Friday, September 09, 2011

Souffrance et Valparaiso




Même dans la sauvagerie de la douleur, tu arrives à trouver les mots qui me touchent, chère Isabelle ! Elles sont belles, tes questions. Que conseiller à tant d'évident talent ? Le mot de Beckett : « Accrochez-vous à votre désespoir et chantez-le nous. » Tout est beau dans la vie, être libre d'un amour, n'être pas libre d'un amour, être heureux en amour, être malheureux en amour... C'est malheureusement ça. Le paradis de la publicité est un peu toc. Non, tout est beau... Souffrance et Valparaiso. Je suis allé à Venise où j'avais vécu effroyable fin d'amour. Deux jours paradis, deux jours enfer – et le paradis est de peu de place face à l'enfer définitif. J'ai été si heureux, cette fois, d'y être seul*. Mais on me dit qu'il ne faut pas généraliser : des couples aussi peuvent être heureux à Venise. Pourquoi pas ? On voit de tout.

Je t'embrasse, chère Isabelle

Yvno




* Apollinaire a dit que Venise était « le sexe femelle de l'Europe».

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Quae non sunt simulo




« Positions, jeu de rôles, simulation, théâtre, tout converge vers la simulation de l'inexistant. C'est à cette bizarrerie que nous devons probablement ce que la culture a de meilleur. C'est également à ce travers que nous devons de ne pas nous ennuyer dans la vie. »






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In Your Head




« Reading was my escape and my comfort, my consolation, my stimulant of choice : reading for the pure pleasure of it, for the beautiful stillness that surrounds you when you hear an author's words reverberating in your head. »

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Déstabiliser au maximum




Oui, donc, très excité à te voir, premier Parisien, tout à l’heure. Donc Marseille foutu, mais Paris (il faut compter en gros novembre jusqu’à mi-décembre, ça va s’affiner)… Donc, il me semble que tu as compris l’idée. L’expression « faire l’amour » que tu as employée est atroce selon mon psy (un vieux monsieur…), mais enfin, on voit ce qu’on veut dire… Il s’agit d’aller direct au public et tous les moyens sont bons pour cette intimité. L’acteur doit user de tous les moyens de supplication et de séduction, de sacrifice (d’abandon de ses organes, etc.), de toutes les ruses afin qu’il n’y ait pas de spectacle sur scène, mais, de force, dans la tête des gens, enfin, dans l’entier des gens, mais je reprends cette expression parce que je viens d’écouter Claude Régy qui dit, c’est drôle, sur Facebook (dans le film d’Alexandre) : « Je pense que déjà on ferait un très bon travail si on arrivait à embrouiller complètement la tête des gens. » Déstabiliser au maximum. Extrême générosité. Spectacle invisible parce qu’il est trop près. Tu as parlé d’insolence, c’est, en effet, dans ce sens. Il se peut que le titre de la pièce soit à nouveau Hamlet, surtout si je dois en donner un avant d’avoir construit le spectacle, ce titre parfait peut certainement resservir une quatrième fois (et plus). J’ai noté que tu pouvais être libre (sauf l’incertitude du tournage) à partir du 12 nov. J’ai la salle la semaine prochaine (du 11 au 15), viens, si tu peux, ça m’aiderait, qu’on reparle de tout ça et qu’on fasse des essais, qu’on rêve un peu ensemble à ce travail et à son organisation…

YN






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La Parole




« Ce que je cherche dans la parole, c’est la réponse de l’autre. Ce qui me constitue comme sujet, c’est ma question. Pour me faire reconnaître de l’autre, je ne profère ce qui fut qu’en vue de ce qui sera. Pour le trouver, je l’appelle d’un nom qu’il doit assumer ou refuser pour me répondre. »

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Pipilotti Rist

Engloutie et sauvée (par la vidéo)

























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Phil




Salut Yves-No,
Je voulais juste savoir si ton projet à l'île de La Réunion était toujours d'actualité au milieu des autres projets qui se sont effondré en cascade, d'après ce que j'ai compris ?
Juste pour savoir si les dates était les mêmes qu'envoyé anciennement aussi ?
Felix a pris contact avec moi pour me demander si on partait ensemble ou pas, je lui ai répondu qu'avec plaisir mais je ne sais pas où ça en est de ton côté...
Je t'embrasse bien fort de Varsovie, il commence à faire de plus en plus froid, je vais découvrir l'hiver slave...
Bise, Phil.






