Sunday, July 29, 2012

Les Dauphins


Cher M. Yves-Noël Genod,
Je suis heureuse de vous écrire. Voilà. Je voudrais participer au stage « Jouer Dieu ».
Depuis quelques semaines, je tourne autour du pot et gribouille des bribes éparses, en pensant à vous. C’est parfois difficile quand c’est important. Il y a deux ans, j’ai eu entre les mains le descriptif de la première édition de votre stage « Jouer Dieu ». J’ai été immédiatement saisie par le désir d’y participer et aussitôt figée par l’impossibilité matérielle de le faire. Vous me direz, rien n’est jamais tout à fait impossible.
A ce moment-là, en tout cas, il me semblait irréalisable de m’échapper pour un stage. Je venais d’accepter un contrat en tant que médiatrice culturelle, dans un CDN. Full time job. Au début, j’étais curieuse de rencontrer les publics, de découvrir la réalité concrète cachée derrière l’étendard de la « démocratisation culturelle » mais au fil du temps j’ai commencé à dépérir comme une plante sans soleil. Trop de bien-pensance. Trop de communication. Trop de morale. Manque d’air, manque d’art, manque de vie.
Lorsque j’ai claqué la porte, en janvier dernier, la joie pulsait dans mes veines. J’avais conscience d’avoir traversé un désert nécessaire. Pendant presque deux ans, je me suis délibérément exilée et pendant cet exil, sans que je m’en aperçoive, une mutation s’est produite : deux grandes ailes de papillon ont poussé dans mon dos. Très vite j’ai repensé à vous, et à jouer Dieu.
Votre travail me fait penser à de la poésie en 3 dimensions. Je m’y sens comme dans un rêve. Comme si les pages du livre se transformaient en liquide, comme si nous nagions tous ensemble, artistes et spectateurs, comme si chaque mouvement provoquait un ondoiement subtil et pénétrant, une ondulation qui se partage et voyage.
Il s’y passe quelque chose d’essentiel. La liberté libre. La joie dont parle Deleuze. Quelque chose qui console et qui met en mouvement.
Je suis souvent empêtrée dans mon appétit débordant d’expériences. Toujours cette névrose de vouloir tout embrasser. Lire tous les livres, arpenter tous les pays, vivre toutes les vies… Parfois ça serre le cœur et ça émeut aux larmes. La vieille colère de devoir mourir.
Peut-être que ce qui me touche dans le temps et dans l’espace de vos spectacles, c’est qu’on s’y sent éternels. Ou peut-être qu’on s’en fout, justement, tout sidérés que l’on est de sentir ce qui est là, de guetter la prochaine fulgurance, la prochaine beauté… Ça fait sacrément du bien ! On se sent riches. Incroyables. Magnifiquement incompréhensibles. Les acteurs sont si beaux à voir dans le plaisir. Si intarissables. L’autre jour, je vous écoutais dans une émission, à la radio, et vous disiez que vous conceviez la vie et la scène comme un jardin, comme un Eden. Alors voilà, j’ai envie de me balader dans l’Eden avec une meute d’acteurs prêts à faire feu de tout bois.
Je suis une jeune femme, je suis petite et rousse. Comme vous pourrez peut-être le remarquer, je ressemble à un extra-terrestre qui vient de descendre de sa soucoupe. Je suis comédienne, j’ai une formation lambda, (le trio : conservatoire, cours privé, école publique) et un parcours professionnel kaléidoscopique. Je me promène toujours avec des livres. Trois, en principe. Un ouvrage en langue étrangère, un recueil de poésie et un roman. Il peut s’y ajouter un peu de philosophie. Je déteste la communication, mais j’adore le langage.
J’ai une mystérieuse passion pour les voix. Les parlées bien sûr, je trouve qu’on y entend tellement de choses, d’univers, de mondes engloutis. Je suis fascinée par le rapport entre la voix et l’écriture. En toute logique, j’adore la radio (surtout France Cul, il faut bien le dire). J’ai une vaste collection de podcasts. Les voix chantées me bouleversent. Je chante énormément. J’ai travaillé sur des répertoires assez divers : chansons réalistes, jazz, funk, chant lyrique… En ce moment, je travaille sur des chansons de Joan Baez, sur de la variétoche, et je commence à lorgner sérieusement du côté du rock. Je ne me suis jamais remise de la première fois où j’ai entendu Janis Joplin.
Je me souviens tous les matins de mes rêves. Je les note. La nuit qui a suivi le dimanche où j’ai vu Je m’occupe de vous personnellement, j’ai fait un rêve sublime. J’ai rêvé que j'étais un dauphin... J'ai éprouvé toutes les sensations de la nage, la fluidité et la vitesse du déplacement, les balades entre copains dauphins, le fait de cracher de l'eau par le dessus de la tête... C'était absolument merveilleux.
En espérant que ma lettre vous parlera…
Et encore merci pour le champagne !
Julie Menut

