Thursday, August 04, 2011

« Les acteurs que j’aime sont limpides, transparents – ils ne forcent rien –, mais en même temps profondément mystérieux, toujours incertains dans leurs intentions. Les possibilités de fiction sont donc inépuisables. »

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Poésie d'un pays en crise

(mon père)

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Le « Livre blanc » d’un amour

Ma mère ne veut pas se laisser photographier. Avec les lunettes de Barbara et l'incisive en moins, c’est extra, pourtant ! – mais elle va chez le dentiste tout à l’heure, c’est foutu... « Mais, ça s'saurait si je faisais de vilaines photos, tu pourrais me faire confiance… – Oui, tu fais de belles photos. Certaines. » Peut-être qu’elle me fait confiance, mais elle ne se fait pas confiance à elle. Ce qui revient au même. Des projections d’inconfiance. Elle se méfie, elle se méfie de tout. On a dû lui jouer des sales tours dans sa vie. Je me demande lesquels. Elle a perdu un œil, elle a perdu une dent... Evidemment, en vieillissant, le système est corroboré. L’arche du vieillissement. De merveilleux sourires édentés… Mai 68… Pas de plus grande distance qu’entre ma mère et mai 68.

On lui fait remarquer qu’Anaé, sa petite fille, aussi n’a plus de dents. Mais elle dit : « Oh, mais c’est pas pareil, elle, c’est une petite fille. » Mon frère est parfait : « Si, c’est pareil. » Mon père a acheté un côtes-du-rhône villages qui saoule. Il y a déjà eu une soirée avec ça, mais je ne m’en souviens plus. Là, je refais mon show. Les petits sont subjugués. Leur oncle est un acteur… Et quel acteur ! « Acteur de génie », est-il écrit dans le programme du TCI. Moi, dès que j’ai un public qui adhère, je joue. Ma mère, toujours rabat-joie, me demande si je ne connaîtrais pas le sketch de Bourvil, L’Eau ferrugineuse ? Ok, ok, j’ai des aînés, les véritables acteurs-de-génie existent, mais mon public bouche bée et qui en redemande n’a pas cette culture, lui – pourquoi ternir sa joie ?

Et puis il y a la transmission, n’oublions pas la transmission. Le stage de Marseille ne se fera pas. Une espèce de folle est toute griffe et dent dehors, au bord de l’explosion dans un bureau à Marseille. Je ne me souviens pas d’elle, peut-être me l’a-t-on présentée… Il fallait que je signe un papier m’engageant à ce que « la représentation publique de ce stage ne se fasse pas dans le cadre du festival actOral conformément aux accords passés entre La Réplique et l’Afdass ». Un gag. C’est La Réplique qui avait proposé qu’on mette actOral dans le coup, mais l’Afdass a refusé le stage, puis finalement accepté après, semble-t-il, des négociations très serrées, A CON-DI-TION QU’IL N’Y AIT PAS DE PU-BLI-CI-TE FAITE DANS LA PROGRAMMATION D'ACTORAL. C'était même marqué dans le papier que si je ne signais pas le papier, j'étais viré. Je ne rentre pas dans ce genre de pataquès, j'ai préféré prendre les devants. J’ai donné quatre de mes plus beaux spectacles à actOral : Domaine de la Jalousie, Monsieur Villovitch (ces deux-là associés aussi à Marseille Objectif Danse), Blektre, de Charles Torris et Nathalie Quintane, repris à Paris et à Bruxelles, et La Mort d’Ivan Ilitch qui sera repris cette saison au théâtre de la Bastille. Ces spectacles ont existé, existent, le stage n’existera pas. Revenons à Anaé. Elle me guettait, me buvait, comme Solal, son frère, en vue de passer à l’action. Et elle le fait très bien, très, très bien, je suis son premier fan. C’est un classique, jouer l’ivresse, mais elle y ajoute quelque chose de personnel et d’inimitable, c’est ravissant. Immédiatement je lui dis que si je redonne jamais un spectacle à Marseille – qui sait, à actOral peut-être ? – je l’engagerai, il n’y aura pas plus d’audition : elle fait très bien l’ivresse. Et je signe : l’oncle qui fait du théâtre.

Ce soir, nous allons à la crêperie. C’est D’ailleurs Anaé qui en a eu l’idée, j’ai soutenu, ma mère a adhéré et on va réussir à amener la moitié du village avec nous ! Les enfants jouent, jouent, les journées passent, rapides pour vous et moi, immenses pour eux. Je lis des poèmes de Michael Palmer. C’est ce qui m’est le plus proche. Palmer’s work continues to evade categorization. (Je suis son disciple.)






Disclosures



1

Beneath the writing on the wall
is the writing it was designed

to obscure. The two together
form a third kind


2

There is no writing
on the wall’s other side

Perhaps this lack
constitutes a fourth kind


3

Some of the writing on the wall
will be designed as truth

some as art


4

It is said to represent a mirror
of everyday life in its time


5

« Fabius Naso
talks through his asshole
and shits out his mouth »
for example


6

« Foute les Arabes »
for example


7

Certain words and images
or parts of images

have been chipped away
These often turn up for sale

at sidewalk stalls
before the walls

of other cities


8

I too have an image for sale
It’s the image of a poem

and is to be found
on the reverse of this sheet



(Michael Palmer.)

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