Thursday, July 19, 2012

En chair et en homme



Beaucoup, beaucoup de soli (de danse) cette année à Avignon ! Mais il y en a deux qui sont exceptionnels. Celui de Christian Rizzo, Caty Olive, Kerem Gelebek, surnaturel de douceur, de sens et d’attention à l’autre, au monde, de raffinement, en un mot. Inoubliable à l’infini, tactile comme l’amour. Le deuxième, c’est celui de Laurent Chétouane, Mikael Marklund, encore plus fort, plus raffiné, plus gracieux, plus émouvant car il n’y a plus ni même le raffinement ni même la grâce ni même l’émotion. Il y a. Il y a… difficile d’en parler. Il n’y a bien qu’une SEULE personne, mais cette personne N’EST PAS séparée de l’espace. Je n’ai jamais vu ça, sauf dans mes spectacles en de très, très rares occasions. C’est ce que je demande aux interprètes (mais qu’il m’est difficile à négocier), l’humilité parfaite, autrement dit : liberté, égalité, fraternité. Le jardin de la Vierge devient le château du plus grand opéra, il n’y a rien et ce rien est plus rempli qu’un monde et N’A L’AIR DE RIEN. De rien ? Le contraire du minimalisme. La personne vivante, la personne humaine – c’est à pleurer. Enjoy the shows ! 

Labels:

Etre à Avignon, c’est y être



« Etre au-dessus de chaque chose comme son propre ciel, son toit arrondi, sa cloche d’azur et son éternelle quiétude. »

« Silence ! Silence !
Comme un vent délicieux danse invisiblement sur les scintillantes paillettes de la mer, léger, léger comme une plume : ainsi – le sommeil danse sur moi.
Il ne ferme pas les yeux, il laisse mon âme en éveil. Il est léger, en vérité, léger comme une plume. »

Labels:


Labels:


Audrey Vernon continue ses spectacles didactiques. Après Comment épouser un milliardaire, excellent récit de la guerre des classes, voici Marx et Jenny, le chef d’œuvre. C’est que du texte appris par cœur, c’est des mots, des mots sans discontinuité pendant 1h20 – et POURTANT c’est d’une telle virtuosité que le spectacle – le récit – vous reste inoubliable. Vous avez vécu au grand galop la vie de Karl Marx et de son ami Engels, de sa femme Jenny et de leur bonne Lenchen, des enfants qui naissent et qui meurent, de la pauvreté à Londres – c’est d’une instruction exemplaire et vous en emportez le savoir pour le restant de vos jours. Tout repose, j’imagine, sur l’intelligence du récit construit par Audrey – perfection de l’écriture – mais pas seulement : sur sa beauté et sur sa foi aussi. Audrey Vernon croit à l’absolu qu’il est possible d’intéresser le public avec le récit de l’intelligence. Elle restitue l’art du conte.
A 19h, 44, rue Thiers. Comment épouser un milliardaire, à 20h40.

Labels:

Jetzt



« Jetzt, bin ich leicht, jetzt fliege ich, jetzt sehe ich mich unter mir, jetzt tanzt ein Gott durch mich. »

Labels:

Un poème de Bertolt Brecht recopié dans ma chambre fenêtre ouverte dans le Lubéron (les oiseaux parlent, les hommes sifflent, la montagne incroyablement silencieuse rend grâce à Dieu)



Contre les tentations

1
Ne vous laissez pas séduire
Car il n’est pas de retour.
Déjà le jour approche
Le vent de la nuit souffle
Mais le matin ne viendra pas.

2
Ne vous laissez pas conter
Que la vie est peu de chose.
Buvez la vie à grands traits
Il sera toujours trop tôt
Quand vous devrez la quitter.

3
Ne vous laissez pas rouler
Vous n’avez pas trop de temps.
Laissez pourrir les cadavres
La vie l’emporte toujours
Et l’on ne vit qu’une fois.

4
Ne vous laissez pas traîner
Aux corvées et aux galères.
De quoi donc auriez-vous peur ?
Vous mourrez comme les bêtes
Après la mort le néant.

Labels:






Labels:

Ce que m’aura appris Pierre, mais que je savais déjà



« Dès qu’on est – ou se croit – regardé, on lève les yeux. Sentir l’aura d’un phénomène, c’est lui conférer le pouvoir de lever les yeux. L’octroi d’un tel pouvoir est une des sources de la poésie. Quand un homme, un animal ou un être inanimé, investi de ce pouvoir par le poète, lève les yeux, c’est pour attirer le regard au loin ; le regard de la nature ainsi éveillée rêve et entraîne le poète dans son rêve. Les mots peuvent eux aussi avoir leur aura. Karl Kraus l’a décrite de la façon suivante : « Plus on regarde un mot de près, plus il vous regarde de loin. »

Labels:

Vaquer / flâner



« Que le grand nombre vaque à ses affaires : le simple particulier ne peut flâner, au fond, que si, en tant qu’homme privé, il est déjà hors cadre. »

Labels:


Te redire comme ça m’a touché de voir ton spectacle, que j’ai lu comme le prolongement de notre rencontre à Pontempeyrat. Je n’étais pas entièrement disponible (pas autant que je l’aurais voulu) car je sortais d’un chef d’œuvre, celui de Jérôme Bel avec les handicapés, que je ne suis pas près d’oublier… Mais ton spectacle aussi me reste en mémoire, j’ai senti que tu cherchais à faire pivoter des valeurs, « pivoter les valeurs » – je trouve ce concept dans Gaston Bachelard que je lis au bord d’un cours d’eau, il est pour toi. Gaston Bachelard parle aussi de « sagesse sauvage ». « Le bon n’a plus de sens. » Tout ça te va, n’est-ce pas ? Amuse-toi bien avec ta belle équipe !  Je vous souhaite succès et amour ! 

Labels:


François Rodinson
Cher Yves-Noël,

Pardonne-moi, c’est un peu tard pour revenir sur ton très beau spectacle Je m’occupe de vous…. Personnellement, j’y pense beaucoup depuis… Merci beaucoup pour ce temps suspendu, cet enchantement, cette merveille donnée à voir, à entendre, à ressentir. Ça m’a beaucoup touché, en tout cas. J’ai aimé comment tout se lit et se lie. Fleurs du bien*, certes, mais il y a tout de même une âpreté et une mélancolie qui affleurent parfois. Et c’est très bien aussi. C’est une leçon pour moi, comme une éthique du temps et de l’espace où juste la justesse est admise. Et comme c’est bon, cette douce exigence, importante, capitale, fondamentale ! J’ai l’impression que tu as trouvé une sorte de nombre d’or de la scène. Une maîtrise et un souffle où ton poème se déploie avec ampleur et grâce dans une mesure où retenue et don écrivent l’Art dans ce qu’il a de plus exact pour moi, très individuel et très collectif aussi. Concret, présent, où « le temps se dilate et se contracte » comme disait l’autre. Alors, tout ça m’habite encore et vit en moi et reste comme un rêve auquel je tiens. Je serai à Avignon les jours prochains, si tu as un moment, ça me ferait plaisir de boire un verre avec toi,
Je t’embrasse,
François






* C'était le titre du spectacle que François a vu.

Labels: