Sunday, July 03, 2011

Paparazzo

Erik Billabert et sa nouvelle copine




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Marseille virgule

Encore une fois, passé à côté de Marseille. Marseille, la stéréo, Marseille, le spectacle total. Marseille demande tant. Elle offre tant, mais elle demande tant. Elle offre le bonheur, elle n’est pas ordonnée, elle offre le bonheur comme chaos (on appelle ça : « la bonne mère »). La folie de la mer, le ciel, pareil. La folie de l’été. Interné dans l’été. Les moissons découpées. Le sec, le rocher, le sec, le rocher comme vie. On a été à la maison du fada. Très bon café, tourisme, discrétion. C’est huppé, c’est pur. C’est utopique, c’est créé, c’est pas le chaos, ça le regarde. Le regarde et le regarde. Ça n’a pas d’âge. C’est pur comme la résistance à l’âge. Marseille mélange, comme dans une broyeuse, toutes les dimensions de la vie, le chaud, le froid. Il n’y a pas de méditation, d’utopie, de richesse à Marseille. Il n’y a que le bord de l’évier et la vie, l’eau sale, l’eau pure qu’ils décrètent sale. La Méditerranée est cet évier. Les mouettes prennent les avenues. En moto, malaisé de se faufiler.

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La Vie est centriste

Salle d’attente du monde, du monde plein de monde. Erik Billabert m’a ramené en moto. Avec un casque illégal. On avait oublié le bon chez Judith, son amie. Le train prévu a quarante minutes de retard. Il m’a donné un livre qui alourdit considérablement mon paquetage : Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, tome 2. Je lis un peu, mais le monde – le monde de la salle d’attente – est démultiplié comme cent milles films de Godard, cet homme qui a « God » et « art » dans son nom.

Le stress de l’énorme présence au monde, de la foule comme du fleuve, fleuve, océan d’atomes, de monades, tout drame et toute comédie, le bougé intégral, tout azimut, le bougé sidéral.

« …les cheveux d’Emma « tombaient sur l’épaule de son pull-over comme une tache d’encre noire. » »

« Pas de film sans chance. »

« Godard. – La création peut être préparée ? Oliveira. – Ça peut être préparé, mais pas réparé. »



Les très belles montagnes sont le monde. La faiblesse de ce que raconte Godard est sidérante. « Un film est toujours plus intelligent que son réalisateur, comme dit Straub », dit Oliveira. « Cette manière qu’a le réalisateur ou l’artiste de sortir pour s’exposer, relève seulement de sa vanité. »



Je voulais dire qqch sur les choses que je ne raconte pas sur ce blog. Je ne sais pas si je vais retrouver l’ensemble. Je ne parle pas du bonheur, sur ce blog. Ni ailleurs. Le bonheur, ça ne se parle pas. Ça ne se filme sans doute pas non plus… Voici une chose de Marguerite Duras que j’aime bien parce qu’elle a tort. J’aime bien savoir qu’elle a tort. Elle dit quelque part (dans une interview) : « Vous savez pourquoi on dit qu’on ne peut pas filmer le bonheur : « Bonjour, ma chérie, tu vas bien, les enfants ont passé une bonne journée… » ? (Temps – du journaliste.) Eh bien, c’est parce que le bonheur n’existe pas ! » (Contente de son effet.) Eh bien, au contraire – bien au contraire –, c’est parce que le bonheur existe que l’on ne peut pas en parler. C’est exactement pour ça. Parce que le bonheur, c’est être dedans, et, être dedans, ce n’est pas être dehors pour en parler. Je ne comprends même pas qu’une fille aussi intelligente que Marguerite se soit trompée à ce point (sur le bonheur)… C’est ça qui est difficile : on ne s’adresse pas non plus à des gens heureux, dans les livres, les spectacles… Les gens heureux ne peuvent pas comprendre de quoi il s’agit dans les livres, les spectacles. Ça ne peut pas les intéresser. Seul le bonheur est intéressant, pour ceux qui le sont. Fabrice Luchini le disait d’une manière assez simple au début de son spectacle Le Point sur Robert, il disait que son spectacle pouvait plaire aux femmes (bien entendu), aux homosexuels et aux hétéros à problème, mais que l’hétéro sans problème, non, il allait se faire chier. Autre exemple : Barbara comme une nurse auprès de son public d’enfants fragiles vêtus de noir (Barbara est celle que je connais, mais tous les autres, je suppose, fonctionne comme ça). Barbara, parlant de sa responsabilité envers son public et de l’après-concert : « C’est là que la responsabilité est la plus forte. » Non, on ne s’adresse qu’à des gens malheureux. Même Jean-Marie Bigard qui semble avoir un créneau dans la beaufitude, il a un public à qui cette beaufitude (hétéro) pose problème, un public de jeunes couples modernes et pris, piégés sans doute, dans le moderne, l’ultra-moderne solitude du jeune couple hétéro…

Tout ça pour dire qu’il m’arrive d’être heureux et que je ne peux tout bonnement pas – par définition – vous en parler sur ce blog. Ni ailleurs. C’est pourtant plus facile par les spectacles. On essaye bien évidemment de donner du bonheur au spectateur. Mais c’est parce que les gens qui vont au théâtre manquent de bonheur, les gens qui lisent les livres manquent aussi de bonheur, l’humanité dans son ensemble manque de bonheur – ou s’imagine qu’elle en manque, ce qui est la même chose. C’est easy, c’est amical de réévoquer le bonheur comme une nostalgie. Mais le bonheur existe, c’est évident. Il est même exactement ce qui se vit. On ne peut pas ne pas vivre la vie et, quand on l’écrit, on ne la vit pas. C’est le paradoxe. Ça donne des œuvres comme celle de Marguerite Duras. Ça donne la métaphysique. C’est l’art. l’art, c’est le bonheur comme nostalgie. Mais ce n’est pas du tout parce que le bonheur n’existe pas qu’on en produit la nostalgie, non, c’est, curieusement, parce qu’il existe. Mais j’en ai assez dit (trop). Cut.



« Le positif nous a été donné à la naissance. A nous de faire le négatif. » (Franz Kafka.)

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