Thursday, November 04, 2010

Autour d’aile

« La « capacité négative » est l’idée de Keats selon laquelle la personnalité artistique se dissout et devient partie intégrante de ce qu’il y a autour d’elle. Une pierre, un moineau. Et il oppose cela à ce qu’il appelle le « sublime égotiste », la personnalité artistique qui submerge tout ce qu’elle voit, le faisant devenir ce qu’elle est.
Je n’aime pas cette idée. J’aime la première. Comment disiez-vous ?
Capacité négative. »


Le soleil revient. Ce n’est pas un événement. C’est moi. Il y a des miroirs et les miroirs sont de l’eau – et les murs sont blancs et les murs sont de l’air et les miroirs sont posés en vrac un peu dans toutes les pièces. Il y a des miroirs, des portes ouvertes, des fenêtres, trop de fenêtres comme à Versailles et le soleil revient. Il y a une vigne vierge qui recouvre la maison et qui perd ses feuilles après les avoir peintes en rouge, badigeonnées de rouge, badigeonnées de sang. Il y a le soleil clair, frais, pâle, blanc et miroitant qui revient – et qui longe les pièces, les formes, les miroirs. Le rouquin à la peau très blanche, Olivier Veillon, fait de l’enduit et le plâtre le noirci encore de blancheur et il en respire comme la fumée d’une cigarette. C’est dans la cuisine. Mais les portes ouvertes, les fenêtres transparentes montrent – comme Giacometti le montrait – que le soleil revient. Et qu’il n’y a ni vide ni plein, mais l’expérience mouvante et chaste. Les animaux sont occupés à travailler.

« Tout lui venait comme un liquide emplissant un verre vide. »

Le soleil brille maintenant du coin de l’œil comme une épée.

«…une insistance mise sur la musique que vous n’avez pas encore entendue – ou la musique que vous n’avez pas encore écrite. »

Le garçon chante au-dessus du disque. Morrisey. Ça doit être un vinyle.

« Satie était intéressé par l’inactivité et la répétition bien avant, disons, même Andy Warhol, pas seulement sous l’angle du temps mais sous l’angle de l’extension de l’activité. »

« Et ceci explique comment de nombreux projets recoupent ceux que d’autres ont au même moment. »

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Poem in October

« My birthday began with the water –
Birds and the birds of the winged trees flying my name
Above the farms and the white horses
And I rose
In rainy autumn
And walked abroad in a shower of all my days »

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Phrase qui peut me faire pleurer (elle est de Keats)

« La poésie de la terre est infinie. »

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La Fonction de la musique

« Je dirais que la fonction de la musique est de changer la conscience pour qu’elle s’ouvre à l’expérience, qui est forcément intéressante. »

N’avoir pas d’ego à ce point est quand même tragique. Passer pour un pédé, par exemple, se foutre de ce que les gens pensent de vous à ce point, se dissimuler à ce point, c’est quand même tragique. (Mais y a plus grands tragiques que moi…)

« Je me suis amusé en lisant Thoreau de découvrir que pratiquement toutes les idées que j’ai eues tenaient debout », dit John Cage. Toute proportion gardée, c’est exactement ce qu’il m’arrive à moi lisant John Cage. Jorge Luis Borges m’apprend tout, mais John Cage (toute proportion gardée) me conforte. Comme monsieur Jourdain, je vous dis…

On entend les cloches pour la première fois (elles s’étaient arrêtées pour la Toussaint ? Ou alors on était sorti…) Elles se mêlent à la musique du salon. Pendant un moment, c’est John Cage – et le bruit des voix, aussi dans le silence. Il y a une telle différence – de nature – entre « on me fout la paix » et « on ne me fout pas la paix » et ça semble tellement facile – ici – qu’on me foute la paix, que je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas tout le temps. Peut-être que je me charge des malheurs du monde, d’une part des malheurs du monde – peut-être qu’il y a une culpabilité qui traîne (certainement), celle qui dit : « Le monde pourrait être meilleur… » Et pourtant le luxe est à portée de main. Ici, ce n’est pas Auschwitz, ici, ce n’est pas l’Afrique ou les favelas, ici, ce n’est pas Tokyo ou Hiroshima. Ici, c’est la Bourgogne absente depuis quelque temps de la carte des malheurs du monde. Il n’y a plus la peste, il n’y a plus l’invasion, il n’y a plus la famine ni la maladie et la mort… Il y a Victor Lenoble et Olivier Veillon qui ont vingt-cinq ans.

