Thursday, September 13, 2012

Compte-rendu (pour l’Afdas)



« Jouer Dieu », Yves-Noël Genod, du 27 août au 16 septembre 2012.

La troisième édition du stage « Jouer Dieu » à l’Hostellerie de Pontempeyrat a été l’occasion d’une synthèse des deux éditions précédentes : s’autoriser la forme, pour éprouver la répétition, et parallèlement l’art volatil, celui de l’instant.

Le soleil généreux nous ouvrait la voie du dehors. Sous les pins, au bord des ruisseaux, dans la mousse, la bruyère, l’herbe, sur la pierre, partout nous avons célébré le vivant, l’ouverture au monde. Comme le dit si merveilleusement Hypérion (la lumière), héros romantique du poète allemand Hölderlin : « Ne faire qu’un avec tout ce qui vit » Il a suffi de cueillir ce qui était déjà là – et depuis longtemps. Se rendre disponible à cette nature, pour se mettre en résonance avec la totalité ; jouer l’allusion qui nous préserve de l’enfermement, à la manière de la déesse Athéna dont on dit qu’elle avait la vue la plus perçante de tout l’Olympe car elle regardait en diagonale pour ne pas être aveuglée par le sujet, et d’être ainsi toutes les époques et tous les territoires. Et cette totalité divine de la Nature, car parfaite et accomplie, ne souffre que de très peu d’égo. L’enjeu de ce travail n’était pas la négation de soi – sinon on serait resté chez nous –, mais davantage le désir, qui est une forme de conscience, de faire pour l’ensemble, la troupe.

La pluie nous redirigeait vers la salle-paquebot de l’Hostellerie pour créer des formes et les retraverser, avec le plaisir attenant de la machine-théâtre, entre objets, musiques et lumières. Refaire est un travail exigeant, car il ne s’agit pas de figer à travers des repères l’espace et les situations, mais bien de conserver l’esprit et son libre-arbitre. Deux formes ont donc été créées au cours du stage.

Consigne était donnée de venir avec des textes sus de l’auteur allemand Falk Richter. Des morceaux de Trust, Dieu est un DJ, Nothing Hurts, Sous la glace, Jeunesse blessée et Protect me, d’une extrême urbanité et où les glissements entre le Système et ses répercussions dans nos relations sentimentales sont décryptés, disséqués même, résonnaient avec les grandes familles de Tchekhov, les figures tragiques de Racine, ou encore la prose de Houellebecq…

Au cours de ces trois semaines, intenses, nous avons fait vibrer la matière, en jouant avec le plus grand, le plus éloquent comme le plus petit, le plus insignifiant. L’humilité fut don de grâce dans ce travail, pour que l’Art ne soit jamais en dessous de ce qui est, la vie.

(Arnaud Bourgoin.)

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« Sous couleur de religion / ils vont chercher l’or et l’argent / du trésor caché »



Benoît m’avoue – quel drôle de personnage ! – Philippe aussi, quel drôle de personnage, mais plus inatteignable… – que cette carapace qu’il a acquise pour faire des affaires (Benoît rachète et revend sans cesse des appartements de plus en plus beaux, de plus en plus luxueux, on en est – comme nous savons – à Miami), cette carapace, eh bien, lui pèse quand il s’agit de faire l’acteur. En effet, il voit bien que je demande l’ouverture et il voit bien qu’il n’y arrive pas – et il voit bien qu’il est venu ici pour ça, parce qu’il considère que cette carapace qu’il a acquise en affaire l’empêtre. Il me dit : « Je ne vais pas te lâcher. » (jusqu’à ce que je lui ai révélé les secrets). Je lui parle de l’haptonomie. Je lui parle de l’empathie. Je lui dis, c’est une évidence, que les hommes n’ont pas inventé la tendresse, que tous les mammifères l’ont, qu’on ment en ne parlant que de « la loi de la jungle ». Ce matin, j’ai confié la classe à Arnaud qui s’en va tout à l’heure. Ai-je déjà dit ici qu’Arnaud était doué d’un outil stupéfiant ? J’en parlais encore ce matin. Je disais : « Arnaud n’est pas qu’une tête, il est aussi… » « Un bras », a dit la Môme. « Un bras d’enfant de huit ans. » « Dans le bus, il paye deux tickets. » Etc. Etc. La soirée avait été arrosée. Déchaînée, m’avait-on dit. Sur le dancefloor, Philippe  méconnaissable. Tout le monde en sous-vêtements. Les gens du stage butoh s’étaient plaints. Une bacchanale avait surgi de caravane en caravane, une ribambelle Halloween, la « tournée des caravanes » avait culbuté le stage butoh. Je n’avais rien entendu. 

