Monday, August 08, 2011

L'Ami allemand





















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Just for fun

Les Tapettes et les mauviettes



Ce que Pierre a de plus beau, c’est son torse. Il y a là, à l’intérieur, tout un monde, tout un univers extrêmement bien rangé. Chaque organe à sa place et dans sa plénitude. Nous étions en train de regarder le documentaire sur le tournage de Marienbad et, affalés lui et moi dans le cuir du canapé, je le caressais comme un chat. Le torse se dépliait considérablement dans toutes les directions pour respirer. Il était proche du sommeil. Nous étions lundi. C’était le sommeil du lundi après la débauche du week-end. Le torse se mouvait comme une marée animée par la lune, par les forces primordiales, la connaissance affalée des grands singes ou des grands sages, l’amour sans considération des dauphins. « Juste une habitude, avait dit Pamela, d’intérioriser la vastitude. » « Le sans-forme holds on all the planets. Le sans-forme est aussi éternel – qu’est-ce que la mort va lui faire ? » Il y a, à Saint-Eustache, une très belle porte que Claude Régy m’avait fait remarquer. C’est en demi-cercle, un demi-cercle creusé dans la façade latérale de l’église. L’une des moitiés de ce demi-cercle est en bois, c’est la porte que l’on traverse, et l’autre, absolument identique, moulurée idem, est en pierre. C’est celle que l’on traverse avec le cœur. Pamela dont l’association, l’église, s’appelle Fellowship of the Heart (j’avais d’abord écris : Art) avait, l’autre jour, utilisé l’image, pour moi bouleversante, du cœur dans la partie droite de la poitrine. « Dis à ce cœur : porte-moi pour toujours. » « L’état naturel a la force de dix mille éléphants », disait-elle aussi. C’est un peu ce que je ressentais en caressant Pierre, son torse, ses bras plus fragiles, avancées liquides, bras de mer, sa nuque mystérieuse, sa tête, ses réseaux. Se laisser caresser est absolument ce que Pierre a toujours fait de mieux. (Depuis le début que j'ai déjà raconté.) S’il n’avait pas cette libido éprouvante, épouvantable, éprouvante comme une maîtresse à servir sans fin, nous serions encore ensemble. Il m’a raconté qu’il n’a pas travaillé sur Barbara ce week-end (comme il me l'avait fait miroiter) parce que lui et son copain ont « sorti » un jeune Russe trouvé sur le site CouchSurfing. C’est-à-dire qu’ils l’ont baisé, qu’ils l’ont sorti après au sauna, qu’ils l’ont rebaisé, etc. Avant de voir Pierre, j’avais croisé, plus tôt dans la journée, un autre homosexuel, François (les prénoms ont, bien entendu, été changés), qui m’a raconté, lui, qu’il avait choppé un p’tit gars au sortir de la piscine des Halles. Enfin, qu'ils s’étaient déjà branchés, eux, grâce au site Grindr (ou à un autre, je ne sais plus) et que le p'tit gars l’avait appelé en sortant de la piscine. François, donc, quand le p’tit gars est apparu chez lui, lui a instamment demandé de remettre son maillot de bain mouillé. Ça l’excitait. Il l’a embrassé, sucé et, pendant qu’il le suçait, il s’est aperçu que le p’tit gars, lui, suçait son pouce. Puis François lui a léché les pieds – et le p’tit gars s’est mis à gémir incroyablement (François’s telling), toujours en suçant son pouce. Ensuite, dans le lit défait, le p’tit gars s’est délicatement mis en fœtus et François l’a enculé (mot prononcé plus bas), cette fois-ci en lui mettant son pouce à lui dans la bouche. Bon. Heureusement que Pierre ne m’a pas donné, lui, tous les détails. (Il a plus de tenue.) François, dont le prénom a bien entendu été changé, avait très peur aussi que je raconte tout ici-même, sur ce blog dont il est l'un des lecteurs. Mais, dites-moi, quand les gens me racontent des choses comme ça, ai-je tort de penser qu’ils ne me les raconte que pour que je fasse l’effort de vous les imprimer ? Je n’en peux plus de ces conneries ! Les homosexuels idolâtrent leur libido, c’est pour ça que je les trouve ennuyeux. Ils la surprotègent. Mais Pierre n’a jamais été très bon au lit. Non, le meilleur a toujours été qu’il se laisse caresser très bien. Comme un animal sacré, un chat, un dauphin, un singe, une vaste vache. « How vast is this intelligence here ? » « Le mental (the mind), par nature est pure intelligence. Il n’est pas contenu dans la tête, il est formless. Du vide qui danse. » Gérard traduisait, assis sur la chaise, en lotus, à la gauche de Pamela, comme un sage lui-même. Il y avait, dans la phrase, le mot « wimpy », « a wimp ». Pamela rebondissait sans doute sur les propos d'un homme qui évoquait les dominants et les dominés, que la société exigeait de lui d’être un dominant ou je n’sais quoi. Et Pamela devait répondre : « Oui, si tu n’es pas comme ça, on va peut-être te dire que tu es un wimpy (ou je n’sais quoi). » Toujours est-il que Gérard a traduit ce mot par « tapette » (il en est une lui-même). Le mot a résonné de manière incongrue dans le satsang (« réunion autour de la vérité »). Il s’est rattrapé, Gérard-chéri (il a été mon assistant sur Vénus et Adonis) et il a cherché le mot exact, c’était : « mauviette ».

