Monday, March 18, 2013


« Il fallut qu’une jeune fille, fréquentée par désarroi et désespérée de mon indifférence, me soufflât, comme la seule chose qu’elle pût encore me donner, que j’étais poète, que je devais consacrer mes forces à mon chant intérieur, dussé-je ne jamais écrire un vers, mais chanter ma vie, l’ordonner sur les modulations d’un chant sacré que mon travail consistait à découvrir... »

Labels:

J’ai reçu un poème


Objet : This is not a love song

Avignon de toi fait pleurer
Les gens en retard pleurent
Comme les gens qui quittent / se séparent
Ton lit est parfait dans chaque maison
Ton amour est humble / en retrait
Tes nouvelles traversent tes morts et tes vivants et tes absents
Je fume comme un automatisme de poupée-kantor parce que le théâtre rend malade
Même si le théâtre est beau (plus souvent que méchant)
L'apocalypse est collective, et la tragédie universelle
Toi tu te promènes dans les dunes

Labels:

Le Livre fascinant ou le livre qu’il ne fallait pas lire



A la Ménagerie de verre, j’avais trouvé un livre, un ancien livre de P.O.L., de 1989, très beau (j’en lisais les premières pages). Je demandais à Hubert Colas s’il connaissait cet auteur que je ne connaissais pas et qui dégageait, par cela même, un rêve : était-ce qqch, était-ce rien ? J’espérais, bien sûr, que je découvrais qqch qui était rien. A l’heure du tout information, du tout explication, c’aurait été inespéré — mais ça peut encore arriver avec les livres. J’avais découvert Stéphane Bouquet, ainsi, déjà, à la Ménagerie de verre, et, chez Hélène, en Bretagne, n’ai-je pas redécouvert Max Jacob comme s’il sortait de rien ? A notre époque, on découvre encore les livres — on peut les découvrir — parce qu’on a refusé, même pendant des années, d’en entendre parler : non, je veux le découvrir, moi ! Je ne veux pas que l’on me dise ce qui est bien. A Hubert Colas non plus, cet auteur ne disait rien. Soit Hubert Colas n’y connaissait rien, soit cet auteur n’avait vraiment que peu existé (avait disparu), soit un songe, une magie, nous entourait tous les 2, Hubert Colas et moi, pour ne pas savoir. Comment dit je ne sais plus qui ? — « l’impalpable et protecteur brouillard de la mémoire »... Bref, le livre, je l’emportais. Et j’en poursuivais la lecture. Mais maintenant la lecture a changé — elle n’en est pas devenue moins miroitante — car j’ai vu sur internet qui était l’auteur et quel salaud il était. J’ai vu que c’était LUI ! J’ai vu le mal. Et je lis La Chambre d’ivoire comme un livre épouvantablement nazi. C’est très beau, la langue française est pure, pure comme l’extrême-droite. Après tout, Marguerite Duras n’aimait-elle pas Robert Brasillach ? Et moi-même n’ai-je pas aimé... n’ai-je pas aimé à la folie qq que vous connaissez et qui a eu peur, à un moment, que les mots « papa », « maman », « fille », « garçon »... disparaissent, qui a eu peur que la langue française disparaisse... Il y a beaucoup plus d’écrivains d’extrême-droite qu’on ne croit. On ne peut pas nier que ce soit une réalité.



« mais le vide intérieur, cette ombre, cette nuit qui nous habitent et à quoi les hommes ont d’ordinaire tant de peine à s’accoutumer. »

Labels:

Beau comme un lac


Thibault Lac
Alors, voilà. 
Je sais plus très bien comment ça a commencé. 
Ça fait un moment déjà, en fait, mais là, il y a quelques jours, je me préparais à me faire opérer de l'oeil, un astigmatisme récalcitrant qui nécessitait une énième intervention. (L'opération, c'est quelque chose. Ou plutôt, ça va vite, mais après, ça dure : on est dans le noir complet pendant plus de 48h, on dort, puis quand on dort plus on attend que ça passe, on peut rien faire.) L'expérience aidant, je me suis préparé en amont. J'ai mis mes papiers en ordre, envoyé les derniers messages. Un peu comme si je me préparais à mourir. Ok, c'était plutôt une hibernation, et quand bien même, plutôt courte. Mais quand même. Il faisait froid pareil, et surtout ça fait réfléchir. Je m'étais dit que je t'écrirais avant de me faire opérer. 
Évidemment, je l'ai pas fait. Et ça faisait un moment que je l'avais pas fait, parce que ça faisait un moment que j'y pensais. Mais là, cette fois, ça m'est resté en travers de la gorge, ou en travers des pensées, plutôt. « Ah, c'est con, j'ai pas écrit à Yves-Noël. » Je voulais t'écrire comme on jette une bouteille à la mer, et puis moi j'aurais été loin (et aveugle) pendant un moment. J'aimais presque bien ce scénario. Au lieu de ça, j'ai pensé au fait de pas l'avoir fait. 
Bref. J'ai un peu la sensation d'être la blonde au bois dormant qui s'éveille, toute seule, qui a pas beaucoup dormi, assez mal même, qui a les yeux qui piquent, qui y voit flou. Et qui se rend compte qu'il n'y a pas grand-chose qui a changé (ses yeux peut-être, et encore, on croise les doigts).
Une chose est sûre, on approche du 1er avril, et justement, à Bruxelles, c'est un spectacle qui m'avait marqué.
Je ne sais pas si tu te rappelles de moi. On s'est déjà rencontré, ici et là. Je te lis un peu, je te fréquente sur Facebook, je connais sûrement très mal ton travail, mais je crois que j'y suis sensible. Ça me rend très curieux. Il faudra que t'excuses le tutoiement, ce message qui sort de nulle part, etc. Mais... comment dire ? Ça me dirait vraiment de travailler avec toi.
Tu sais, je viens du monde de la danse, où il y a des calendriers et des machins, des choses qui prennent du temps, qui donnent parfois l'impression de passer à côté de l'essentiel. On dirait que le Saint-Esprit a besoin d'un peu d'inspiration pour ses opérations, ces temps-ci (cf le pape), alors voilà. De toute façon, ça fait belle lurette que je ne l'y crois pas pour beaucoup dans les belles rencontres ! 
Je serai à Paris en fin de semaine et on joue à Lille avec quelques acolytes dimanche prochain quelque chose qui, je crois, vaut le détour.
Quoi qu'il en soit, ici ou là, on se verra bientôt.
Bonne nuit,
à plus tard,
T






C'est gentil de prendre le temps de cette longue lettre (pour l'époque et le medium). Il se passe un phénomène pour moi, c'est que je n'ai plus de travail. Il faut tout inventer. Voyons-nous à Paris avec plaisir. Dis-moi quand tu es là. Pour Lille, faut voir, je promets rien... Bonne night

Labels: