Tuesday, March 20, 2012

Alors, demain, mercredi 21 mars, journée 2 événements. D’abord, à 15h, je donne une conférence sur mon travail à l’école des Beaux-Arts, 14, rue Bonaparte et j’aimerais autant avoir quelques invités qui dissertent avec moi. Si ça vous dit… Et, le soir, à 20h, à La Fémis, 6, rue Francœur, entrée libre, mon ami Olivier Steiner montrera quelques courts-métrages dont un merveilleux film de lui et le film inédit de César Vayssié sur – je peux / – oui, première partie somptueuse du diptyque donné en décembre au TCI, avec Bram Droulers, Sigrid Bouaziz, Nicolas Maury, Jean-Paul Muel, Marlène Saldana, Marcus Vigneron-Coudray…

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La Simplicité d’être




Pamela voulait qu’on lui parle du printemps. Mais personne n’avait rien à dire. Moi, je savais que c’était les équinoxes, mais tout le monde le savait, je me disais. Alors Pamela a donné quelques phrases, distillées. « Nous vivons dans un univers silencieux. (…) Mais puisque nous sommes le silence, nous remarquons le son. Et comme nous ne bougeons jamais, nous trouvons le mouvement fascinant. Et comme nous n’avons pas d’opinion, nous trouvons la pensée fascinante. » Je pensais tellement au spectacle, quelle nostalgie ! J’écrivais dans mon carnet : Reprise en avril. Je ne voulais plus que faire ça : ce spectacle avec ces gens ! Alors, en attendant, je copiais des titres, des choses à dire aux acteurs. Il fallait que ma vie change. Il fallait que j’apprenne de Charles Zevaco (je voulais aller à l’usine), de Valérie, de Lucien, de Wagner, de Sophie (serveuse), de Romain (lui aussi fait des chantiers), je voulais retourner dans la vie. Je voulais continuer d’apprendre de Marlène et de Jeanne. Fréquenter Dominique. J’avais appris à les considérer comme mystérieux – après tout je ne savais rien d’eux – j’avais appris à ne rien savoir d’eux. Et Pamela m’en donnait l’explication : « C’est la perception qu’il y a un autre (l’altérité) qui nourrit ce malentendu (la cruauté…) » En fait,il n’y a pas d’ « autres ». Quand on est présent, c’est toujours avec plutôt qu’en opposition. Des choses comme ça, plus ou moins… Il y a un moment, j’ai pleuré. Quand Pamela a dit – c’était à quelqu’une et je ne savais pas si je pleurais de mon émotion à moi ou de celle de l’autre que je ressentais (je ne la voyais pas, j’étais un peu dans le fond) ou de celle de tous. Pamela a dit : « Parce qu’on ne peut pas vraiment voir combien nous sommes précieux. Mais nos amis le voient. Et les arbres le voient. Et le soleil le voit. Mais, nous, on le sait en dernier, en fait. » Larmes. Tout me ramenait au spectacle, sempiternellement. Comme Pamela demandait encore qu’on lui parle du printemps, une femme a dit qu’elle ne remarquait pas le printemps, qu’elle était, oui, hiver. « Tu es l’hiver, mais tu es un hiver très aimé », lui a dit Pamela. C’était un peu Dickens. « A very loved winter. » « Est-ce que l’hiver aspire à la chaleur ? » Non, il n’aspirait à rien. La femme hiver, c’est vrai qu’elle avait l’air de sortir d’un tableau de Brueghel, je me suis dit. Elle avait une bouille ! La pauvre, elle m’a fait rire. Son obstination à rester hiver. Mais toutes les femmes maintenant, du côté où je les regardais, me sont apparues très belles comme sorties de la peinture, oui, de Brueghel, pourquoi pas, du Moyen Age obstiné – et pourquoi pas ? –, très belles têtes soudain, le spectacle reprenait, très beaux apaisements. Je suis sorti assez vite, juste en embrassant Gérard, de cet hôtel du général La Fayette, soi-disant, rue d’Anjou, et je suis rentré en grillant tous les feux jusqu’à – jusqu’à cette partie de la ville qui ressemble « comme à un petit endroit ensoleillé dans la forêt », oui, j’entendais encore une phrase (sans la comprendre) : « C’est bon d’avoir un aigle, un compagnon eagle. » Pamela nous avait dit : « Merci d’être la vie elle-même que nous adorons. » Et, la semaine dernière, c’était moi qui le disais, qui avais ce privilège de le dire aux acteur, aux spectateurs. « Merci d’être. » Ce jeu, l’absolu et la légèreté. « Jouer comme dans les champs du Seigneur… » Oui.

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Maintenant le temps !