Ah, oui, moi, je pense toujours à toi. Je voulais te demander où tu en étais de tes tournages... Les dates de La Réunion n'ont pas changé (je ne les ai pas sous les yeux, mais si tu retrouves le mail). Les dates du TCI changent. On est en train de réduire à peut-être cinq représentations au lieu de quinze, ce qui permettrait d'avoir un peu de monde et un peu de répétitions. Ça, il faut que je te précise dès que je peux les dates (en gros : novembre/mi-décembre). Je pensais même à toi pour un truc à Marseille que je dois faire le 3O septembre et 1er octobre... Tu vois, je pense toujours à toi, tu fais toujours partie de mon pool d'excellence... J'espère qu'on va pouvoir faire des trucs ensemble cet automne... YN

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La Chambre




Olivier Steiner
Alors ? Rentré ou pas rentré ? Tu sais, ce truc avec L'Atelier Intérieur me fait penser à une chose. Il faut qu'on fasse en bébé ensemble. Tu veux ? Je te propose de partir de mon ACR sur le désir + ton blog, et d'écrire, je veux écrire pour toi, être ça, ton nègre, ta pute. Ce serait un monologue, une performance comme tu sais faire, ça pourrait d'appeler Je ne sais que désirer, c'est tout. Bien-sûr, on mettrait l'appel téléphonique de Fanny, la voix du petit garçon en fil rouge, etc. Faudrait présenter le truc à Marie-Thérèse Allier. On fait ça ? Après, tu vas me dire, pas de fric, pas de prod, je sais... Mais on pourrait chercher ? Qu'en dis-tu, mon chat ?

Olivier Steiner
En fait, non, pas de théâtre, pas de performance mais un film. Je veux faire un film avec toi !

Olivier Steiner
Ça va s'appeler La Chambre et on va tourner uniquement dans ma petite chambre, rue Michelet, avec toi (surtout) mais aussi Marlène pour une scène économique... J'ai déjà commencé l'écriture du scénar. Bises. O







Bien sûr, j’y pense aussi – mais quelle forme, quelle occasion ?… Tu as une qualité merveilleuse – en plus de toutes – pour travailler avec moi, c’est ta rapidité (virtuosité). Je voulais te dire des choses intelligentes, j’ai oublié, laisse-moi réfléchir (à Venise, j’ai pu réfléchir). Je suis si malade, si faible… Si : l’idée qu’on écrive pour moi, exactement à ma place – et même le plus exactement possible, même si, étant acteur, je peux me déporter – le faux vrai, etc. – miroite toujours beaucoup pour moi (« faire le nègre »). Disparaître dans le récit de sa propre vie racontée par un autre (ou même une infinité d’autres : ça, c’est la star). J’ai rêvé de ça avec Pierre, peut-être même déjà avec Hélèna, et même un peu avec Anne – et c’était déjà à l’œuvre dans les one man shows où une bonne partie du texte que je prenais à mon compte n’était pas de moi (de Pascal Tokatlian pour le premier, En attendant Genod, de Nicolas Moulin pour le deuxième, Pour en finir avec Claude Régy). Il y a aussi, j’ai relu, ces histoires de biographèmes de Roland Barthes. Je ne recopie pas ici la très belle citation que j’ai lue, mais tu dois connaître, « une vie trouée, en somme », comme il dit… Ces notions, évidemment, me travaillent.
Et puis il y a ce problème : je ne suis pas libre de l’amour de Pierre. Et si l’histoire à raconter, c’était cet amour ? Mais alors, ça, comme tu en as déjà raconté un, je pense que tu devrais en avoir marre… C’est chiant, les spécialités…
Peut-être on va continuer ces Adorations... si Aurélie le veut bien… (Elle craint le chaque semaine, elle a sans doute raison et en même temps…) L’Adoration du Diable, on pourrait faire un jour… On peut peut-être en préparer en avance (il faudrait que je fasse une liste…)
Mais à tout cela on y pense – et ça me touche que tu m’en aies parlé le premier

