Tuesday, October 23, 2012

Dernières lueurs du château (2)



J’ai aperçu aussi un oiseau jaune citron, comme ça, pas les ailes, très rapide, très beau, les ailes bien détaillées – et je crois savoir son cri… Comme ils se cachent (dans la forêt), ces oiseaux mordorés…






« Ce chevalier est en train de mourir, il a fermé les yeux pour mourir, il meurt dans son vaste lit et, au pied du lit, il y a une fenêtre. Et par cette fenêtre, il voit sa rivière et les bois, ses bois. Soudain, il sait qu’il doit ouvrir les yeux, alors il les ouvre et voit « a great God’s angel », « un grand ange de Dieu ». cet ange, cet immense halo, cet ange gigantesque est en plein lumière. Et la lumière qui le baigne fait que ses paroles sont comme des ordres divins. L’ange a dans ses mains deux toiles, chacune au bout d’une baguette. L’une des deux, la plus vive, est rouge, écarlate. L’autre, un peu moins vive, est longue et bleue. L’ange demande au moribond d’en choisir une. Le poète nous dit que « no man could tell the better of the two », « personne n’aurait pu dire laquelle était la meilleure des deux ». L’immortalité de son destin dépend de son choix, il n’a pas le droit de se tromper. S’il choisit « the wrong colour », il ira en enfer et, s’il choisit la bonne, au Ciel. L’homme réfléchit une demi-heure. »






Est-ce que j’aurais dessiné un portrait de moi pendant ce séjour de chevalier blessé ? A la manière de Wallace Stevens : « Soient donc ces portraits : / Un vestibule sombre ; / Un lit à baldaquin. » Le dehors, le dedans, vous l’avez perçu ? Ce choix atroce… « Ah Christ ! If only I had known, known, known. »






« L’homme réfléchit une demi-heure. Il sait que son sort dépend de ce caprice, de cet acte en apparence capricieux et, après avoir tremblé pendant une demi-heure, il répond : « Que Dieu m’assiste, le bleu est la couleur du Ciel. » Et l’ange lui dit : « Le rouge », et l’homme sait qu’il vient de se condamner pour toujours. »

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Désert de Bébé



Agatha Christie, dans un livre que j’ai trouvé ici, Passager pour Francfort, s’adresse au lecteur dans une petite introduction avec la désinvolture de Françoise Sagan, le même bonheur de « je sais à qui je m’adresse » auquel je joue moi-même souvent (avec forcément plus d’amertume…) Une phrase drôle dans « Le Figaro Magazine » : « Venise, on la connaît ou on croit la connaître, on y est venu en voyage d’amour ou de découverte. Mais on a toujours envie d’y revenir, d’explorer encore et encore tout ce que les snobs (ou les envieux) appellent « clichés », mais qui sont des marqueurs de mémoire. » « Marqueurs de mémoire », c'est trop drôle ! Juste après « snob », en plus. Vraiment, il y en a qui s’amuse ! Peut-être que j’ai choisi ce titre parmi beaucoup d'autres à cause de Falk Richter dont j’ai lu le texte très triste plusieurs fois ce matin. Au bout de quelques pages, il y a une citation de Chesterton : « Je voudrais aimer la Race humaine, / Je voudrais aimer son stupide visage. » Je crains de devoir le dire : je m’aperçois que Bébé ne me manque pas. Non, ce que j’ai vécu d’histoire d’amour a toujours été – profondément – avec des femmes. Le reste du temps, c’est l’amitié et qu'on me fiche la paix ! Je ne me suis jamais disputé avec un garçon comme Falk et Arnaud le font. Il faut, pour moi, une opération mentale pour imaginer… Malheureusement, avec des filles... Oui, à Venise, la dernière fois… terrible… Un oiseau hésite à entrer ici, avec un petit cri épouvanté quand il me voit… Allons ! Aucun de mes amis ne me manque quand j’ai des livres. Je viens de trouver aussi des Selected Poem de Keats, en bilingue. Il dit – dans un Hymn to sorrow (un chagrin qu’il féminise, lui aussi) :



« To sorrow,
I bade good-morrow,
And thought to leave her far away behind ;
But cheerly, cheerly,
She loves me dearly ;
She is so constant to me, and so kind :
I would deceive her,
And so leave her,
But ah ! she is so constant and so kind. »



Des oiseaux extrêmement beaux sont tout près de ma fenêtre. Le corps est jaune-orangé, pas les ailes comme gantées… Ils disent beaucoup de choses… Qu’est-ce qu’il se passe ? Je n’ose bouger et laisse entrer les insectes, les mirages… Oh, c'est magnifique ! C’est des petits oiseaux de proies (je cherche le mot féminin), tachetés sous le dessous. Qu’est-ce qu’il veut, ce couple ? Ils geignent quand ils passent près de ma fenêtre… (Pour les voir, je m’étais caché derrière l’autre fenêtre.) Mais, mes bébés, je suis avec vous… Quelle est votre histoire ? Voyageurs de toutes les dimensions… Falk, Arnaud, je vous souhaite dans votre vie « amour insouciant » comme il est dit dans ce poème :



« WHEN I HAVE FEARS

When I have fears that I may cease to be
Before my pen has glean’d my teeming brain,
Before high piled books, in charact’ry,
Hold like rich garners the full-ripen’d grain ;
When I behold, upon the night’s starr’d face,
Huge cloudy symbols of a high romance
And think that I may never live to trace
Their shadows, with the magic hand of chance ;
And when I feel, fair creature of an hour !
That I shall never look upon thee more,
Never have relish in the faery power
Of unreflecting love ! – then on the shore
Of the wide world I stand alone, and think
Till Love and Fame to nothingness to sink. »



Et Chesterton : « Delight bordering on the edges of nightmare ».

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