Thursday, January 24, 2013

Saint Genod


Céline Germès.

L’Enseigne


« Plus vous descendez en vous-même, plus ça devient anonyme. (...) Vous savez que là où vous êtes sont aussi les autres. Notre existence n’a de sens que parce que nous la partageons avec les autres, n’est-ce pas ? Sans s’en rendre compte. Mais ce point-là d’extrême intimité bascule dans une certitude que c’est la même chose pour les autres. (...) Nous sommes tous logés à la même enseigne, mais encore faut-il découvrir cette enseigne. »

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C'est gentil ! — et, bien sûr, comme tu le sais, j'adore les citations.
Je te remercie aussi beaucoup pour les envois des bulletins de « Global Europe Anticipation ». Je ne comprends pas toujours tout, loin de là, mais ils me mettent en contact avec un son de cloche différent que le tout venant des journaux que je lis. 
Il y a une chose à laquelle tu pourrais m'aider. Je cherche à tourner un film qui aurait des composantes érotiques. C'est parti d'une comédienne (du spectacle de mars dernier à la Ménagerie de Verre, Chic by Accident) qui m'a dit un soir, sur le trottoir, qu'elle aimerait bien faire qqch sur le sexe. Cette demande n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd, mais, pour le moment, je n'ai pas pu la mener à bien parce qu'il me manque un lieu. Je cherche — il faut que ce soit sur Paris parce qu'il n'y a pas un sous — un très beau lieu, un très bel appartement, idéalement le plus vide possible, de très grand luxe. Ce que je veux vraiment éviter, ce sont les masses de bibelots (tu sais, tout ce qui ne donne pas envie d'être riche, le surchargé). Je veux le vrai luxe qui est, je ne sais pas si tu es d'accord : rien dans les poches, rien sur les murs. Des espaces. Purs. Des matières, ultra riches ou brutes, communes — ou mélangées — qui sont la sculpture même de l'espace, de l'air, du silence et pas son remplissage. Bref, je voudrais faire un spectacle... de moi !, comme d'habe (c'est-à-dire en rapport avec la solitude), mais avec la possibilité, cette fois, d'aller plus à l'extrême (de l'érotisme ou de la « vie », peu importe comment on appelle ça) puisque, tout d'un coup, une comédienne que j'aime se sent disponible pour cette recherche. (Pour les hommes, ça se bouscule toujours plus au portillon...)

Je t'embrasse, 

Yves-Noël

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Français / allemand


« Les mots français ont cette grâce que quiconque n’a pas fait de linguistique ne sait pas ce que ça veut dire. Donc ça leur confère une espèce de, oui, de noli me tangere, ne me touche pas, de distance qui est merveilleuse. (...) Je suis saisi par l’extraordinaire amplitude du français. Le français est à la fois une langue d’une exceptionnelle clarté et d’une exceptionnelle opacité. Il y a toujours un contexte émotif derrière, il y a une espèce de vibration mystérieuse, un sous-entendu qu’il y a dans tous les mots simples allemand de la même manière, mais plus dans les compositions verbales. Et le français, grâce au recours perpétuel qu’il fait au grec et au latin, a conservé cette espèce d’aura. Le mot « trouble », par exemple. Y a des tas de mots, « quiétude » ou bien « déréliction »... Y a des tas de mots, comme ça, qui sont tout à fait étonnants, une espèce de mystère. (...) Je vis dans la comparaison constante de mes 2 langues maternelles. J’ai cette chance d’avoir vraiment ces 2 langues qui sont des langues d’enfance. » 



« Vous savez, le français est une langue éminemment mystérieuse. C’est une langue d’une extraordinaire clarté et plus c’est clair plus y a de l’émotion derrière. Il y a une espèce de fond velouté étrange. C’est une langue du soir. L’allemand est une langue du matin, (...) une langue verte orientée vers le soleil levant et le français est une langue du soir, de la conversation devant une grande fenêtre ouverte, le soleil couchant. Il y a une espèce de trouble profond dans cette langue qui m’a conduit, par cette espèce d’extraordinaire propriété des mots français, à pouvoir suivre cette solitude (...), cette espèce de ligne de la promenade solitaire. Les Rêveries du promeneur solitaire, qui sont un des très, très grands livres qu’on n'ait jamais écrit, est au fond un livre sur la langue française, sur la façon dont cette langue étrange se promène dans l’espace. Je crois au mystère des langues. Et le mystère des langues, c’est justement le fait que chaque langue a ses solitudes. L’allemand à la solitude de Karl-Philipp Moritz et de Kleist, une solitude beaucoup plus taillée, beaucoup plus prise dans le roc, une solitude pénible, dure, dramatique. C’est magnifique, d’ailleurs, extraordinaire. A une exception près, c’est l’admirable « propre à rien », le Taugenichts de Joseph von Eichendorff. Cette admirable histoire de ce jeune homme qui avec son petit violon se promène jusqu’à l’Italie, ce qui est une exception extraordinaire dans la littérature allemande. D’habitude les solitudes sont laborieuses, pénibles, alors que les solitudes françaises ont qqch de souverainement détaché. C’est des solitudes de pays riche. Il suffit de suivre Jean-Jacques Rousseau littéralement de pâtisserie en pâtisserie. Le nombre de pâtisseries qu’ils y a dans Les Confessions est surprenant. Ou de gens qui mangent à leur faim. Alors que l’Allemagne avait, à cette époque-là, sombrer dans une misère épouvantable issue de la guerre de 30 ans. Et pourtant c’est la même solitude. Et on revient à la différence entre Moritz, Anton Reiser, et Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, une solitude, je dirais heureuse, orange, de couleur riche et une solitude bleue dans la pénibilité de la naissance. »



« La richesse des langues commence là où elles s’arrêtent. »

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Un titre pour La Java


Plafond sans étoiles

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