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Bonjour à tous,

« Avis aux non-communistes : Tout est commun, même Dieu. » Cette phrase de Charles Baudelaire, mettons-là en exergue de notre projet. Je suis à Berlin pour préparer un peu, avec Arnaud Bourgoin, mon assistant, le stage de septembre. Que puis-je dire déjà ? Jouer Dieu, il y a deux termes. Le ludique et le profond. La première année à Pontempeyrat, avec Arnaud déjà, a été très prodigue, l’invention de formes. La deuxième année – toujours le même titre – avec Bénédicte Le Lamer a été nettement plus verticale, les formes, on s’en fichait. On essayera donc cette année une synthèse. Les formes et le service de Dieu ! A cause de la présence de deux metteurs en scène, Melchior et Yuval (en plus d’Arnaud et de moi), j’ai pensé qu’on pouvait être un peu plus que prévu, quatorze, sept filles, sept garçons. J’ai parlé avec Falk Richter, ici, à Berlin, dont Arnaud est proche. Je pense que ce serait l’occasion de puiser dans le corpus Falk Richter, pas exclusivement, mais pour profiter de la capacité dramaturgique d’Arnaud. Falk m’a conseillé hier Trust en me faisant lire la page 50, « Contrats de travail », la page 38, « Je suis comme l’argent », j’ai lu aussi la page 27, « Fais-moi confiance » et Falk m’a confirmé que, pour une actrice drôle, que ça pouvait être génial. Falk me parle aussi de Protect me, d’Electronic City et de Sous la glace. Le Système, c’est trop compliqué, dit-il. Mais on pourrait tirer des choses aussi de My Secret Garden que j’ai vu représentée au Rond-Point, en juin. Bref, on peut s’amuser à explorer et se servir de cette écriture que je vous propose donc de fréquenter pendant ces quatre semaines qui nous séparent. Le plus qu’il vous est possible, car ce serait dommage d’être dans le déchiffrage. Antoine Vitez reprenait souvent un mot de Paul Claudel (à Jean-Louis Barrault qui lui demandait comment jouer Le Soulier de satin) : « vite et mal ». Le travail intéressant commence quand il n’y en a plus et il faudra bien sûr immédiatement se trouver à cet endroit-là, quoi qu’il en soit : plein et libre. Le dernier jour du stage le premier. Vous penserez aussi à des costumes, des maquillages, des films – et à tout ce que vous voulez…

Au plaisir

Yves-Noël Genod

Arnaud me dit de vous dire de lire un texte de Tarkos, « L’argent » extrait de Ecrits poétiques (chez POL) qui fait écho à l’écriture de Falk, mais envoie complètement ailleurs, « pour pas fermer scolairement sur Falk ». Certes. On ne va rien fermer et tout ouvrir. « Tout arrive en même temps », comme dit un autre poète POL (Dominique Fourcade).

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