Sunday, October 09, 2011

L'Histoire aurait-elle donc existé, qui étaient-ils ?

(photo retrouvée)



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Trois livres




Comme je l’ai déjà raconté, Liliane Giraudon me propose de publier un livre que j’écrirais, dans une collection qu’elle dirige dans une toute nouvelle maison d’édition. J’en parle immédiatement aux écrivains qui m’entourent et qui me servent, à l’occasion, de nègres. Il faut toujours déléguer, c’est une phrase que me redit mon psy, la délégation, c’est la clé. Olivier Steiner s’emberlificote et se met à prétendre que l’idée, il l’a eue avant moi, qu’il attendait pour m’en parler que ça prenne avec le premier livre (son premier livre sera publié en février), mais qu’il voudrait proposer à Gallimard un deuxième livre (il a signé pour trois livres) qui aurait pour titre et pour thème moi-même, un livre qui s’appellerait Yves-Noël Genod, et qu’il a même une idée : d’en confier les illustrations à François Olislaeger. (Il ne s’aperçoit pas que c’est moi qui lui souffle cette idée dans le premier mail que je lui envoie.) Bon. Il m’envoie très rapidement, pour me montrer la véracité de ce projet, les premières pages. D’autre part, Pierre Courcelle, d’ordinaire si lent – il n’arrive pas à se remettre à composer des instrumentaux pour Barbara – me donne, à ma demande, le tirage papier de son blog, la période concernant notre relation – je me dis que je pourrais travailler à partir des deux blogs… Je pars en Suède avec ce document, 178 pages : un manuscrit. Pierre a eu le temps, rapidement, de l’ « éditer » : il a supprimé les textes qui n’étaient pas liés à notre relation – il y en avait – et il a ajouté en note les renvois à mon blog et les commentaires que je laissais sur le sien. Inutile d’en dire plus : un livre existe. Pour moi, c’est une évidence, mais je ne m’en doutais pas à ce point : une surprise aussi. Une évidence et une surprise, comme toujours, a été ma relation avec Pierre – et encore maintenant, cf la célèbre phrase : « Je ne suis pas libre de cet amour » (reprise sans doute, d’India Song). Donc je me dis que ce livre tellement livre, il faut peut-être le présenter aussi à des maisons d’édition plus prestigieuses que celle, nouvelle et sympathique, de Liliane Giraudon… Si le texte de Pierre était pris quelque part et celui d’Olivier Steiner chez Gallimard (il vise la collection L’Arbalète), il faudrait donc que j’en écrive, moi, un troisième pour honorer la commande que m’a faite Liliane Giraudon, vous me suivez ? Trois livres sur moi-même qui, avec un peu de chance, sortiraient au même moment… Heureusement, il peut aussi n’en sortir aucun. Mais c’est troublant, ces livres… Tout le monde veut écrire et j’en suis le sujet.

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Relecture du cœur




Je relis le texte de Pierre et, là où je n’ai pas pleuré, je repleure. Le relirai-je sans fin ?



Le luxe, encore, faut-il travailler pour vivre ? Johannes m’as mis dans un appartement de luxe, extrêmement silencieux, traversé d’air, de lumière, avec ce seul détail effrayant : le chat obèse…



Johannes dort dans le train d’avoir trop baisé.



« Ah ! cruel, tu m’as trop entendue !
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur.
J’aime. »



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Dans une émancipation du silence




ll faut une langue sinon de quoi parle-t-on ? De quoi parle-t-on si on oublie tout à mesure et lavé par la maladie et la télévision ? Evidemment, il y a l’instinct – mais qu’est-ce qu’on peut dire ? Rassembler. Au sens religieux. On y est obligé si on peut. C’est le guide, c’est le Christ. Oui, les vitres percent – le silence. Oui, cela traverse et d’instinct cette croyance : ô la mort… On oublie ce qui s’extrait de la journée. Et la lune, non, ne l’oublie pas. L’air est très pur, c'est évident. Il n’y a pas de nature. J’ai demandé à voir la nature. Que j’imaginais la Suède comme la nature. Qu’il fallait m’emmener dans une forêt, en cette saison, c’est si beau, ou sur une plage avec des moutons... On était bien interloqué. J’ai insisté : Mais la nature… Non, il n’y a pas de nature, ici, il n’y a pas de forêts, il n’y a pas de plages, il faut remonter vers le Nord, rien à moins de deux heures. Mais countryside, il y a bien a countryside ? Oui, but c’est moche… C’est plat ? Oui, c’est plat… Rien à tirer de ces jeunes gens. Quand je suis arrivé, Johannes m’avait dit : « C’est comme n’importe quelle ville d’Allemagne, mais les gens sont merveilleux, les gens n'ont rien à voir, mais rien à voir avec les Allemands. » Le silence est pénétrant dans cette ville dont l’indifférence m’étonne. Il faut faire des phrases, c’est ça qui est moche, ou des photos. Le haïku est devant la fenêtre, devant la lune. Oui, je suis nulle part.