« Ce qu’on écrit, c’est une sorte de durée, de durée constante, toujours égale, qui est celle de la mer, celle du temps qui passe, de l’été, de cette espèce de temps très ludique, très fugace, tragique, de l’été, c’est ça qui compte.
Ce qui se greffe là-dessus, ç’est ce qu’on appelle l’événement. »



Oh, je ne vais pas me laisser faire… Oh, le temps. Maintenant qu’on a fait le temps. On l’a. Pour toujours jusqu’à l’été. C’est parti. On ne va pas m’embêter… Ça commence. Des gens qui n’ont pas vu, pas perçu ce qu’il s’est passé, des gens sans argent qui veulent me programmer – mais il faut tout faire à l’avance, les acteurs, les billets d’avion pour que ça ne coûte rien. Résultat : rien. Rien de drôle. Et rien de logique. La logique, mais ils ne le savent pas, la logique, c’est que les choses qu’on invente – si on les invente – ne sont pas faites d’avance.



Laurence Mayor
« Salut, Yves-Noël, c’est Laurence au téléphone, écoute, Yves-Noël, voilà, hier soir, j’ai pas pu… j’ai attendu un moment et puis, comme vous sortiez pas, je suis partie. Et… Ben, voilà. Je voulais te dire que j’ai vraiment été très, très touchée par ce spectacle, très émue, voilà, je voulais te l’dire : je suis une enthousiaste de ton spectacle ! (Rire.) Voilà, j’vais peut-être essayé d’t’écrire un mail, si j’ai l’temps, mais, en attendant, je voulais te dire ça. Voilà, Yves-Noël, en tout cas : bravo ! toi qui disais que… comment rassembler ces personnes qui sont nombreuses, je sais pas combien elles sont, dix, tu as fait qqch qui est... sais pas, qui ouvre à l’intérieur de soi une force contemplative qui est absolument bouleversante, quoi, voilà. Y a qqch en moi comme si j’étais capable de contempler un endroit que je savais pas que j’pouvais avoir – en moi. (Rire.) Voilà. C’est d’la musique, quoi, c’est de la musique, mais pure, c’est extraordinaire. Bravo, Yves-Noël, vraiment. A bientôt. Je t’embrasse »



La beauté d’une ville qui s’appelle « Lion ». Beauté animale. Le long de ses fleuves. Avec sa concierge. Parmi toutes les affiches multicolores de la ville et des beaux quartiers – des quartiers d’affiches de la ville – je suis passé aussi devant les Folies Bergères, il y avait, affiché à L’Olympia, un spectacle sur je ne sais quoi. Et cette vie, et cette ville. « L’illisible » , comme disait Duras.

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« Des jours aussi longs que les nuits (définition de l'équinoxe, qui tombe aujourd'hui). »

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Gratitude




Lundi 19 mars 2012

Jean-Pierre Thibaudat,

Je voudrais quand même vous remercier pour l’exactitude de votre texte qui m’a sidéré ! J’avais peur que ce spectacle – dont je disais aux acteurs que j’en étais absolument fan – ne soit pas compris. D’ailleurs, il ne l’a pas été par tous (ce qui est bien normal) – mais, par ceux qui l’ont compris, il semblerait qu’il l’ait été au-delà de toute mon imagination, réellement. C’est vous qui avez lancé la nouvelle. Pour tout vous dire, cet article paraissant avant la première, j’ai mis une nuit et un jour (jusqu’à la première) à m’en remettre ! La référence au spectacle absolu, Regard du sourd, m’ayant abasourdi, même délicatement mise en abîme, j’ai dû appelé Claude Régy et mon psy pour sortir la tête de l’eau ! J’en tremblais.

Ce spectacle devait receler bien de l’amour, pour que vos mots en diffusent autant (aussi dans ceux des autres)… Ces mots me confortent dans l’idée – déjà exprimée – qu’au théâtre, il n’y a qu’un seul thème, qu’un seul sens, qu’une seule force, que c’est bien d’amour dont il s’agit. D’ailleurs ne dit-on pas le « spectacle vivant » ? Rien n’est caché. Mais vous savez tout ça depuis plus longtemps que moi malgré votre apparence absolument juvénile. Bouleversé que le plus grand critique théâtral que je connaisse qui m’a formé véritablement toute ma vie – je dirais : au moins depuis l’article – amoureux, déjà – sur Grand et petit, Villeurbanne et Paris, avec les entretiens avec les comédiens, etc., parviennent – et si délicatement – comme sur la rive où j’ai l’air de me tenir… (Mais je me suis réellement demandé de qui vous parliez en lisant ce « Genod », j’ai même pensé que ça ne pouvait quand même pas être mon père…)