« Si, quand je suis dans les bois, les bois ne sont pas en moi, ai-je le droit d’être dans les bois ? »

« En Inde, ils disent que la musique est continue ; elle ne s’arrête que si nous nous détournons et cessons de prêter attention. Thoreau dit que le silence est comme une sphère. Chaque son est une bulle à sa surface. »

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(Le Blog : ) Une énorme modestie qui fait du poids

« L’art peut se pratiquer dune manière ou d’une autre, soit qu’il renforce l’ego avec ses bons et ses mauvais aspects, soit qu’il ouvre l’esprit au monde extérieur, et fait retour vers l’intérieur. » Evidemment, c’est la deuxième possibilité de l’art qui m’intéresse. Et évidemment, apparemment, c’est la première possibilité qui occupe la place. La possibilité de l’ego. Festival d’Avignon, festival d’Automne, théâtre de la Ville, théâtre de l’Odéon (le G4). Tout à fait à l’image de la sociéta toute entière. Mais ceci n’est qu’apparence. Je le faisais remarquer hier dans la nuit (à Victor et Olivier). Le spectacle que j’ai vu dimanche au théâtre de l’Œuvre est l’un des plus beaux que j’ai vus de ma vie – et ceci n’est pas erroné car il m’a laissé épuisé, vidé, lacéré d’émotions comme jamais me semble-t-il –. Alors cela veut dire que le champ, l’expérimentation de l’art est beaucoup plus ouvert que ne le montrent les programmations naïves et optimistes du festival d’Avignon, festival d’Automne, etc. Les programmations des egos. Ces festivals choppent des trucs, mais ne choppent qu’une infime partie du champ des possibles, c’est leur tristesse, leurs illusions. L’art est dans les interstices. Les interstices des egos. Pas de plein face. La Cour d’honneur ne trompe pas, dans ce sens…

« Je pense que ceci vient si on a l’idée de placer le centre partout, au milieu des gens, qu’ils soient en train de composer ou d’écouter, ou même mieux, de placer le centre aussi dans les sons eux-mêmes. Ainsi y a-t-il interpénétrations de centres non limités. C’est l’un des fondements du bouddhisme. »

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Victor Lenoble

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Les Sources de la Seine

L’immoralité de la richesse, j’en reste là. Pourtant j’aime le luxe. Mais pour soi, l’idée de prendre pour soi, ça représente quand même un enfer. Je pense que c’est l’enfer. John Cage fait remarquer que le compositeur Charles Ives qui était un important assureur, aurait pu être plusieurs fois millionnaire et que pourtant il n’avait jamais pris à sa compagnie plus que ce qu'il lui fallait pour vivre simplement.

Les promenades. Dans une voiture, dans une forêt… La forêt imaginaire, la voiture imaginaire, la région imaginaire, inconnue. Tout est « sur Seine », mais la Seine, ici, est un ruisseau.
Les garçons sont encore endormis. L’un des deux dort sans s’arrêter si jamais on ne le réveille pas. Et rien ne le réveille, aucun bruit. Il faut le sortir du lit, sinon il ne se lève pas. Levé, il est très actif. Il refait la cuisine (de l’enduit), mais il fait aussi la cuisine (délicieuse, très précise)…
Victor a parlé hier de Signa Sorensen. C’était comme un film d’horreur réel. Mais c’est extraordinaire de penser que ces choses existent. Une histoire d’enfant racontée par des enfants.

« Vous devez vous-même mener à votre manière l’expérience à son terme. »

« Calmer l’esprit pour l’ouvrir aux influences divines. »

« Un esprit sobre et calme est celui dont l’ego n’obstrue pas le flux des choses qui nous arrivent par la voie de nos sens ou de nos rêves. Vivre, c’est être en phase avec la vie que nous vivons et l’art peut y aider. »

« …en sorte que la personne aille dans le sens, suive le flux de son expérience, qu’elle lui viennent de l’extérieur ou de l’intérieur de soi, plutôt que d’aller contre. »

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Le Plus violent oubli

« Avez-vous jamais eu une grande déception ? Quelle a été votre plus grande déception ?
Je ne pense pas que ce soit une question intéressante, excusez-moi.
J’ai beaucoup appris du livre des Entretiens avec Marcel Duchamp, à la toute première page on lui pose cette question et il dit : « Je ne me plains de rien. J’ai tout aimé, j’ai aimé le tout. » On trouve la même remarque chez Thoreau quand l’un de ses proches lui a demandé sur son lit de mort s’il avait fait la paix avec Dieu, il a dit : « Je ne pensais pas que nous nous fussions jamais querellés. »

« Je suis en train d’apprendre au fur et à mesure comment prendre soin de moi. Cela a pris du temps. Il me semble que quand je mourrai, je serai en parfaite condition. »

« Qu’il ait laissé les portes ouvertes à l’inconnu et à la surprise, à l’affirmation de la vie plus qu’à l’affirmation de l’ordre, c’est ce que j’aime chez Mozart. »