L’ombre de ta présence, ô feuille délicate qui bouge au vent, indifférente et plus présente que le chat. Ton clair de lune, ton ombre chinoise, oui, je suis où tu veux.

Dans « Le Monde », à la gare de Copenhague, en première page (je me suis demandé si ce n’était pas une parodie) : « C’est scientifique : la télé tue ». Il n’y a rien qui ne nécessite l’absence de sens. Pour m’en assurer, je ferme encore les yeux, je ferme les oreilles en pensée, mais c’est facile : le silence est tenace, on n’entend rien, de vagues bruits de voix comme autrefois (assurément inatteignables), je n’ai plus d’odorat, mes doigts ne touchent que les touches de l’ordinateur…

Johannes raconte (toute la journée) qu’il a baisé Gisela. Comme Gisela ne lira pas ce blog – Johannes tient beaucoup – à tout bout de champ – à me démontrer – en hurlant des insanités dans la rue ou chez les commerçants – que personne ici ne comprend le français – je peux raconter, moi aussi, que Johannes en a marre de baiser Gisela. Au début, ça l’amusait. Elle est très violente. C’est ça qui l’amusait. Puis il s’en est désintéressé, puis Gisela s’est fait un superbe tatouage (sur le bras) et voilà que Gisela l’excite de nouveau. Mais il va arrêter, ça ne va pas. C’est épuisant. Il l’a baisée pendant des heures, puis quand j’ai joui – on dit comme ça ? – Oui, tout à fait – elle s’est encore masturbée pendant des heures. Puis la proximité avec sa copine, hier, ça n’allait pas. D’habitude ça allait, mais, hier, ça n’allait pas. Sa copine était là il y a trois jours. Ça salissait la relation. Il est étonné que Gisela ait un tel savoir sur les bites. C’est très rare chez une fille. D’habitude, les filles ne savent rien à ce propos, ce qui est normal. Lui-même ne sait rien de ce machin (il mime avec le doigt), parfois il tombe dessus, d’autre fois pas du tout… Mais Gisela sait, il ne sait pas comment. Gisela lui demande de lui parler en allemand, ça l’excite. « C’est bon, continue comme ça – oui, là… », en allemand. A un moment, dans la nuit, il a oublié de mettre une capote. Ça lui pèse. Gisela va avec tous les hommes. Mais il va arrêter.

Aujourd’hui, nous sommes allés à Copenhague. C’est à vingt minutes de train, mais c’est à l’étranger. Tout change, la langue, la monnaie. Le train traverse la mer, faut dire. Il traverse la mer. C’est ce qu’il y a de plus beau. Des deux côtés, la mer. Un peu comme à Venise, mais en beaucoup plus long – et plus vaste. Des ciels et la mer de chaque côté. A un moment, il y a un champ d’éoliennes, c’est très beau. Elles ont l’air de pousser comme ça, en pleine mer, comme un jardin dans la lumière, c’est très beau. A un moment, il y a un bateau échoué. Très net, très beau, en pleine mer. Johannes me dit qu’il l’a toujours vu, mais que, la première fois, il s’est demandé s’il ne fallait pas qu’il appelle les secours. Je pense – et Johannes me dit que ce n’est pas impossible – qu’il s’agit d’une œuvre d’art. C’est le même bateau échoué, en tout cas, qu’il y a dans un spectacle de Pina Bausch. Justement un spectacle que je trouvais moins bon, mais qui me reste, car, ce bateau, je ne savais pas d’où il venait. Maintenant, je vois : c’est le même bateau échoué en pleine mer, comme une œuvre d’art…

