Sunday, October 16, 2011

D'intention




Trois spectacles sur la beauté.

Ne rien faire, ça s’appelle Galerie de la Mort.
Martha Graham disait aux danseurs qu’elle auditionnait : « Souvenez-vous que vous allez mourir. » Ou bien – si ça ne suffisait pas pour créer quelque chose – : « Marchez comme si votre cœur était accroché au mur. »
Je mets les spectateurs et les acteurs dans la même maison, ce sera cela, mon action. Cette maison s’appelle La Death Galerie. Elle ouvre sur le dehors. Elle ouvre sur le dehors au printemps, elle ouvre sur le dehors en hiver.
Ça se passe en hiver. Précisément, décembre, le mois où je suis né. Les week-ends de l’Avent.
Après-midi, masculin ou féminin (l’usage hésite)…
Ça parle de femmes. Après-midi divers.
Marguerite Duras a fait un roman (Emily L.) d’un poème d’Emily Dickinson qui parle de la lumière de ces après-midi d’hiver… C’est l’un de ses plus beaux livres. La lumière est naturelle, artificielle, c'est pareil.
« Pendant certains étés, certains hivers, certaines heures de certains siècles, les femmes se sont en allées avec le passage du temps, la lumière, les bruits, le furetage des bêtes dans les fourrés, les cris des oiseaux. » Dans l’œuvre de Marguerite Duras, la folie est un privilège féminin.
C’est une histoire d’après-midi, d'après-midi d’hiver… Une certaine lumière, certaines après-midi d’hiver, oppresse comme la mélodie des cathédrales. Du ciel, la blessure qu’elle peut produire ne laisse pas de cicatrice, mais « une différence interne au cœur des significations ».

« When it comes, the landscape listens,
Shadows hold their breath;
When it goes, 't is like the distance
On the look of death. »

On dirait une chanson de Barbara…
Duras / Barbara, c’était déjà l’association de mon adolescence.
C’est le siècle passé. C’est le siècle à venir.
Qui vient au monde ?

Trois week-ends en décembre.



Yves-Noël Genod






Bonjour, Yves-Noël,

J'aime beaucoup ce que tu dis sur ta méthode de travail. Peut on reproduire ces quelques lignes pour expliquer ta démarche dans un communiqué de presse? En reprenant ceci, par exemple :



Malmö, le 7 octobre 2011

Je voudrais que tout soit réglé avant le premier jour des répétitions, le 4 novembre. C’est une question de méthode, j’en parle et reparle très souvent, ce n’est pas une méthode absolue, mais elle a produit tant de chefs d’œuvre jusqu’à Haschich à Marseille, la semaine dernière… La méthode, en deux mots, c’est surtout NE RIEN FAIRE. C’est ce que j’exige (de manière dictatoriale) des acteurs et des artistes avec lesquels je travaille. C’est bien sûr ce que j’exige de moi-même. Et j’appelle ça le VRAI travail, en plus. Bon, pour que cette méthode soit réalisable, il faut donc que tout soit réglé avant le début du « travail ».

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Autoportraits à la fenêtre de chez Pierre (Droulers)


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Sala Farnese




Silvia Fanti propose de faire quelque chose dans cette salle dans son festival à Bologne fin avril.

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Zoé Schellenberg
Je suis montée sur les planches la semaine dernière et, quand le trac m'a pris, j'ai pensé à vous ! Merci

Yves-Noël Genod
Ah, mais, ça, c'est très gentil !...
Je prépare un spectacle, mais je n'ai pas osé vous en parler parce que vous devez forcément être très prise (Ça se joue le 3 et 4 décembre, à Paris et les répétitions du 4 au 10 novembre et à partir du 22...) Mais, voilà, pour le plaisir de le faire !