« Regardez n’importe quelle page de Mozart, vous y découvrirez non pas une idée, mais plusieurs. Je pense qu’il y a chez Mozart une tendance inhérente à la multiplicité. Cette tendance m’intéresse plus que la tendance à l’unité. Elle me semble plus caractéristique de la nature. Si je regarde un arbre, un arbre tout simple, et que j’en observe les feuilles, toutes, disons, présentent une structure générale semblable. Mais si je les regarde attentivement, il n’y a pas deux feuilles identiques. Alors avec une attention de cette sorte pour les différences, j’en viens à aimer chacune des apparences de l’arbre, parce que je n’ai pas déjà en mémoire chacune des choses que je vois. »

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La Constante ouverture vers d’autres possibilités

« Si vous n’avez pas assez de temps pour accomplir quelque chose, considérez la chose comme terminée en la commençant. » Quel génie, ce John Cage ! Des phrases comme ça, c’est toutes les trois lignes (de ses Conversations) – et moi, je m’aperçois (avec fierté) que j’ai fait, comme monsieur Jourdain, du John Cage sans le savoir. Ici, c’est textuel. J’ai toujours dit aux acteurs : le premier geste est le bon, le premier pas sur le plateau, c’est celui du spectacle parce qu’on n’aura pas le temps d’en chercher un autre. Ainsi le spectacle est fait en quasi temps réel et le temps qu’il reste est pour le plaisir de le jouer. J’ajoute au peu de « temps de travail » des avant-premières pour avancer l’expérience de jouer, la seule réelle, en fait (puisque avec le public).

La musique naît, la musique monte du salon d’en dessous dans la grande maison vide et traversée par le silence – de la campagne dévastée, inaltérée, dévastée, française –

La musique faite, la musique qui diffuse, la musique qui n’appartient à personne…

Et les technologies modernes, malléables – il faut juste protéger la terre… Une ampoule électrique, c’est beaucoup trop. A la bougie ? Même pas ! Sangliers, biches, salamandres. Vipères, aspics, buses. Lions, faucons, plumes. Plaines, plantes, wagons-lits. Forêts, perles.






« Le Yi King était tombé en disgrâce pendant plusieurs centaines d’années et il a reparu. »

Victor Lenoble, physique peut-être entre Nick Cave et Nicolas Cage, sensible à John Cage, petit, fluet, membré comme un nain, léger bégaiement sur les a, rêveur, puissant, penseur, souple, malin, libre, curieux, métaphysique, tête et sexe, les filles, angoisse et disponibilité quant aux filles, musique variée, gothique campagne, Angleterre, Bourgogne, mais de passage...

Jean-Jacques Goldman
Siouxsie and the Banshees
Suicide
Philippe Quesne
Scott Walker
Jean-Louis Costes
Signa Sorensen

« L’amour, c’est le cul »
Déesse rime avec sexe
Sophie et Sophie et So

« Une bite dans un cul est une flèche dans un cœur et il n’y a pas de plus grand bonheur. »

Trou théorique

La queue magique

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John Cage âgé

« Alors que je passais tellement de temps à la cueillette des champignons, j’ai maintenant un jardin intérieur. » Ce jardin intérieur lui permet donc de ne plus s’occuper tant de temps à la cueillette des champignons, mais de se disperser sans compter, de s’intéresser à tout ce qu’il peut avec énergie.

Je suis chez des jeunes gens qui sont des fans absolus de Philippe Quesne. Moi aussi, je leur dis. Mais ils me soupçonnent de ne pas l’être vraiment (parce que je n’ai pas vu La Mélancholie des dragons et L’Effet de Serge…) Ils n’ont pas vu mes spectacles, je suis ici par des amis d’amis et personne ne sait où je suis. Nulle trace dans la neige, il y a eu une tempête et le chat chinois est perché.

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Les Boules de billard

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Est-ce que la vie, c’est ça ? Graduellement laisser la paix t’envahir. Et les saisons revenir ? Le silence et la nuit…

La maison vide-ouverte, la maison relouée, avec les gens qui sont partis ou morts, les religions qui se sont éteintes

Et les jeunes gens qui sont venus recommencer le nouveau
Et le passé, comme un modèle de liberté, un fantôme libéré

L’esprit et le silence ni dans les mots ni dans la culture ni ailleurs ni dans le désespoir, mais dans le secret dépotoir…

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Romantisme ou Le Trésor du curé

« Je puis écrire plus de musique en tournant dans le pays avec la compagnie de danse qu’en restant à la maison, simplement parce que les gens ne savent pas où je suis. »

Je comprends très bien (et le dis à Victor). C’est le problème avec ce blog : être assigné à résidence. Qu’on ne sache pas où je suis, où j’en suis serait préférable, profitable, probablement. Préférable et profitable. Assez de mots en « able ». Les blocs-mots préférés à la table.

