Saturday, August 25, 2012

L’Eternité



« A mesure que vous approchez de la vérité, votre solitude augmente. Le bâtiment est splendide, mais désert. Vous marchez dans des salles vides, qui vous renvoient l’écho de vos pas. L’atmosphère est limpide et invariable ; les objets semblent statufiés. Parfois, vous vous mettez à pleurer, tant la netteté de la vision est cruelle. Vous aimeriez retourner en arrière, dans les brumes de l’inconnaissance ; mais au fond vous savez qu’il est déjà trop tard. » 

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Essayage













Jadis la beauté



« Autre problème majeur de l’art musilien : le rapport de la pensée et de la littérature. Il conçoit précisément que, dans une œuvre littéraire, on puisse exprimer des pensées aussi difficiles et d’une forme aussi abstraite que dans un ouvrage philosophique, mais à condition qu’elle ne soit pas encore pensées. Ce « pas encore » est la littérature même, un « pas encore » qui, comme tel, est accomplissement et perfection. L’écrivain a tous les droits et il peut s’attribuer toutes les façons d’être et de dire, sauf la très habituelle parole qui prétend au sens et à la vérité : ce qui se dit dans ce qu’il dit n’a pas encore de sens, n’est pas encore vrai – pas encore et jamais davantage ; pas encore et c’est la splendeur suffisante qu’on nommait jadis beauté. L’être qui se révèle dans l’art est toujours antérieur à la révélation : de là son innocence (car il n’a pas à être racheté par la signification), mais de là son inquiétude infinie, s’il est exclu de la terre promise de la vérité. » 

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Claudel, Proust, Saint Laurent



« Le théâtre, c’est toujours une femme qui arrive. »
Je lis une biographie d’Yves Saint Laurent. Il dit : « J’ai besoin du mannequin et du tissu, qui sont les deux vérités de la robe : le geste du mannequin que le tissu accompagne. » Le mannequin, c’est vous et, le tissu, c’est aussi vous qui le choisirez. En fait, vous faites tout. C’est encore ce que je me disais en regardant (hier, dans une fête) danser Julien Gallée-Ferré avec qui j’ai beaucoup travaillé, mais pas depuis quelques années : il est devenu un bel homme. Je n’en pouvais plus de le regarder, à l’époque nous nous présentions comme père et fils. Et je me disais exactement ça – comme toujours je me dis quand quelqu’un m’inspire – : il n’y a rien à faire, les interprètes ont toujours tout fait. Je me demandais même quel pouvait être mon art. En voyant Julien à peine danser dans cette fête (en « s’économisant », comme disait Aude Lavigne) dans ce pantalon extraordinairement ordinaire et cette chemise extraordinairement ordinaire, je me disais que le spectacle était fait. Peut-être mon art est-il de maintenir l’état d’apparition… Précieux artisanat… Bref, tout ça pour vous dire de venir libres et les mains nues, comme pour une audition. Chargez vous de « l’édifice immense du souvenir », comme dit Marcel Proust, qui est fait d’oubli et de matériel poétique. Donc apportez tout ce qui vous servira. Du par cœur, si possible, ou du lu. Si, comme je le rêve, vous naviguez déjà à l’aise dans les jeunesses blessées de Falk Richter, c’est parfait (quelle belle pièce !). Si ça ne vous a pas motivés, apportez ce que vous voulez. Par exemple, des choses déjà travaillées ailleurs (l’assimilation…)
Apportez des dvd si vous voulez, il y a un vidéo projecteur pour les longues soirées d’hiver…
Si quelqu’un avait un bon appareil pour filmer, ce serait super ! Un photographe (François Stemmer) devrait passer en cours de stage, mais la vidéo, ah… surtout si nous faisons des choses merveilleuses…

A lundi

YN

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Schön dich zu sehen !



Ce que je lis ce matin ? Not Under Forty (et j’ai effacé mon anniv’ sur Fesse bouc) – en particulier la nouvelle A Chance Meeting (Une rencontre de fortune), quel beau titre ! Une nouvelle qui parle d’un temps fabuleusement chaud à Aix-les-Bains, j’adore ! J’adore la Savoie… Ils sont fachos, mais le pays est si beau… The days are growing shorter… Le matin, il faut que j’attende si longtemps pour que le thé refroidisse pour que je puisse le boire, je suis toujours étonné de cette longueur de temps. C’est une théière qui garde le chaud longtemps (que j’avais acheté à Conran Shop, good quality). Exister n’est pas un si grand danger. Ça parle d’une vieille femme pour qui la vie était « accomplir les choses », « doing them always a little better and better ». Il y a un mot que j’adore en anglais, the « bank », la berge, « and went to the bank » – surtout à Aix-les-Bains –. Oui, rentier, je serais bien. Je me baladerais dans les hôtels de luxe, de faux luxe, veux-je dire – délabrés – comme les Roches Rouges, à Piana – et je lirais, je ne serais pas malheureux… J’écrirais peut-être, mais lire serait suffisant… On ne lit pas assez, alors que c’est tout un monde merveilleux pour les pauvres ! Vous avez tout à porter de la main. (Surtout maintenant.) Le grand-père de Brigitte Bardot ou le grand oncle, je ne sais plus, chaque week-end, voyageait dans un pays. Il consultait des encyclopédies, des atlas, des guides… Le Mexique, le Japon… Voilà comment j’imagine la vie. Ne sortir que dans la lumière et rester dans la grotte – vous savez, avec les ombres – du livre au lit. Il y a un autre mot gentil que j’aime en anglais, c’est « disclosure », révélation. Et cette phrase dans la nouvelle : « It was like being suddenly brought up against a mountain of memories. » Une montagne de souvenirs. Oui, Aix-les-Bains. Le mot encore que j’aime, qui va avec « bank », c’est le mot « bench », banc.