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Anne Issermann, Michel Jurowicz, photos Sara Rastegar.

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Belle-de-jour



Bébé du jour et de la nuit, j’écris ton nom. Il y a le Bébé du jour et le Bébé qui vient me visiter dans mes rêves, qui tache mes draps (si les écailles de sperme sur mon bras sont les miennes…) Bébé batifole de jour comme de nuit. Gentleman cambrioleur. (Il a les clés de toutes les enseignes – mais Jean Genet a très bien écrit sur Bébé…) Bébé dérobe, Bébé vole, Bébé, en pleine nuit, fait du bruit et rit très fort (« De rire très haut sa victoire »), Bébé est l’essence même de la poésie, il est possible que Bébé n’existe pas, il est possible que Bébé soit une nouvelle de Jorge Luis Borges… Je parle à Bébé et je m’adresse à Bébé pour vous le dire… J’écris dans la nuit… La nuit est pleine de ces ruines circulaires qui font la maison de Bébé 
– l’oiseau-Bébé, l’oiseau-faon, l’oiseau limpide, l’oiseau nu… 
Dois-je me dresser, me laver quand Bébé est venu me visiter en rêve ?
Ou dois-je dormir dans mes enfants ? Dans mes croûtes et mes enfantements ?

« Ah, mais tu dors avec tes livres… », m’a dit Bébé quand il m’a visité…



Maintenant, il y a toute une série de masques bruyants qui viennent me visiter. Je ne bouge pas. Ils s’éloignent. Bébé est si loin, si envolé, je suis avec lui…
Je reconnais les voix, les noms, Leïla, Geoffroy, peut-être Michel, Benoît… La phrase : « C’est louche. »
Maintenant, on met le feu à une caravane – ou bien ils sont tombés dans un trou. « Ça va ? »
La nuit contient, contient… et toi et toi – mais Bébé, l’oiseau-fleur est envolé, dérobé au soleil… nuitamment passé, dérobé, trépassé au soleil… – « Je suis saoule », dit Clément. 

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Photo Sara Rastegar.

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« On s’imagine savoir enseigner ; mais comment « désenseigner » ? »

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Clément Aubert.

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« Moi, j’essaie que tout ne soit qu’une plaisanterie ; la seule façon de voir sérieusement les choses, n’est-ce pas ? 
– Oui.
– Mais oui. »

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Le Blog



« Ce que je dis est entendu par une seule personne, le fait que cette seule personne ne soit pas la même, et qu’il y ait, disons, trois cents personnes, ou trente personnes, qui m’écoute en même temps n’a pas d’importance ; je parle avec chacune d’elles, non avec la totalité. »

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Nous ne sommes que deux



« Bien sûr, on peut toujours additionner des individus – on peut même additionner des gens qui se succèdent, des gens qui ne sont pas des contemporains – mais moi je pense : « Non, je ne suis pas en train de parler devant trois cents personnes, je parle à chacune de ces trois cents personnes. En réalité, nous ne sommes que deux ; tout le reste est illusoire. » »

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Art happens...



Art happens. L’art est une chose imprévisible. A quelques jours de se séparer, des choses surgissent. Des formes, c’est beaucoup dire, la naissance des formes – plus intéressant.
On se connaît et on ne se connaît pas. Mais.
Mais une confiance – évidemment – évidemment, c’est le mot et la chose – une confiance, on ne peut pas le nier, s’installe. Quelque chose roule tout seul. On me fout la paix. Je fais partie des meubles.
Mais ça travaille.
On me fait même confiance. Car ça travaille. On fait la différence entre travailler et ne rien foutre. On est forcé de reconnaître. On admet. L’imagination galope. Ça roule, ça se bouscule, c’est une question de pourcentage. Soit vous vous arrangez pour travailler au moins à cinquante pour cent, soit vous passez à côté. Ça ne passe pas à côté. En plein dedans.
Nous sommes nombreux. Une troupe infinie. Un milliers de moines, un milliers de religions. Je ne peux pas parler de tous, j’en perdrais en chemin. Un travail d’extrême haleine. Ce n’est qu’un blog, ici. Tout le monde, au cocktail (départ d’Arnaud), ne parlait que de ça : « La Môme, la Môme, j’ai regardé la Môme, je veux faire une scène avec la Môme, la Môme ceci, la Môme cela. » Mais la Môme (Geoffroy Rondeau), ça fait des jours et des jours qu’il creuse la même chose – aimer une chose suffit, a dit Peter Handke – plutôt que de changer à chaque fois, contentez-vous de peindre des pommes, mais de le faire bien (comme Cézanne). Creusez, creusez ce que vous aimez ! Faites de la place pour ce que vous aimez ! Vous ne savez pas que vous l’aimez : aimez-vous ! Je vous aime bien, moi – et je m’aime aussi. Et puis aimez vivre ; tiens voilà que je suis en train d’écrire la Lettre à un jeune poète ! Aimez vivre, c’est indispensable. 