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Le Songe de Vaux




Dans le château que nous visitions avec Johannes Schmit, j’étais sensible à quelque chose. J’avais suggéré ce château parce que Johannes, en camping-car, était déjà à Versailles depuis quelques jours. (Ce qui lui avait fait dire, quand nous sommes arrivés, mais par jeu : « Oh, mais c’est nul… ») Johannes racontait qu’il venait de voir Marie-Antoinette, de Sofia Coppola, et s’amusait que Kirsten Dunst – qu’il trouvait excellente –, à la fin de la scène où on l’oblige à rester nue dans le froid pendant que, chacune à leur tour, les grandes dames du royaume défilent pour l’habiller (marque de leur privilège), ait dit d’un ton si spécifiquement américain, si absolument américain : « This is so ridiculous ! » Dans le château et dans le parc, j’avais souvent des flashs de souvenir car j’y étais venu, la première fois, avec Hélèna. Je me souvenais peut-être des photos que nous y avions prises. Le jardin avait été imaginé par Le Nôtre plein de procédés de distorsion qui nous rappelait à tous les deux le film Marienbad. Un jeu entre la perspective naturelle et une autre perspective, énigmatique, une perspective forcée, inventée créait une tension singulière, irréelle. Johannes ne voulait pas m’embrasser avec la langue. Mais je pouvais néanmoins lui mettre la main dans la culotte, ça ne l’intéressait ni ne le dérangeait. Ce qu’il aimait, semblait-il, c’était parler avec moi dans cette langue qu’il maîtrisait très bien et que sa mère – qui avait été élevée dans un lycée français de l’autre côté de la frontière – lui avait apprise. Ainsi, je ne savais jamais s’il m’écoutait vraiment ou s’il écoutait plutôt ma manière. Je faisais attention de répéter et de bien articuler les locutions, les idiotismes. Il s’était amusé, par exemple, d’avoir entendu Laurent Chétouane dire un jour, en allemand, « Ce danseur est maintenant pressé comme un citron, il n’y a plus rien à en tirer. » Ça ne se disait pas du tout en allemand (même si on comprenait). Le château avait servi de décor pour la demeure de l’ancien nazi joué par Michael Lonsdale dans Moonraker (le vilain dans ce James bond), un château qu’il est censé avoir importé de France en Californie. Le millionnaire fou possède aussi la tour Eiffel, mais n’a pas pu la sortir parce que la France n’a pas délivré d’ « export permit », de permis d’exporter. Michael Lonsdale dit dans le film : « First there was the dream, now there is reality. Here in the untainted cradle of the heavens will be created a new super race, a race of perfect physical specimens. You have been selected as its progenitors. Like gods, your offspring will return to Earth and shape it in their image. You have all served in public capacities in my terrestrial empire. Your seed like yourselves will pay deference to the ultimate dynasty which I alone have created. From their first day on Earth they will be able to look up and know that there is law and order in the heavens. » Mais ce n’était pas tout à fait à ce genre de discours que j’étais si sensible au château de Vaux-le-Vicomte. J’étais resté longtemps dans les caves du château (nous en avions aussi admiré les charpentes), devant l’évocation de la prison de Nicolas Fouquet, son cachot, grâce à laquelle on entendait, par voix enregistrée, les mots de Fouquet (tandis qu’un automate les traçait à la plume à la lueur d’une chandelle de suif). « Je songe parfois à écrire mes mémoires. Au fond, à quoi bon ? L’histoire d’une vanité et d’un naufrage, ça ne vaut pas l’encre pour l’écrire. Que les hommes renversés sont pathétiques ! Que j’adorais le raffinement de mon château, les gracieuses arabesques de mes parterres, mes cascades et mes nappes d’eau ! Ne reverrai-je jamais mes orangers ? Qu’est-ce qui nous conduit à nous détruire ainsi ? Quelle forme de vanité allume notre suprême ambition et nous pousse à dramatiser la risible leçon de l’anéantissement ? » Johannes m’attendait depuis longtemps sur la terrasse. A quoi avait-il songé, lui ? Le paysage, maintenant, indiquait l’ouvert. Nous étions passés par le château de la cave au grenier comme un fil enchâssé dans une aiguille. Ça valait initiation. Au-dessus du dôme, nous avions vu les parterres comme il fallait les voir : vus du ciel. Dans la voiture (le Campingbus), Johannes m'a sorti des granules contre la maladie de Lyme. Je lui ai demandé comment cela se faisait-il qu’il avait ça dans ses affaires (parmi, visiblement, tout un assortiment d’autres possibilités). « Parce que je suis homéopathe. » Nous étions revenu à Paris en écoutant une sélection de chansons françaises « very embarassing », ses préférées, San Francisco, de Maxime Le Forestier, Nathalie, de Gilbert Bécaud, Milord, d’Edith Piaf… Une voix que nous n'identifions pas chantait des textes, très beaux, de Jean Genet, « le visage défait par ma littérature... » J’avais juré qu’il n’y aurait pas d’embouteillage, mais il y en avait, j’en étais désolé, peut-être un accident, ou des travaux (souvent au mois d’août…) Nous voulions dîner à La Perle, le lieu où John Galliano s’était fait arrêter. Mais il ne servait pas de nourriture le dimanche soir. A côté, derrière le très beau château du musée Picasso, une pizzeria branchée s’appelait Pink Flamingo et nous commandions, moi, une Ho Chi Minh et, lui, une Basquiat devant un Volkswagen du même genre que le sien, la génération précédente, le sien, celui de ses parents, était des années quatre-vingt – et customisé avec des « LOVE » qui agrandissait, sur le trottoir, la petite salle. Il pleuvait très fort sur les trottoirs de la ville vide que nous aimions tous les deux. Nous restions quand même à regarder la pluie, à écouter les touristes, américains, allemands – il me traduisait ce que l’un d’eux développait : « Si tu ne veux pas te faire agresser, tu ne regardes personne dans les yeux et tu avances comme si tu savais ton chemin. » Lui allait rentrer dans la nuit, il devait arriver en Allemagne vers midi. Je lui ai dit : « Take care », en descendant à La Chapelle. Il me laissait parfois lui parler en anglais, quand mon accent ne l'ennuyait pas trop.

