Monday, October 10, 2011

Dieu désormais




« Toute place que vous assigne la société, c’est-à-dire Dieu désormais, est fausse. C’est aussi faux que d’être dévot quand Dieu était encore soi-disant vivant. »

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L'Expérience intérieure

« Je trouve déraisonnable d’écrire sans avoir le violent sentiment d’écrire. »





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Les Vaincus




Je crois que les larmes de Ségolène Royal (j’avais loupé ça dans le Nord) sont l’une des choses les plus réelle que j’ai vue de ma vie.

Neuf, neutre…




« Le corps total est impersonnel ; l’identité est comme un oiseau de proie qui plane très haut au-dessus d’un sommeil où nous vaquons en paix à notre vraie vie, à notre histoire véritable ; quand nous nous éveillons, l’oiseau fond sur nous, et c’est en somme pendant sa descente, avant qu’il ne nous ait touchés, qu’il faut le prendre de vitesse et parler. »

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« Le réel est ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. »




C’est la nuit, de nouveau à Paris, oh, vive la nuit ! C’est curieux comme le Nord… Je n’étais pas sûr de ce voyage, mais, en fait, si, beaucoup de connaissance dans ce voyage… Le Nord, quel secret ! Quelle existence ! Là, tout n’est qu’ordre et beauté… On pourrait, en ne vivant que dans les aéroports, penser que – quoi ? – que c’est cela le monde. Tous ces couloirs, ces vitres, ces Versailles de couloir, ces immensités, ces vues, toutes les mêmes, ces trains, ces navettes, ces tapis roulants, ces escalators, etc. Le monde infiniment fermé, on en est là. J’ai toujours aimé les architectures d’aéroport, mais, en même temps, quand on commence à les fréquenter plus que de raison, c’est la mort, on s’aperçoit que c’est la mort. Le monde est mort et nous l’avons démontré. Notre étoile, notre planète n’est qu’un caillou. Il ne s’y passe plus rien. Des avions arrivent, des avions repartent. A l’arrivée, au départ, l’individu n’est pas dépaysé, c’est devenu le même pays, celui des aéroports, celui de l’échange pour rien. Ça n’a rien changé. En même temps, les gens continuent de parler toutes les langues, ils y tiennent, ça, à ne pas se comprendre. Les gens sont la nature, la diversité, ils s’accrochent à leur nature, c’est eux, la nature, dans leurs cages de verre.

« Il n’y a pas d’autre point, premier et ultime, de résistance au pouvoir politique, que le rapport de soi à soi. »

Dans l’avion, comme je n’avais emporté avec moi que la moitié du texte de Pierre, déjà lue et relue, sue par cœur, je feuilletais la revue de bord. C’est un article autofiction d’une personne d’équipage qui expliquait comme son métier était merveilleux que je trouvais fascinant. Je ne savais pas si c’était de la publicité ou la vérité, mais c’était aussi beau dans l’un et l’autre cas. Je voyais la vie de cet être idéal. Il était Grec, mais il avait été adopté (en France ?) à l’âge de cinq ans, c’est pour ça qu’il aimait voyager, il aimait tout ça, sa vie dans les avions, en Europe. Il avait exercé d’autres métiers auparavant, il avait été photographe et puis autre chose encore, mais, là, il avait enfin trouvé ce dont il rêvait depuis toujours. Depuis toujours, à l’âge où l’on veut être vet, pompier ou je ne sais quoi, lui, rêvait d’être steward, le mot n’était pas prononcé, c’était plutôt comme « membre d’équipage ». Il finissait avec les perspectives de promotion, flotter, glisser dans les airs, la bonne entente dans l’équipe.

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En exergue du texte de Pierre ?