Le phénomène de mondes qui se catapultent s’est reproduit quand Dominique Issermann, elle aussi guide, de loin en loin, de toute ma vie, est venue voir le spectacle et la décrit ensuite dans ses moindre détails – et d’images et de sens – avec une vitalité d’ogresse, littéralement comme si elle l’avait créé elle-même ! Nous sommes maintenant à tu et à toi ! J’ai reconnu son œuvre comme je reconnais la vôtre ! Eh bien, cela m’épate, cela me sidère…

Nous sommes tous maintenant avec « un peu le baby blues », comme dit Valérie, ce matin… Evidemment, nous aurions pu jouer plus longtemps, la douceur, l’enveloppement de ce qu’il s’est passé entre les actrices, les acteurs et entre les actrices et les acteurs et le public nous en donnait le droit, nous aurions pu jouer toute une saison de printemps, disons… Mais le théâtre continue ailleurs, partout, et dans les cœurs…

Avec toute mon immarcescible gratitude,

Yves-Noël Genod






(Cliquer sur le titre pour accéder à l'article de Jean-Pierre Thibaudat.)

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Images de Denis Guéguin

(dans le désordre)












































Chic By Accident, pendant une avant-première.

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Le Journaliste éconduit




Cher Monsieur,
merci de vos explications artistiques, dont je vais devoir me satisfaire.
Voici en retour, quelques précisions d'ordre, cette fois, journalistique.
J'ai la prétention d'affirmer – et j'espère qu'on pourra facilement vous le confirmer – que je travaille toujours de la manière la plus courtoise et attentionnée possible. En clair, quand je dis que je viens, je viens, et quand je dis que je ne viens pas, je ne viens pas ; de même, je ne plante jamais personne (en cas de contretemps de dernière minute, je veille à prévenir) et ne me permet pas de débarquer à l'improviste, ou avec d'autres invités si je ne me suis pas assuré préalablement que cela ne posait pas problème.
Concernant votre spectacle, ça n'est pas moi qui avait demandé à venir, mais on m'y avait aimablement convié. A cet égard, j'avais annulé une projection à laquelle je devais assister (dans le VIIIè) et étais parti un peu précipitamment du journal lundi pour être à l’heure (j'étais devant la salle à 20h20).
Dirigeant le service culture à « Libération », je ne vous cache pas que je suis extrêmement sollicité. Théâtre, musique, danse, cinéma, cirque, photo... aller voir des spectacles ou des expositions demeure pour moi une source intarissable de plaisir et d'enrichissement que je tente de faire partager à nos lecteurs. Pour ce qui est de votre création, je n'aurai plus qu'à guetter (ou pas) le compte rendu de mes confrères, si d'aventure ils ont eu plus de chance que moi.
Bien à vous
Gilles Renault



Oui, Myra, engagée par la Ménagerie de verre, aurait dû vous garder des places. J'enfonce le clou (artistique) : moi, je n'en réserve jamais à personne, j'offre tout gratuit à tous + champagne et n'ait jamais sollicité un seul journaliste, profession que j'adore et qui vient pourtant en masse, j'ai beaucoup de chance, je ne sais pas comment, comme à Avignon où nous refusions pendant un mois des salles entières, en faisant la queue comme tout le monde, j'imagine... C'est une boulette, un pataquès. C'est un malentendu. Jean-Pierre Thibaudat (qui était là dimanche, mais en avance parce qu'il savait que c'était entrée libre sans réservation, j'avais son adresse mail, il avait reçu le flier), vous pouvez consulter son dithyrambe (pas d'autre mot) sur son blog (rue89) ou sur le mien, si vous voulez.

Jeanne était triste aussi de ce qu'il s'est passé.

Au plaisir, en tout cas, maintenant que nous nous connaissons mieux (et j'ai maintenant votre mail, vous aurez les infos...)

YN

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Deux citations sur l'art




« Le Met m’avait obligé à louer la salle un dimanche et à payer les techniciens en heures supplémentaires. J’avais vendu des tickets à 2 dollars et d’autres à 2 000 dollars et j’avais assis les gens à 2 dollars à côté de ceux à 2 000 dollars. Le lendemain, mon père venu du Texas m’a félicité : « Tu dois être riche maintenant ! » Je lui ai dit : « Non, papa, ça a coûté un million et j’ai perdu 150 000 dollars. » Il m’a dit : « Ah bon ? Je ne savais pas que tu étais assez intelligent pour perdre 150 000 dollars. » C’est la chose la plus gentille qu’il m’ait jamais dite. »



« Ça charrie tout un mental dont on peut dire qu’il est archaïque, pas ancestral, mais archaïque, un peu comme Shakespeare est archaïque. C’est l’homme absolument cru avec son Dieu. Les images remplacent la science, l’observation – des images poétiques. On a presque l’impression qu’il est contemporain d’Adam et Eve. On le sent contemporain de cette époque-là. La Bible en général et les prophètes en particulier donnent cette impression qu’ils sont encore, et éternellement, à l’origine du monde. »

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