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Comme nous tous faisons une œuvre de notre vie…




Mon blog est exagéré. J’aimerais beaucoup écrire des choses plus exagérées (inventées). Quand j’en écris, je suis content car elles me semblent plus vraies. Alors ça donne des choses un peu étranges quand mon père y fait allusion : « J’ai lu dans ton blog… » Je lui donne des précisions, je ne sais pas sur quoi : j’ai oublié à peu près les circonstances et j’ai oublié comment je les ai décrites. Mais je sais que tout est à peu près faux. « J’ai lu dans ton blog que tu avais hérité de costumes Yves Saint Laurent… » Euh… C’était probablement un rêve… A propos de rêve, je rêve toutes les nuits, en ce moment, (enfin, le matin, j’imagine, puisque je m’en souviens) que je fais des mises en scène. Elles sont merveilleuses, inouïes, des apparitions. Je file du mauvais coton si je me mets à rêver au lieu d’agir, Marguerite Duras ne serait pas contente. J’ai revu Johannes Dragon hier. Je ne voulais parler que de Dieu ou de sexe ou alors agir, baiser, se toucher, faire des photos, enfin, faire quelque chose d’utile (à la communauté), mais, en fait, non, il m’a entraîné dans sa culture allemande, à se promener et à disserter. Mais, à la fin, j’ai eu l’impression d’avoir beaucoup parlé et d’avoir eu du plaisir même à ça, même à écouter ce que je disais. (Car c’est, en fait, le problème, je n’aime pas parler parce que j'ai l'impression que je reparle.) Il m’écoutait. Après tout, dans mon état, tout soigne, et être écouté est un flottement qui maintient en vie. Il me faut tellement être aimable avec moi-même. C’est terrifiant, cette attention qu’il me faut maintenant avoir envers Yves-Noël. Sous peine de ne plus pouvoir. Je suis allé au Satsang de Pamela et, comme toujours, son pouvoir de bienfaisance est immense, naturel. J’avais pris quelques notes, mais c’est difficile de s’en servir – j’essayais dans le Campingbus de les lire à Johannes – parce que ce sont des choses volatiles comme la vie, immédiatement volatiles, énoncées au minimum. A peine quelqu’un lui dit : Tu as dit que… « J’ai dit ça, moi ? certainement pas… » Comme Kafka, les mots sont brûlés ou devraient l'être. Le message s’autodétruit immédiatement avec la transmission. Mais, après la séance, dans le bonheur qui flottait, la « communauté » ouverte, j’ai ouvert au hasard un livre posé sur une table basse de salon. Il s’agissait de Through the Looking-Glass. Ça, je l’ai recopié aussi : « « What do you call yourself ? » the Fawn said at last. Such a soft sweet voice it had ! « I wish I knew ! » thought poor Alice. She answered, rather sadly, « Nothing, just now. » » Gérard était étonné de la similitude de ce qui était écrit avec ce que nous venions de vivre. Mais enfin, Gérard, tu ne sais donc pas ? A chaque fois que nous ouvrons un livre au hasard, nous y lisons, je dirais : noir sur blanc, ce que notre âme y met. Pamela ne le disait-elle pas ? On n’entre en résonance qu’avec des choses identiques, donc tu peux te reposer. « – Pourquoi ? – Pourquoi pas ? », me répondait aussi Johannes.

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