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700 millions de nouveaux romans

(pour la radio)



Bonjour la France, bonjour l'Atelier, buongiorno, buonasera, je suis à Venise, oui, son nom de Venise dans Calcutta désert, j'y suis, j'ai pris l'easy jet, vaporetto, la Scuola Grande, le Tintoret, un caneau Riva en acajou brillant, une chambre avec vue, le cliché ambulant. J'ai quitté la France à cause de la rentrée littéraire. Vous avez vu comme c'est affreux ? 654 romans et toutes ces phrases sans vie ! Alors voilà, je suis à Venise, ici on ne lit pas, on bouffe des glaces et on prend des photos. C'est tout. C'est magnifique. Je regarde. J'ai vu une grosse chatte blonde sans âge qui draguait près du Lido, c'était Madonna qui sortait de la Mostra. J'ai demandé un autographe pour Jonathan Capdevieille, elle a feulé et m'a griffé au visage, la garce ! Aurait-elle du mal avec la concurrence ?
Sinon Tadzio est très vieux, il a une sclérose en plaque et le crâne dégarni. Tempus fugit. Ici Venise, un milliard de clichés, 700 millions de Chinois et moi et moi et moi. Je suis fatigué. Je reste dans ma chambre. Je regarde Venise par la fenêtre. J'écoute France Culture. A quoi sert de vivre libre sans amour ? Je te le demande mio amore.
Tout à l'heure, en rentrant à l'hôtel, j'ai buté sur un pavé, ah les pavés inégaux de Venise... Je me suis pété un orteil et me suis endormi. J'ai rêvé. Un aigle noir. Ou un piaf, un moineau, je ne me rappelle plus, est arrivé sur moi en traversant le plafond. L'oiseau me forçait à faire des choses. Il voulait que je me rase les cheveux comme Britney. Je l'ai fait puis il m'a forcé à chanter devant la terrasse du Flore. Avec un béret noir posé sur le trottoir pour récolter les pièces jaunes. J'ai chanté à tue tête. J'ai chanté une poule sur un mur qui picore du pain dur, picoti, picota. Les gens se moquaient et applaudissaient. Madonna était encore là, devant un Perrier rondelle. Elle se foutait de ma gueule. Elle me traitait de fausse blonde. C'était mon moment de gloire, j'avais enfin trouvé ma croix, ma via dolorosa, chanteur de rue. J'aurais pu mourir à cet instant. Mourir sur scène. C'est alors que je me suis envolé. Je n'avais pas d'ailes mais je volais comme Superman. J'ai survolé Paris et j'ai adoré Paris. C'est peut-être ça la jeunesse, croire que les choses sont inséparables, les humains et les dieux, les montagnes et les plaines... J'ai volé, j'ai volé, très haut, vers la lune. J'ai vu des montagnes et j'ai continué, tout droit, et j'ai atterri à Venise, juste en face du glacier Alaska. C'est fou, non ? Mais je vous appelle cependant, je vous écris cependant, comme à 18 ans je l'aurais fait. Car, vous voyez, nous sommes pareils, nous nous situons tous les deux dans nos cases respectives, dans nos territoires brûlés, incalculablement narcissiques. La différence entre vous et moi ? C'est que moi je crie vers les déserts, de préférence dans la direction des déserts. Adieu. A Lundi prochain, si vous le voulez bien.






(Olivier Steiner.)

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