Je m’excuse et aussi vis-à-vis de moi-même : je ne peux pas décrire ce qui est en train de naître. C’est naissant. On ne saurait que si le public le voyait. Moi, je sais, mais je ne peux pas le décrire.
Parlons d’autre chose. Je trouve affreux ce qu’il se passe dans le monde. Bernard Arnault. Ou la manière de le présenter. Ou toutes ces choses que je ne comprends pas.
Ce que je vois sous mes yeux, je le comprends. Je ne sais pas pourquoi, mais je constate qu’on me fout la paix. Au moment où ça naît, je vois que je le vois et que je le comprends. C’est réciproque.
C’est que je fous la paix aux autres – et à moi-même. « Cesser de faire le gendarme pour soi et pour les autres », disait Deleuze reprenant un slogan de mai 68. C’est dur, ça arrive quand les gens sont « à son affaire ». « Tout ça ne serait pas arrivé si les gens faisaient leur métier », écrivait Matisse à son fils au moment de la guerre. « Faisaient leur métier comme Picasso et moi faisons le nôtre. »
Sensualité de cette troupe, c’est tout ce que je peux dire. Ils vont me manquer. 

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La Môme



Geoffroy Rondeau.

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Confidence



J’écris ce que je veux lire sur  ce blog, je ne sais pas si j’écris pour les autres. Je ne sais pas si je n’ai jamais écrit pour les autres. Oui, pour quelques autres, la pensée d’un ou deux – mais, parfois, quand Audrey Vernon me dit « je lis ton blog », ça me bloque. Enfin… on ne peut pas échapper aux lecteurs… A moins de faire comme Christine, tenir son Journal Intime (mais ça lui donne des crampes mystiques)… J’aimerais mentir plus sur ce blog, j’aimerais que ce miroir reflète une vie meilleure. Je fais ce que je peux pour embellir. Que la fiction recouvre… visage s’efface… Promenade des platanes, j’écris encore ma liberté.
Vieille promenade et vieux platanes,
vieille vie, nouvelles im…

A été aimée



« Je crois que la beauté n’est pas autre chose que l’expression du fait qu’une chose a été aimée. Toute beauté de l’art ou du monde trouve son origine dans le pouvoir de rendre un amour intelligible. »

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Benoît téléphonant à son agent immobilier à Miami



Benoît Izard.

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Je m'occupe / Tout va le mieux



Je repense souvent à Je m'occupe de vous personnellement, à la grâce des acteurs qui nous ramenaient vers l'homme, à la grâce des instants qui nous révélaient le temps, à la beauté des apparitions s'étirant, se suspendant, se prolongeant jusqu'à l'image, des images qui continuent de ressurgir bien après la représentation – comme on se souvient d'un rêve – et sur lesquelles on peut revenir, s'attarder ; quand nous sommes si souvent précipités dans des profusions visuelles qui passent par un œil et ressortent par l'autre, cela fait du bien.

Rémy Yadan, avec lequel je travaille depuis plusieurs années (vous avez vu à Marseille un spectacle dans lequel je jouais : Tout va le mieux qu'il soit possible) m'a communiqué votre adresse et je me permets aujourd'hui de vous envoyer ce mail pour vous dire mon enthousiasme et mon désir de vous rencontrer.
En espérant vivement vous voir bientôt, je vous souhaite une agréable semaine, un beau début d'automne.
Bien à vous,

Diane Regneault

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