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Portrait d'un enfant déchu




« Il aimait tout de moi, même mes prothèses. » était la phrase qui me venait au réveil. Je sortais d’un rêve érotique avec Jérôme Bel absolument délicieux. Je ne savais pas que Jérôme Bel était si désirable, je le découvrais par ce rêve, et, bien entendu, c’était évident, son intelligence, sa gentillesse sans défaut, sa disponibilité depuis quelque temps. Il continuait d’être Jérôme Bel, c’est-à-dire le premier de la classe, il continuait de jouer partout dans le monde (voir son site) et il continuait d’être toujours là, disponible comme s’il ne faisait rien, sans limites de temps, partout dans Paris… C’est un cas de réussite de la psychanalyse, j’avais dit à Jeanne (et peut-être ici déjà)... Le rêve était absolument naturel, absolument humain et ouvrait la perspective d’un siècle nouveau dans la sexualité des mœurs, un Vaux-le-Vicomte de la sexualité, dirai-je avec emphase ! Jérôme continuait d’être mondain, je continuais d’être mondain, mais c’était le moment où l’amour que nous réalisions se répandait immédiatement sur l’assistance. L’assistance entière. Comme je cherchais des titres, Cecilia avait proposé : Des après-midi entières dans l’hiver. « Durassien », avait dit Jérôme Bel. Certes. Cecilia, dans le taxi qui nous ramenait finalement de Jaurès à Max Dormoy, avait parlé encore d’une pièce espagnole qui s’appelait : Le Temps tout entier. Durassien… L’intimité, c’était juste de pouvoir se parler à l’oreille. Une chose très sensuelle dans ma vie avait été, de la même façon, lorsque nous avions improvisé une scène tous les soirs avec Valérie Dréville dans la mise en scène de Julie Brochen du Cadavre vivant (de Léon Tolstoï), – que Valérie, que j’aimais dans la pièce, me murmurât des choses à l’oreille… « Porte-moi... », « Mets-moi sur la table… », « Embrasse-moi… » (Imparfait du subjonctif.) Jérôme Bel avait quelques réserves sur la pièce que nous venions de voir et les exprimait si gentiment. J’expliquais à Cecilia comme il avait été gentil (encore une fois, il ne l’a pas toujours été). Cecilia disait : « Oui, il a été gentil, car il a senti que, s’il avait été méchant, je n’aurais pas écouté. » Nous étions dans le bus de nuit avec tous les sacs, les immenses valises, le bus qui allait nous conduire jusqu’à Jaurès. Nous avions finalement renoncé, avec raison, à trouver des taxis dans le centre, à appeler des taxis, des taxis, on ne voyait que ça dans le centre, mais tout le monde était dans les taxis, ils étaient tous rouges. Jérôme remarquait les nouvelles lumières des taxis, oui, rouge pour « occupé » et vert pour « libre » – aucun de vert. Jérôme restait longtemps (pour toujours) dans l’éclairage vert d’un feu de signalisation, assis sur son vélo où il y avait aussi le siège bébé. Je ne savais pas que j’étais déjà amoureux, mais je remarquais sans le savoir qu’il s’était placé, là, exactement à nous accompagner dans l’attente de cette couleur verte si désirable. Je n’avais pas osé prendre une photo. Plus tard, lorsque nous étions passés de la rue Beaubourg au boulevard Sébastopol, j’avais dit (curieusement) : « Maintenant que Jérôme Bel n’est plus là, c’est moi le chef : je décide que nous prenions le bus ! » Jérôme trouvait que la pièce, Sylphides, était si forte, si effrayante dans les sensations qu’elle produisait, au début, qu’il aurait voulu rester dans ces sensations. Hors, finalement, l’un des danseurs se mettait à marcher dans ce sac qu’on imaginait le pétrifier, finalement c’était même drôle, quand les sacs étaient regonflés, et, à la fin, la fin non plus, la sortie de la chrysalide, il n’avait pas vraiment aimé. Il n’avait pas aimé les décrochements dans les sensations très fortes et très pures, très riches, d’éternité, de mort, les projections de peur très fortes produites au début. Je comprenais très bien que, lui, Jérôme Bel, soit gêné par l’impureté de la forme. C’était quand même encore et toujours Jérôme Bel ! Notre génie ! C’était ce que j’aimais chez Cecilia et François. J’avais exprimé mon point de vue : « Les formes peuvent disparaître… » Une fois que les choses sont créées, la forme peut disparaître, décrocher. Je connaissais et comprenais cela très bien. Christophe Wavelet, par exemple, un ami proche de Jérôme, m’avait dit après le deuxième acte de 1er avril qu’il avait aimé : « Oui, mais où ça va ? » Même si je pensais qu’il manquait un troisième acte, que j’aurais voulu avoir le temps d’un troisième acte dans cet espace du 1er avril, à Bruxelles, je savais que les choses créées, une fois créées, n’avaient pas besoin d’aller quelque part. Les formes peuvent disparaître… Nous étions au Café Beaubourg, très tard, dans cet endroit si guindé en journée, on nous avait laissé squatter la terrasse comme des Romanichels et François, à un moment, me parlait de son amour de la veille qui l’avait laissé dans un désespoir amoureux équivalent au bonheur (dirai-je avec emphase). Cet homme l’avait caressé de partout avec un tel amour ! François avait dit cette phrase : « Il aimait tout de moi, même mes prothèses. » François était en femme, c’est comme ça qu’il vit sa sexualité et qu’il trouve des hommes, principalement dans un club de travelos dont j’ai oublié le nom, mais qui se situe rue des Dames, dans le dix-septième. François s’appelle Lucie, dans ce club, Lucie-la-danseuse. « Tu sais, normalement, les hommes que l’on rencontre sont de gros bourrins. Mais lui… J’ai même accepté qu’il me suce. Non, d’habitude, je n’aime pas qu'on me le propose, je refuse, car j’imagine que les hommes sont des pédés, mais, là, il me suçait comme si j’étais une fille, je mouillais comme une fille… En plus, il fait partir des fusées ! Il repart en Guyanne mercredi… – Revois-le ! – Je ne peux pas, je pars à New York demain. Il reviendra en décembre. Tous les trois mois. » Avant cela, François, si intelligent, François, si intelligent, me voyant, dans l’éternité de ma damnation, encore une fois sauter sur tout le monde (surtout les pédés qui m’affolent) dans ce scénario si effroyablement répétitif du « ratage de la rencontre » m’avait dit : « Faut faire confiance à la chair parce que, quand elle vient, c’est tellement bon. » Je recopiais cette phrase en lui disant que j’allais l’inscrire au-dessus de mon lit. Je ne parlais jamais de ce problème récurrent de comportement avec mon psy, je ne savais pas comment l'y intéresser. J'essayais de parler, avec mon psy, de choses qui pouvaient l'intéresser. Je lui parlais beaucoup de théâtre quand j'en faisais. Et je lui parlais des filles dès que je pouvais. L’autre fois, il m’avait dit, je ne sais plus à propos de quoi, de tout ce qu'on s'était dit probablement auparavant : « Tu en parleras à ta fiancée... – Ah ! Ma fiancée... – Non, mais pas une fiancée imaginaire... – Qui ? – Eh bien, celle dont tu m'as parlé, là, Kate Mo... r... » Je lui avais parlé de Kate, bien sûr, la fois précédente, juste après Marseille et assurément avec passion. Eh bien, ce n’était pas tomber dans l’oreille d’un sourd ! (Même s’il avait eu une petite hésitation sur le nom.) Moi, ça m'avait fait bien plaisir de voir encore débouler Kate ! Mais mon psy aime tellement les filles... Dès que je peux, je lui raconte des histoires de fille (c'est assez rare), je le fais car ça lui fait tellement plaisir et ça me fait plaisir de lui faire plaisir… Alors François disait : « Il essaye d’exciter son psy. » A 10h08, ce matin, Cecilia m’envoie un message à propos d’une boutique où elle voudrait aller, aujourd’hui dimanche, avec moi, une boutique de démarques : THANX GOD I'M A VIP :

