Friday, January 06, 2012

« A tous et à personne »




Luxe, calme et volupté…
Si je me mets à raconter, viennent ces mots… Je ne connais du Mexique que rien et c’est ce rien qui me plaît. Ce rien est troué de quelques découvertes. Las Pirámides, hier. Il faut prendre le métro, puis un bus, ça dure deux heures, puis il faut marcher toute la journée car c’est surnaturellement immense. Le mot seul qui vient, c’est : « bouleversant ». Vous montez à la pyramide du Soleil (mais qui est peut-être celle de la pluie, on ne sait pas), et la sensation est violente, physique, pleine de larmes. Vous reconnaissez qqch que vous ne comprenez pas. Même les Aztèques ne comprenaient pas. Ils ont imaginé là leurs dieux réunis pour faire le monde (mettre le soleil en orbite, etc.) Vous pleurez. Ensuite, vous lisez, dans le guide, que les constructeurs ne bénéficiaient ni d’animal de trait ni d’outil métallique ni de roue... Alors, là, la tête explose. Si, en plus, vous aviez décidé de vous faire accompagner dans votre voyage initiatique par La Complexité humaine, recueil de textes d’Edgar Morin, vous n’êtes plus qu’une soupe mentalement. Et vous soufflez fort en montant les marches irrégulières dans le manque d’oxygène. Mais vous le faites. Vous l’avez fait. Vous étiez à jeun, vous aviez oublié de vous munir du pique-nique recommandé par le guide.

La ville est immense, la plus grande du monde, en allant aux pyramides, on voit grimper les bidonvilles de ciment le long des montagnes, ça grimpe, ça grimpe, la rue devient de plus en plus pentue (jusqu’à verticale ?) C’est l’envahissement du monde par le monde. Effrayé à l’idée du temps que passent dans les transports ceux qui vivent dans ces « quartiers Nord » (ou Sud, Est, Ouest). François me dit que la bonne qui vient chez eux met deux heures à venir. Pour quatre heures de travail. Payées deux cents pesos (dix euros). La masse humaine est aussi mystérieuse, exactement, que les ruines de Teotihuacán... Le livre des visages. Ils ont des visages extrêmement merveilleux, ces Mexicains, ils sont tellement indiens, tellement mélangés et tellement typés. On peut tout lire de l’histoire du pays, de toutes les histoires du pays, ce pays de toutes les apparitions et de tous les effacements. Tout est oublié, tout est là. Frais, disponible, pollué, semer/s’aimer, dit Edgar Morin...

Le soir, Gaby avait réservé dans un restaurant de luxe. On était avec Pablo – qu’on est passé prendre à son hôtel – un jeune éditeur avec qui Gaby travaille, c’est facile de l’imaginer : il a une tête très douce sortie d’un roman de Dostoïevski. Après le restaurant, nous nous sommes arrêtés, en le raccompagnant, pour prendre un verre sur la terrasse du dernier étage de l’hôtel où descend Britney Spears, pour vous donner une idée, très grand luxe, mais branché (pas à l’ancienne). Il nous a montré sa chambre somptueuse avec terrasse aussi, salon, etc. Un petit nécessaire fourni avec la chambre montrait capotes et lubrifiant ainsi qu’un ruban de soie pour s’attacher. Vous laissez la voiture juste devant les marches et quelqu’un, mystérieusement, se charge de la garer. Vous sortez, vous la retrouvez instantanément. Ah, Cendrillon, Ah, Barbie…

Au restaurant, nous avons encore parlé des Teotihuacános. Pablo savait tout ce qu’il était possible de savoir sur ces gens. Pourquoi avaient-ils disparus sans laisser de traces ? C’était un peuple nomade, comme tous les peuples de cet endroit, de ces temps. A un moment, ils étaient devenus puissants, ils avaient construit cette puissance en asservissant et en négociant avec les autres peuples alentours (et parfois très lointains). Puis, à un moment, ça avait commencé à se dégrader avec ces autres peuples tout autour et ils avaient fini par reprendre la route, laissant la capitale surnaturelle derrière eux, défaite. Où étaient-ils allés ? On ne sait pas, ils se sont perdus, répandus… Plus tard, les Aztèques, un autre peuple de nomades, avaient pris la place dans la région...

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