucoup. Ce qu’il a fait le soir est virtuose, extrêmement difficile, très complexe. La difficulté, dans son cas, vient de ce qu’il est « surqualifié ». Très intelligent, sensible plus encore et avec l’outil de soi-même à disposition comme une machinerie. Il est le premier acteur à qui, par exemple, j’aie demandé s’il pouvait pleurer. Oui. Pas d’problème. Il appuie sur un bouton, ça sort. A l’endroit désigné par la mise en scène (au bord gradin, en gros plan) : des larmes. Je disais la « difficulté »… C’est juste que c’était son premier filage en public, que, le matin, j’avais dit que mon travail nécessitait plusieurs avant-premières pour que les acteurs comprennent dans quel sens il se « cristallisait ». Dans le sens de la confiance. Donc Thomas était extrêmement à l’écoute du public afin de comprendre ce qui passait et ce qui passait moins, comment ça se passait. Ce qui est tout à son honneur. Rien à redire. Mais qui lui donnait une sensible (puisque tout chez lui est ultra sensible) « attention » dans le sens « gravité », « rétention » qui aurait disparue dès le lendemain, c’est-à-dire au « deuxième » filage, dès la « première », comme on dit, passée (et puisque très bien passée). J’ai été saisi de larmes au moment où il a dit que le chemin qu’il avait préféré faire dans la vie avait été celui que nous avions fait ensemble… En même temps, il a un peu forcé sur l’accent, ce qui fait que des personnes (je l’ai appris ce matin) ont cru qu’il chantait du Dalida ! Faut-il être idiot ! (Ces gens, paraît-il, se sont demandés si j’avais réécris une partie des paroles...) L’accent rajoutait du kitsch, c’est vrai, les gens riaient parfois (ça, c’est toujours agréable, comme disait Nathalie Sarraute : « C'est la preuve que le public ne s'ennuie pas. ») : ce léger malentendu se serait évanoui de lui-même dès le lendemain *. Ah, si, quand même une chose dégoûtante (que je n’ai pas vue en direct – j’étais « sous » le gradin plat – mais qu’on m’a rapportée) : Thomas Gonzalez est tellement – quand il joue – dans l’état d’une prostituée, n’est-ce pas ? – c’est l’explication – que du liquide séminal s’échappait de sa bite dans un long fil baveux quand il est monté sur la chaise (pour le presque et sublime final). Répugnant ! Et, là aussi, rires. Mais, enfin, ça donne l’idée de la hauteur à laquelle la « performance » (complètement écrite) s’est placée. Le simple fait de monter sur une chaise... Du haut vol. Du don de soi. Du Louis-Ferdinand Céline. On m’a rapporté aussi qu’une personne l’avait trouvé très moche ! Je rapporte ces avis négatifs si rares parce qu’ils sont baroques et que parler des compliments serait immodeste. Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton ont été littéralement adorables, Hubert aussi. Liliane ne peut que comprendre ce genre de choses. Elle a pleuré, bien sûr. Marc-Antoine aussi a adoré. Jean-Jacques nous a offert du champagne pour fêter ce succès. Du coup, j’ai un peu délaissé Montaine qui en était à la bière. Sorry, Montaine… Je veux dire quand même une chose qu’il me sera arrivé d’entendre une fois dans ma vie, une chose dont je n’aurais même jamais pu rêver… Quelqu’un, quelqu’un m’a dit – un inconnu qui est venu vers moi – et il a dit que c’était d’une complexité, d’une densité et d’une condensation de contradictions (défaire la représentation et, immédiatement, la reconstruire, etc., je ne sais plus)… Une condensation, une contraction d’extrêmes et de paradoxes... Attendez, je n’ose le dire, j’ai failli m’évanouir (ou peut-être, moi aussi, laisser couler du liquide séminal)… Il a dit, il aurait dit, oui : « borgésienne ». (Il ne savait même pas le dire, ce mot, il a d’abord dit : « borgienne ».) Bon, en même temps, il m’a avoué à la fin, en partant, quoi, qu’il était, en ce moment, dans Borges, qu’il le lisait… Mais, quand même, c’était dit, ça a été dit ! Et, moi aussi, de toute façon, je suis dans Borges, en ce moment. (Ceci pour Alain Klingler qui me demandait d’où je sortais les citations sur le Bouddha.) Et, de toute façon, je suis toujours dans Borges. C’était ma bible au stage (Jouer Dieu) et c’est – pour la vie – l’homme qui m’apprend le plus. Après mon psy, mon père et Pierre, bien entendu… Mais pas très loin derrière. Et après Thomas, of course….

Bon, je suis dans le train (le 18h28, le samedi – que je conseille : il est direct et il est vide) et j’ai fini la mini bouteille de rosé qui s’appelle Just. Just, Just rosé, produce of France. Avec amitié






* Evidemment, c’est un état d’ultra sensibilité, comme j’ai dit, et donc la projection du public est une action massive. Quand je suis seul avec Thomas, ce que je projette est d’une énorme importance et quand, tout d’un coup, il y a beaucoup d’public, il y a du public, évidemment, c’est considérable. Donc c’est pour ça qu’il faut beaucoup d’avant-premières, normalement, en fait, pour… devenir une star parce que « devenir une star », c’est ça, c’est comment travailler la projection du public, en fait. Dans cette représentation unique, par exemple, Thomas, parfois, avait l’air d’un clown (comme avec une perruque de clown). Ce qui m’a donné l’impression, comme ça, qu’il forçait l’accent. Mais, si ça s’trouve, c’était simplement le public qui projetait – d’ailleurs y a eu des rires à ces moments-là – qui projetait quelque chose. C’était quelque chose qui n’était pas apparu pendant les répétitions et qui d’ailleurs était en soi absolument intéressant.

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