Thursday, July 07, 2011

Travailler sinon rien

Il y a eu malentendu. Il y a un malentendu. « Acteur de génie », commence la page du programme qui me définit. Cet acteur de génie n’existe pas. Moi qui porte son nom, je suis seulement un bosseur. Je n’en connais d’ailleurs pas, personnellement, de génie, présentez-m’en (je ne connais que des bosseurs). Neuf jours tout compris pour faire un spectacle de cette importance, très attendu, à Paris, ça ne suffit pas. Ce n’est pas ce qui avait été annoncé, en tout cas, ce que j’avais compris. Il me semble que j’avais beaucoup insisté pour le temps de travail et – dans mon souvenir – il y avait le temps. Les problèmes se proposent toujours ainsi : le lieu, le temps, l’argent (ou dans un autre ordre). Il n’y en a pas d’autre. Et l’un compense l’autre. Au Rond-Point, il n’y a pas beaucoup d’argent, comme chez vous, mais j’ai le lieu six semaines (et la salle est plus facile). A Bruxelles, peu d’argent, mais le lieu – avec la technique – pendant un mois – pour 1er avril. Un poste compense l’autre. (Il arrive même – plus rare – que l’argent compense le manque de temps sur place et l’inconnaissance du lieu, comme à la Réunion.) Je suis très content d’aller à Montpellier (et de l’augmentation des possibilités financières), mais ce n’est pas pareil. J’espère bien que ce sera en relation avec ce que je ferai à Paris – j’ai des choses à tester – mais je me méfie (de moi) parce que chaque fois – rare – où j’ai travaillé dans un autre lieu que celui de la représentation, je me suis planté. En septembre, seulement, je ne suis plus libre à partir du 15 (comme déjà annoncé). Sinon, j’ai gardé toute disponibilité. Il faut absolument trouver plus de temps de travail dans la salle ou on va à la catastrophe. Si vous n’en trouvez pas, il faudra que je travaille pendant les pauses déjeuner, dimanches, travailler la nuit, que nous trouvions des solutions. Il est hors de question que je me présente encore devant un public sans travail. Je refuse depuis un an énormément de « performances » (c’est-à-dire, comme disait très bien Fanny de Chaillé au débat de l’autre jour : de spectacles pas répétés). J’en accepte par amitié, mais celles-ci aussi, je vais maintenant les refuser parce que je les rate. J’ai raté les deux dernières que j’ai faites, celle pour Jeanne Balibar et celle pour Laurent Goumarre. Je suis un bosseur sinon rien. Et ce n’est d’ailleurs pas poli, pas pudique et, je dirais même : pas responsable de se présenter ainsi, sans travail, auprès du public. Hier, sur le seuil du théâtre de la Ville, j’ai croisé une femme qui m’a dit : « Ecoutez, je passe des moments très difficiles, en ce moment, et quand je sors d’un de vos spectacles, je suis heureuse. » Je travaille à partir de l’âme des lieux – au sens du violon. La salle de la Galerie n’a pas beaucoup d’âme – moins que la coupole et contrairement aux lieux que je recherche (comme La Condition des soies à Avignon, bien sûr (c’est toute l’histoire), la salle communale à Nyon, en août prochain, le théâtre de L’Œuvre, à Marseille, en septembre). La salle de la galerie est difficile, mais elle n’est pas méchante : il faut simplement pouvoir y travailler dedans. A l’intérieur. Faire sonner. Apprivoiser. N’allez pas penser malheureusement que, si c’est moi sur scène, je devrais moins travailler que pour une mise en scène, c’est tout le contraire : je suis beaucoup plus lent que les acteurs que j’emploie. (Je les choisis meilleurs que moi.) J’ai bien compris que je devrais être sur scène. Mais je ne serai pas seul, je ne le souhaite pas. Il me faut du temps pour moi seul (nuit, dimanches, pause déjeuner, là, ça m’est égal) et du temps pour les acteurs que je mettrai en scène (dans des horaires plus simples). Une chose que j’avais en revanche bien comprise, lors de nos rendez-vous, c’est que la technique n’arrivait qu’à la fin – ou alors payante, en plus. Je ne sais pas comment procéder, je ne l’ai jamais fait. La solution évidente est de faire un spectacle sans lumière (ça, je l’ai déjà souvent fait, mais le lieu, encore une fois, manque quand même de magie pour ça). Dites-moi : – 1) si j’engage un éclairagiste plus en amont, est-ce que lui peut travailler (seul) ? – 2) s’il faut payer un technicien de chez vous en plus de l’éclairagiste, à combien à peu près ce coût (j’imagine à l’heure…) ? Il faut aussi que je rencontre – au plus vite – votre directeur technique, Serge, pour comprendre les possibilités qui doivent être limitées, j’imagine. Anna Tauber m’a demandé, il y a un moment – de sa part ? – ma « fiche technique », mais ce n’est pas la peine que j’envoie des désirs un peu abstraits (j’en ai plein), il vaut mieux faire un tri (des idées) à partir du réel. Et aussi, si j’ose dire : tenter une rencontre.
J’espère que ce mail n’est pas trop cassant. Je suis désolé de me fâcher (comme l’autre jour sur ton répondeur, Julien) avec une équipe avant même de commencer un travail. Je n’aime pas ça. Mathilde, merci pour ta réactivité virtuose, à la minute, Julien, en revanche, il faudrait, je le redemande, que tu le sois plus parce que je ne vois pas comment on va pouvoir avancer, à cette vitesse, il sera décembre dans une minute.



Yves-Noël



Une des solutions que je cogite – s’il n’y en a pas – serait peut-être de réduire encore la durée des représentations pour dégager du temps de répétitions… Ou bien trouver plus d’argent (!) pour reprendre 1er avril, mon dernier spectacle (qui pourrait se reprendre tout juste en neuf jours – je pense – mais les acteurs seraient-ils libres ? Il y a peu de chance…)

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