« Le texte que vous écrivez doit me donner la preuve qu’il me désire. Cette preuve existe : c’est l’écriture. »

Roland Barthes

Ce Blog est barbare




« Il n'y a aucun témoignage de la culture qui ne soit également un témoignage de la barbarie. »

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Nord


« Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes. »




























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Arnaud




Bonjour mon Blond,

Je crois lire que tu vas bien – malgré la vilaine tique. Je ne suis jamais loin de ton blog qui est comme une prière quotidienne, et Facebook fait le live.
Je crois savoir que tu es occupé : mon amie Estelle, nouvelle E.X.E.R.C.E me dit que tu seras dans le coin, assigné à résidence.
J'aurais quelque chose à te demander, si le temps te le permet – peut-être même que si le temps ne te le permet pas, c'est mieux.
Je suis en train de constituer un dossier pour une candidature – formation – en performance. Bien entendu, je parle de ton travail et de sa contagion évidente. Ils me demandent le soutien d'un artiste à travers une lettre, et j'aurais très envie que ce soit toi. – aussi parce que ton travail à un écho à Berlin : si tu pouvais être ma star, qui parle de moi, l'élève et l'assistant ? Je me chargerai de le traduire en anglais. Est-ce que tu pourrais faire ça, mon Blond ? Je ne peux pas vraiment être le nègre, sur ce coup là...
Dis-moi juste si c'est possible ou pas.
Je t'embrasse fort.
Arnaud








Est-ce que ça irait ?
Tu vas bien, toi ?
L’amour, toujours là ?
Faut qu’on se voit plus souvent…
Et qu’on retravaille !



J’ai rencontré Arnaud Bourgoin, la première fois, lors d’une interview. J’avais été frappé de la pertinence de ses questions. Le garçon semblait parfaitement à l’aise avec les règles sociales – il y rajoutait juste l’intelligence et la sensibilité qui ne sont jamais obligatoires. Plus tard, j’ai compris qu’il n’était pas seulement journaliste, mais que le théâtre l’intéressait vraiment. Par tous les bouts, je dirai. Je lui ai proposé de devenir mon assistant, d’abord pour un spectacle, Hamlet, puis pour un stage. Sur le spectacle, son enthousiasme (et son intelligence, sensibilité…) en a fait le meilleur assistant que je n’ai jamais eu. Sur le stage, c’est bien simple, je lui ai confié le groupe alors que je devais m’absenter un jour et demi ; lorsque je suis revenu, tout était transformé. Ce qui était lent était devenu rapide, ce qui était tâtonnant performant et surtout, surtout, le groupe s’était soudé, tout le monde travaillait ensemble comme une vraie troupe. J’ai compris, à ce moment-là, que la relève était assurée ! Arnaud était devenu un dangereux rival. Ça a été, pour moi, un plaisir sans mélange…

Je ne saurais trop vous conseiller de choisir pour vos rangs un talent non seulement incontestable, mais un homme dont la valeur héroïque, humaine, la disponibilité et la joie de vivre sont, de manière d’ailleurs totalement indescriptible, inaltérables

Yves-Noël Genod, metteur en scène



Tu peux aussi mettre les propos recueillis « Jouer Dieu », publiés dans « Mouvement ».

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To Put the Cock in the Mouth (at the End)




J’avais suggéré que Gisela devait se faire tatouer, sur l’autre bras, une colombe. Nous n’étions pas retourné à Copenhague, en ce sombre dimanche, malgré mon insistance. Il y a une xénophobie absurde, ici. Les gens d’ici – et Johannes lui-même n’y était jamais allé (c'est à vingt minutes) – trouvent Copenhague moche, débile, sans intérêt. Il se produit évidemment avec ces pays si peu peuplés le même chauvinisme surnaturel et dangereux qu’on trouve en Suisse : mon village est meilleur que le tien. Bref, nous n’étions pas à Copenhague et, comme il n’y a rien à voir à Malmö, je remarquais toute la journée les corbeaux sur les pelouses que j’appelais « Gisela, Gisela… »

Copenhague est la capitale féerique de L’Invitation au voyage. Johannes avait reconnu devant Iggy (son collègue de bureau, pur Suédois, pur débile) qu’à sa grande surprise, la veille, il avait trouvé les gens très beaux. Ah bon, disait Iggy, peut-être qu’alors Copenhagen a changé… Iggy a vingt ans, mais il a déjà un enfant (merveilleux, Leo) de sept ans. Il trouvait absurde de n’avoir pas quasi le même âge que son enfant, il l’a exprimé ainsi à ses parents… Donc il est extrêmement jeune avec un enfant presque de son âge.