Victor Lenoble préfère le vide, préfère le rien, préfère les choses, préfère les femmes. Il a une très, très grosse queue (pour cette dernière disposition). Il ne peut pas toujours aller au fond. Ça leur fait mal. Ça cogne. Il aimerait bien cogner.

Quand j’avais dit à ma psychanalyste que j’aspirais à devenir macho, elle s’était écriée : « Mais vous ne serez jamais un macho ! Vous êtes un poète ! Et vous imaginez que les femmes aiment les machos ? Pas du tout ! Elles aiment les poètes. » Mais je m’étais renseigné par ailleurs un peu après et j’étais malheureusement arrivé à une autre conclusion : les jolies filles aiment les machos-poètes ou les poètes-machos, mais, en tout cas, c’est ça qu’elles aiment !

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La nuit tombe épanouie
Sur le cimetière fleuri

L’église n’a pas de cloche
C’est un silence à la John Cage

Les garçons sont allés en ville
Chercher de la peinture pour les plinthes

Le presbytère n’a rien perdu de son charme
Ni le jardin de son éclat

Crépuscule à 17h14, c’est Halloween, c’est gothique
Mais on a mangé dehors à midi

Des trompettes de la mort et des œufs-
Des-pédés, une salade de cresson

(Ainsi nommées – les champignons –
Car elles surgissent à la Toussaint)

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Les Ruines ou Le Rêve est une terrible volonté de puissance












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Mon rapport aux acteurs

Une phrase de Henry David Thoreau citée par John Cage : « Ce n’est pas la forme que le sculpteur donne à la pierre qui est importante, c’est ce que la sculpture fait au sculpteur. » C’est exactement ça : c’est ce que me font les acteurs, à moi qui signe le spectacle, qui fait la forme. C’est aussi ce que feront les acteurs à chacun du public qui fera la forme – différente pour chaque personne du public. Ce sont des évidences valables aussi pour la critique. On peut dire que quelqu’un qui aime quelque chose a toujours raison. C'est le postulat. Et le critique, celui qui n’aime pas et qui veut quand même en parler – pourquoi pas, en effet ? – devrait toujours dire : « Voilà ce que j'imagine que ça me fait – à moi, à tel moment de ma vie et – dans le cas où je l’aurais vraiment vécu, ce moment, ce dont je n’ai que le souvenir – ou le rêve – dans des circonstances personnelles qui m’ont été, pour leur plus grande part, ignorées. »



L'Air américain

Je vais écrire mes mémoires. J’avais déjà commencé à écrire mes souvenirs, mais je vais écrire mes mémoires. Mes mémoires seront sérieuses. Mes souvenirs ne l’étaient pas. Bien que tout ce qui y était dit l’était – juste et sérieux – le ton (l’allusion, l’insinuation) ne l’était pas. Et pourquoi non plus ne pas considérer ce qu’il m’est arrivé pendant sept ans comme une carrière achevée ? « Carrière achevée », « carrière inachevée », c’est pareil. Après tout, j’ai commencé sur le thème de la disparition et il y a un moment où je devrais quand même avoir atteint mon but. Avoir tout dit sur la question. Si tel était le but… Ce que devraient réussir à dégager mes mémoires. C’est pour ça que ça m’intéresse : savoir où j’en suis. Il me semble que je lutte déjà – et depuis un moment – ce blog en est la preuve – contre la maladie d’Alzheimer. Ce cher oubli… On confond les villes, on confond les noms des villes, on confond les âges de sa vie. On confond les visages, les corps. Il faudrait un ton très prétentieux – à la John Cage, à la Gertrude Stein, à la Marcel Duchamp par exemple. Pas du tout à la Jean Rochefort comme j’avais fait avec mes souvenirs. Faudrait avoir l’air prétentieux, l’air d’avant-garde. L’air suffit. Je ne parle pas de l’intelligence sidérale de ces trois exemplaires, ce n’est pas la question, c’est la question de l’air ou, comme dit John Cage, de l’« heureuse disposition » ou, comme dit Marcel Duchamp, de la « chance ». La chance extrême ou la très heureuse disposition : l’avant-garde.

La Nuit anglaise

« Il se peut que les choses soient invisibles simplement parce que nous n’avons pas les types d’yeux adaptés. C’est une forme de cécité, un peu comme quand on cherche ses lunettes lors d’une froide nuit anglaise alors qu’on scrute les étoiles dans le ciel. »

« Il faisait l’modeste pour montrer qu’il n’était pas prétentieux. »

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