SA OUVRE A 14HS!!
tu veux y aller a pied? mon velo est a beaubourg...
hasta pronto en el mercado!!!!

t a vue Portrait d'un enfant déchu?

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CC.

Déjà levée, Cecilia ? Voilà, qu'est-ce que j'ai oublié de dire ? Ah, oui, juste ça : comme François et Cecilia répondaient, dans l'après-midi, à une question de Rosita Boisseau sur les gens qu'ils aimaient dans la danse , les influences…, François et Cecilia m'avaient cité et Rosita avait dit, je ne sais pas, qu'elle m'aimait beaucoup, mais que, surtout, ELLE LISAIT MON BLOG ! Devant la transe dans laquelle cette nouvelle me plonge soudain, François s'inquiète et ajoute : « Enfin, elle a dit : QUAND J'AI LE TEMPS... » Oh, oui, bien sûr, quand elle a le temps, je ne la vois pas rivée à ce blog, quand même... (Déjà, moi, il faudrait m'enfermer et sans ordinateur...) Mais Cecilia ajoute : « Elle a dit, oui, oui, j’adore lire le blog d’Yves-Noël, il écrit très bien et elle a dit, elle a dit : IL A UNE BELLE PLUME ! » Oh, là, là, là, là… Ensuite, il y a sur mon carnet des choses que j’ai superposées et que je ne peux pas relire… François a encore dit : « Mais, Rosita, ce qui assure, c’est son nom… » Oui, Lucie, Rosita.

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