Copenhague, c’est très beau, Johannes trouvait ça moche (« à côté de la France ») et embué encore qu’il était dans la damnation de sa nuit d’amour, mais j’ai peu à peu réussi à le convaincre. Quel rapport avec la France ? Aucun. C’est comme une rêverie, une ville féerique, « Qu’est-ce que serait une ville du Nord – si vous l’imaginiez ? » Chaque flèche est dessinée et réalisée pour être la plus différente de l’autre, c’est très curieux. On dirait du postmodernisme, sauf que c’est ancien. Il y avait un vent ! Il y avait une belle lumière, mais il y avait un vent ! A un moment, Johannes m’a donné un pull que Laurent Chétouane lui avait donné (pour le remercier d’avoir baisé avec lui – Johannes pense qu’il offre ce même pull marin bleu sombre à tous ses amants). Est-ce que tu crois, Johannes, qu’il fait plus froid que ça au mois de janvier ou c’est pareil ? – Un petit peu plus froid, mais pas beaucoup plus, tu as raison. Les hommes et les femmes sont extrêmement beaux, en bonne santé – et ils ont l’air si heureux de vivre dans le froid comme ça : quel drôle de pays ! Nous avons renoncé à aller jusqu’à la petite mermaid tellement il faisait froid, j’ai dit non, tant pis, j’ai dit, tant pis ! Mais nous avons marché dans Copenhague un peu au hasard. Tout était beau et Johannes me racontait sa nuit d’amour… J’imaginais que tous ces gens que je croisais baisaient aussi comme ça… Moi, je ne baise pas. Mais je voyais que j’étais l’exception. D’habitude, je suis entouré d’homosexuels qui me racontent leurs frasques, leurs cochonneries, mais les hétéros baisent aussi, pareil (c’est aussi sale). Je les enviais, bien sûr et, en même temps, je pensais : quelle damnation, quand même, je suis content d’échapper à ça, vraiment content, c’est dégoûtant ! J’apprenais à Johannes les pires insultes pour le détourner de Gisela, je la traitais de raclure de bidet, de sac à foutre… et – oui – cela le dégoûtait de sa misère. Il ne cessait d’envoyer des sms, je ne sais à qui, à sa copine, sans doute... Avec sa copine – ça, je l’ai noté dans le carnet –, ils ont cinq règles de comportement. 1) Quand on arrive ensemble, on repart ensemble. 2) Tu te protèges, bien sûr. (Ce qu’il n’avait pas fait.) 3) Le dire à l’autre au plus tard deux jours après. 4) No dwarf. 5) Tu dois te souvenir des quatre premières règles… Il ne se souvenait pas de la cinquième règle, alors c’est moi qui l’aie inventée…

Plus tard, il s’en souvient (mais il lui en manque quand même une, dit-il, parce qu’il pense que « No dwarf » est apocryphe) : 4) Il y a des « tabous » (pour « veto ») : l’un peut interdire à l’autre d’aller (ou de retourner) avec une personne. Ce que sa copine – bien qu’elle ne soit pas très heureuse qu’il aille avec Gisela (parce que, Gisela, tout le monde lui est passé sur le corps) – n’a pas encore demandé – ce qui ne saurait tarder...

A moins qu’il la laisse tomber de lui-même.

Mais Gisela a un savoir sur sa bite… (Sans compter son trou du cul, etc.)

Voilà, c’était ma lettre du samedi soir à Malmö. Je dors chez Natacha (une Russe qui s’est absentée à Stockholm pour le week-end) dont je nourris le chat et que je ne baiserai pas (ni hier ni à son retour) bien que les filles ici soient vraiment faciles, ce n’est pas une légende – elles ne pensent pas à mal. J’ai du mal à penser que c’est ce pays qui poursuit Julian Assange pour avoir baisé une fille alors qu’elle lui disait non.

J’ai une excuse pour ne pas baiser : je suis maintenant épuisé et malade.

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En pleurant








C’est très difficile à lire, ton livre, c’est pure émotion. Heureusement, il y a quelques passages ennuyeux – mais si peu – et sans doute nécessaires. C’est étonnant d’avoir parlé d’un livre – d’avoir imaginé un labeur – et de l’avoir, là, sous les yeux. Comme toujours avec toi – et depuis le début – j’essaie d’imaginer ce qu’un autre que moi aimerait ou n’aimerait pas dans ton texte sans y parvenir. Je n’y arrive pas car je suis tombé amoureux de toi par ton écriture, que, ton écriture, je ne peux la détruire (malgré, peut-être – qui sait ? – mon envie) et que je suis enlacé à en pleurer par ce qui m’a peut-être le plus ému de ma vie (et comme je te l’ai toujours dit). C’est très étrange d’avoir avec soi la LITTERATURE et l’idée qu’elle soit ou non publique n’importe pas. (Si tu étais YSL, on ferait une maison de couture, mais la publication éventuelle d’un livre ne changera rien à ta vie.) J’ai honte de vivre séparé de toi, mais je ne le suis pas. Je ne me souvenais pas que tu avais tant souffert. Sorry. (But les pages sont belles.) Tout me fait chier à part ce livre et le fait que tout me fasse chier est ce livre. Je suis dans mon lit, la nuit, à Paris, comme j’imaginais Marguerite Duras lisant le manuscrit de Jean Pierre Ceton, je suis en avion et je suis dans un pays étranger – lequel est-ce ? Il y a quelques minutes, c’était le Danemark et l’on a franchi un pont – toi et moi – un long pont qui traversait la mer – et, cette fois, c’est la Suède. Il faut s’habituer, la langue a changé deux fois, et la monnaie. Heureusement il y a l’anglais et… toi... mon secret, l’absolu, équivalent à mourir, indifférence à la vie, au paysage, et cette indifférence adorée, célébrée, recherchée, car c’est toi, ton espace, ton amour, notre impossible amour – dans ce monde faux, toc, rigolo, le dédain des autres, le mépris des autres, le massacre, la tuerie, nous tuons le monde et le monde détruit est notre espace. Nous n’existons pas, que de chair encore, puisque tu la nommes. Non, je ne suis pas libre de ton amour, je m’en fous – je me fous de tout – plutôt rouler dans le fossé, plutôt vomir comme un déchet –-

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