Wednesday, October 17, 2012

Nice pic




Ce soir, demain et après-demain, reprise de la pièce de Loïc Touzé et Latifa Laâbissi – pièce qui aurait dix ans, ce qui me rajeunit nettement comme on peut voir sur cette photo datée de cet été en Corse – la pièce s’intitule : Love. C’est au CND, grand studio, à Pantin, métro Hoche (puis descendre la rue Hoche), 20h30. (Photo Sylvie Coumau.)

Pantin / Colombes



Comment allez-vous, monsieur ?
– Pas génial, j’ai peut-être une hépatite, j’attends les résultats… Mais que ça ne vous désole pas, madame !
– J’y crois pas du tout. Ils ont dû mal faire leur calculs. Ils se gourent tout le temps, les docteurs. T’inquiète pas. Je suis absolument contre.
– C’est-à-dire, j’avais un vague espoir, parce que, si c’est pas l’hépatite, c’est pire, c’est la MORT. On va voir… (Encore faut-il croire en la mort, vous avez raison, madame.)
– Il est hors de question non plus ! N’importe quoi !
– Bon, bon… Et vous, à propos, vous allez bien ?
– Je vais mieux. J’ai été dans les affres du manque et du chagrin d’amour, mais je m’en sors… Et demain j’ai rdv à Colombes grâce à vous…
– Ah, le chagrin d’amour ! Encore faut-il y croire… (Mais je comprends...) Vive Colombes ! (Mais je n’y serai pas car, moi, c’est Pantin, demain...)

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The sweet, sad passage of time




Je suis dans un château. « Enfin, nous pourrions dire que le sentiment romantique est un sens aigu et pathétique du temps, que ce sont des heures de délectation amoureuse (Bébé), l’idée que tout passe *, le sentiment profond des automnes, des crépuscules, du passage de nos propres vies. » Oui, il y a ces fantômes, ces tricheries (les hommes ne sont-ils pas des fantômes ?) et l’appel des animaux, l’appel de la nature, la grande souffrance résonante du chien qui pleure et des glands qui tombent… Je suis dans un château, c’est un tombeau, c’est une pyramide. C’est un bâtiment si puissant, si massif, une forteresse amassée, échouée là, sur les bords du Nil... Le fleuve des fleuves, le fleuve magique... Le « père des eaux » qui, justement, passe par là, sous mes fenêtres, les fenêtres de la tour septentrionale, celles que vous voyez et que vous ne voyez pas car il faudrait soit être un oiseau (ce que vous êtes certainement) et les regarder de la forêt comme le font les oiseaux invisibles, soit nager dans le fleuve comme le font les dauphins – pour les voir et y voir mes larmes couler comme la pluie ou la mer absente de tout bouquet : l’amitié ne suffit pas.



Le barrage. Le barrage forme un miroir tout à fait romantique dans cet endroit du Tarn. Il immobilise quasiment le Tarn, dans cet endroit. C’est un miroir de grande qualité aussi bien de ma fenêtre – il reflète le ciel et même, exactement, ce que je ne vois pas du ciel – que quand je m’y noie. Alors l’image est très moderne et à peine déformée (en couleur). Plus nette et sereine que le sang du Christ !






* Bébé, hélas...

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U ne page capitale de Borges recopiée ici à l’intention des stagiaires (du stage annuel – et particulièrement glorieux cette année – « Jouer Dieu »)



« Il existe une école philosophique indoue qui prétend que nous ne sommes pas les acteurs de notre vie, mais ses spectateurs, et qui évoque, pour l’illustrer, la métaphore du danseur. Aujourd’hui, il vaudrait peut-être mieux se référer à un acteur. Un spectateur voit un acteur ou un danseur, ou, si vous préférez, il lit un roman et il finit par s’identifier au personnage qu’il a toujours sous les yeux. Eh bien, ces penseurs hindous qui vécurent avant le cinquième siècle de notre ère ont dit exactement la même chose. Et c’est ce qui nous arrive à nous aussi. Moi, par exemple, je suis né le même jour que Jorge Luis Borges, exactement le même jour. Je l’ai vu dans des situations parfois ridicules, parfois pathétiques. Et comme je l’ai toujours eu sous les yeux, je me suis identifié à lui. Cela signifie, selon cette théorie, que le moi serait double : il y a un moi profond, qui s’identifie à l’autre, tout en restant séparé. Je ne sais quelle expérience vous en avez, mais en ce qui me concerne ça m’est arrivé de temps à autre, surtout dans deux types de circonstances opposées : quand il m’est arrivé qqch de particulièrement heureux et, surtout, quand il m’est arrivé qqch de particulièrement malheureux. L’espace d’un instant, j’ai pensé : « Que m’importe, après tout ? C’est comme si tout ça arrivait à un autre. » Bref, j’ai senti qu’il y avait qqch au fond de moi qui restait extérieur à tous ces accidents. Et Shakespeare a dû le ressentir lui aussi, car dans une de ses comédies il y a un soldat, un soldat couard, le miles gloriosus de la comédie latine. Cet homme est un fanfaron, il fait croire aux autres qu’il s’est comporté avec vaillance, on le promeut, on le nomme capitaine. Finalement, sa tricherie est dévoilée et, devant toute la troupe, on lui arrache ses insignes, on le dégrade. Alors, il se retrouve seul et dit : « Je ne serai pas capitaine, mais cesserai-je pour autant de manger, de boire et de dormir comme avant ? » « Je ne serai pas capitaine », mais simplement « the thing I am shall make me live », « la chose que je suis me fera vivre ». Autrement dit, il comprend qu’au-delà des circonstances, au-delà de sa lâcheté et des humiliations, il est autre chose, il est cette espèce de force qui est en nous et que Spinoza appellerait « Dieu », Schopenhauer « la volonté », Bernard Shaw « la force vitale » et Bergson « l’élan vital ». »

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