Sunday, May 15, 2011

Méthode

« Le sujet traité est moins la lettre que l’esprit d’un auteur, il s’agit moins d’accompagner l’œuvre d’annotations que de connotations. »

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Photo François Stemmer. Nathan Bernat.

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Le Frère de Lucifer

Je rêve et j’écris. Une suite d’événements désastreux. Mais pas seulement. Je ne peux pas aider Nathan s’il ne regarde pas le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Il y a – si je fais commencer les choses à l’autre jour – il y a qu’on a vu la chatte de Marina, le matin, au cours. Elle était en short de pyjama et son short baillait. Romain et Nathan ont sonné l’alarme juste avant que Marina se couvre de honte (et d’une fourrure de fausse panthère). L’après-midi, nous sommes allés au zoo. Toutes ces bêtes, toutes ces peuplades… Duncan et moi, nous nous sommes moqués d’un gorille (le chef) en lui disant : « Enlève ton déguisement, il est trop seventies… » (Toujours ce fichu thème du déguisement.) Le gorille a saisi une motte de terre et nous l’a balancée à la gueule, on a juste eu le temps de se baisser derrière la vitre pare-balles (le parapet). Avant que le gorille n’envoie la terre, j’ai eu l’intuition qu’il cherchait une pierre, qu’il déterrait une pierre. Duncan, auparavant, avait raconté comment sa mère s’était fait cracher dessus dans un zoo en Asie. Sa mère avait trouvé une banane par terre et avait voulu la lancer au singe – je crois, un orang-outan. Par maladresse, elle l’avait envoyée sur le crâne du singe. Le singe, un peu sonné, lui avait renvoyé la banane agrémentée d’un gros mollard bien visé. Marina prépare un passage sur ce que lui a dit « la panthère dépressive ». Marina et Nathan font très bien les marabouts. Simon fait très bien l’autruche. Le soir, série des malheurs, j’avais prévu d’échapper au premier : je ne m’étais pas inscrit au spectacle d’Ostermeier. Mais les gosses avaient sortie obligatoire parce qu’Ostermeier va intervenir dans l’école l’année prochaine. Ensuite, déjà très tard, on devait aller au Kit-Kat Club, une boîte érotique. C’était un plaisir de s’habiller disons le plus sexy possible puisque c’était le dress code indiqué sur le site. Mais déjà la crainte que l’un d’entre nous soit refoulé. A l’entrée, de merveilleux jeunes hommes en slip (qui s’étaient déshabillés dans la rue) étaient rejetés et ça nous attristait, Marina et moi. D’autant plus quand nous nous sommes aperçus qu’à l’intérieur tout le monde était moche. C’est insupportable, ce triage permanent des boîtes. Peut-on être de gauche et aller dans les boîtes ? Il y avait deux fêtes, deux soirées et la physionomiste insistait, semblait-il, pour qu’on choisisse l’autre – qui était peut-être meilleure, mais, comme on se méfiait, on tenait à entrer dans celle à l’entrée de laquelle on était déjà. Indescriptible. Une vaste tente, musique pourrie, looks pourris, piscine vide (même pas vide : vingt centimètres au fond) et quelques grands lits ostentatoires pour d’éventuelles cochonneries pourries (on a vu, de loin, un homme se branler, un autre se faire sucer, un couple baiser éventuellement sur la mezzanine – mezzanine que je n’ai, pour ma part, pas repérée, assombri que j’étais sur ma banquette d’où je n’ai réussi à m’extraire qu’après plusieurs heures). J'avais honte d'avoir amené les gamins sans avoir repéré le lieu. Les gamins s'amusaient quand même plus que moi (pas difficiles). Romain était content, le lendemain. Le garçon le plus sexy de la boîte (élu à l'unanimité ou grâce aussi au témoignage d'Ambre) lui avait dit qu'il était le garçon le plus sexy de la soirée (surtout qu'il ne raconte pas la suite !) Maintenant, j’écris encore sans dormir. On s’est réveillé la nuit dernière à quatre heures pour aller au Berghain et tout le monde y est entré – thanks God ! –, mais pas Nathan et moi. On avait fait des couples et Nathan m’avait dit qu’il était prêt à me rouler