Gisela, c’était l’une des possibilités pour le dimanche, qu’elle nous ouvre le musée où elle travaille (tout est fermé, le dimanche) et où se prépare une exposition intitulée « Change of Scenes », le Moderna Museet. Mais je ne voulais pas revoir Gisela, nous avions dit trop d’horreurs sur son compte la journée précédente, moi surtout. Johannes qui avait lu mon texte sur mon blog trouvait qu’il aurait été plus drôle si on avait mieux senti que cette haine, ce dégoût venait d’une jalousie certaine. C’est vrai, c’était vrai, en début de soirée, Gisela m’avait beaucoup plu et j’avais certainement rêvé, c’est évident, à finir la soirée avec elle… Elle m’avait écrit au stylo-bille, sur les premières phalanges des doigts, à main droite LOVE, à main gauche HATE et j’avais savouré d’avoir ma main enserrée dans la sienne, c’est si rare. Puis, dans la soirée, elle s’était pendue à moi et m’avait cassé le dos. Ç’avait été fini… LOVE et HATE avaient été très bien écrits, en lettres presque gothiques…

J’avais encore développé ma vengeance, pour amuser Johannes, toute la journée. Je faisais mine d’écrire ou menacer d’écrire (à la plume et au venin). J’allais révéler le nom de sa copine : Miriam, j’allais titrer Gisèle versus Myriam, j’allais écrire des phrases comme : « …car elle ne lira jamais le blog, cette pauvre analphabète… » en soulignant anal et bête – ça amusait beaucoup et effrayait Johannes… Mais Johannes continuait de m’alimenter avec des détails répugnants que je ne peux même pas raconter ici. Si, quand même, une chose : Iggy était très étonné que le sida s’attrape par le sperme, il pensait que ça ne s’attrapait que par le sang. Donc il pratiquait lui aussi ce qui a l’air de se pratiquer de manière assez générale, ici : pour éviter d’avoir un enfant, se retirer et jouir dans la bouche. Les Suédoises avalent.

Sur le carton de l’exposition « Change of Scenes », on voit un tableau de 1918, de Nils von Dardel : Den döende dandyn, The Dying Dandy. Johannes m’explique que c’est un homosexuel qui se marrie. On voit, en effet, un jeune homme mourrant entouré de femmes et tenant à la main un miroir, tandis qu’un autre homme efféminé le pleure un peu en retrait. Le jeune homme allongé, le visage blême, jaunâtre, aux traits curieux, dessinés et aux cheveux noir corbeau est le portrait craché de Pierre, Pierre Courcelle qui, lui, semble avoir fait le chemin inverse – l’époque a changé – : retrouver son dandysme… Un dandysme ancien et désuet, le va-et-vient des incarnations des âmes, un jour Barbara, un jour Virginia Woolf, un jour Fernando Pessoa… Les hétéronymes… Qui était-elle, qu’avait-elle été la petite Gisela, la petite Annabel Lee d’Edgar Allan Poe ? Dans ces bars déserts de dimanche soir où nous avait rejoints Natacha (de retour de Stockholm), je regrettais de ne pas revoir Gisela… J’avais aussi une phrase que m’avait apprise Johannes en allemand – puisque Gisela aimait qu’il lui parle allemand – : « HAST DU DICH GEWASHEN ? » « As-tu pris une douche ? » Il l’avait écrit en capitales sur mon carnet. J’apprenais, quant à moi, du français à Iggy : « Je voudrais coucher avec toi. » Il prononçait parfois « toucher » ou « coûter » et parfois rien du tout : « Je voudrais avec toi. » C’était un plaisir de l’entendre répéter cette phrase sans penser à mal… J’étais au bord de l’engager…

Dehors, la pluie, la merveilleuse pluie qui fait les âmes se réunir.

Le gros chat mort qui avait faim.

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