une pelle devant les portiers, mais nous avons laissé passer notre tour. C’était très désagréable, comme de bien entendu. Nathan à qui Duncan avait dit de ne pas parler français parce qu’il y avait soi-disant un racisme anti-Français en ce moment à Berlin n’ouvrait pas la bouche tandis qu’un SS dominateur lui déversait des tonnes de questions. J’étais moi-même tétanisé. Pourtant, ça avait été beau, en début de soirée, d’entendre de l’allemand hurlé pendant quatre heures par les acteurs de la Volksbühne dans la mise en scène de Frank Castorf sans en comprendre trois mots ni l’histoire ni retenu le titre même de la pièce – j’avais osé un « What is it about ? I have no idea… » à une ouvreuse qui avait levé les yeux au ciel : « Oh, difficult… » –. Je poussais du coude Nathan une ou deux fois en lui disant : « Réponds… », mais la messe était dite. « You’ve failed. » C’était absurde, humiliant. L’examen du conservatoire était raté, l’examen humiliant. Pendant la guerre, la vie était décidée – la mort. Au Ciel, devant Dieu le Père, nous n’étions pas pris du bon côté et cela pour l’éternité. Nathan était si malheureux, si déprimé, dans le clair soleil de la matinée. Nous repassions la rivière. Il voulait s’y jeter. La Spree. « Une fois encore, je suis le plus petit, je suis le rejeté du groupe… » J’avais idée de retourner une fois encore, de retenter notre chance – qu’est-ce qu’on risquait ? D’expliquer que je venais depuis des années, que « vous étiez encore au Kindergarten que je venais déjà », que « Nathan est entré avec moi sans problème la semaine dernière », que tous nos amis qui ne s'étaient pas manifestés étaient finalement à présent à l’intérieur et que peut-être le passé de Juif de Nathan s’était interposé – qui sait ? – au moment inopportun, enfin, d’oser le coup de qqch... Mais Nathan, dans ce terrain vague où nous errions en plein soleil, puis au café de la gare de l’Est où nous avons alignés les espressos – ce qui fait que je ne dors toujours pas – belle lumière dominicale –, ne le sentait pas (déprimé). Il disait : « Vas-y, toi, moi, je rentre… » Mais, ça, c’était inenvisageable, je n’allais pas revenir seul et avoir l’air de m’en être débarrassé ! Peut-être notre couple était-il improbable. Peut-être m’avaient-ils pris pour un pédophile qui essayait de rentrer avec son mignon. Qui sait ? Nous sommes revenu au loft très vide, très grand, très traversé de la lumière la plus douce et violente et nous avons travaillé. Nathan a raconté l’histoire de l’holocauste, l’histoire d’Isaac, « Dieu choisira lui-même l’agneau de l’holocauste, mon fils. » Se mit à lui parler, lui parler en allemand. Lui, le petit Juif. Nathan ne parlait pas. Mais j’avais aussi écrit : « La vie, tu n’arrives pas à t’en dépêtrer, de cette sensation. » Puis : « … qui différencie le jour et la nuit acoustique. » La deuxième partie venait d'une phrase d'Ulrike Meinhof que Nathan avait fait résonner, aussi, dans la nuit vivace et fraîche de la cage en plein ciel. Plus tard, Marina relativisait nos déboires. Elle ne connaissait pas le Berghain. Elle avait passé la soirée chez une amie, elle avait fumé beaucoup et parlé anglais toute la soirée. Elle avait été entreprise pendant des heures par un « peinteur difforme ». Le Berghain, comme un immense cœur, continuerait à battre toute la journée, mais nos amis revenaient déjà, tatoués du tampon censé permettre d'aller et venir.







Ce post a eu pour autres titres :

L’Echec

Une journée berlinoise

Le Peinteur difforme

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Le Contresens

« – Justement, ces installations ayant été pensées pour des lieux variés, n’est-ce pas un contresens que de les réunir au sixième étage du centre Pompidou ?
– Un contresens complet, mais j’adore. Les vrais sens me terrifient. »

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« Je me suis exprimé devant la puissance éblouissante de Dieu. »

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