Monday, June 30, 2014

O ui, il est beau


S tage lyrique


Bonjour Nathalie, bonjour Jean-Yves,

Pas très réactif sur la proposition de novembre dont nous avons discuté (avec Nathalie) au tél., mais c'est à cause d'être très occupé (et préoccupé) par le spectacle d'Avignon et pas faute d'y penser...

Titre du stage : Leçon de liberté (ou au pluriel, comme vous voulez)

Stage à destination des chanteurs lyriques, mais pouvant accueillir, en moindre proportion, des musiciens (d'un instrument ne nécessitant pas de s'installer (sur une chaise), mais permettant à la personne d'être libre de ses déplacements), danseurs, circassiens (on les aime, ils sont rares !) et comédiens... Mêler donc les chanteurs choyés à d'autres interprètes car l'un des buts du stage, c'est — cet apprentissage de la liberté — l'apprentissage du métissage... « Tout-monde », dit Edouard Glissant et, en effet, il faut « glisser » d'une frontière à l'autre. Nous voulons les frontières, dans ce monde du tout connecté — sinon nous n'aurions qu'une seule et même saveur, mais nous voulons traverser ses frontières. Claude Régy m'avait dit une fois  — c'est quelqu'un qui invente tous les jours des définitions nouvelles du théâtre puisque c'est sa passion —, il m'avait dit que, pour lui, le théâtre était le passage d'un instant à l'autre. Et en effet, c'est une question de seuil. Se tenir sur le seuil, passer les seuils en conscience, se laisser dériver, mais, en conscience, ressentir la violence et la douceur des seuils (douleur aussi, car on perd à jamais l’instant que l’on quitte), l'été, le printemps, les saisons, les sables, les mers, la myriade...  « En fait, un fait ne traduit pas ce que l’on fait, mais ce que l’on ne fait pas. » (est-il entendu dans le dernier film de J-L Godard, Adieu au langage, film d’amour des citations et d’un chien). On s’intéressera, dans ce workshop, à tout ce creux, ce vaste univers de tout ce qui n’est pas l’action visible, le chant. Bien sûr, tout cela contenu dans la musique, déjà, c’est là sa magie irrépressible, mais il n’y a aucune raison de ne pas s’y abandonner tout entier, c’est-à-dire de toute sa présence. Et cette présence au monde est totalement indépendante de la technique, comme l’a toujours fait remarquer Pina Bausch, par exemple, ou comme l’exprime aussi la lettre d’un ami, Marc Sollogoub, à qui j’avais demandé son avis et que je vous fais suivre (il y aurait sans doute des formulations à reprendre). Bien entendu, on espèrera rencontrer des stagiaires de bonne technique, c’est-à-dire d’une technique ne posant pas problème — puisqu’il s’agit d’autre chose. Il est attendu des stagiaires une grande ouverture d’esprit, la joie et le goût du jeu, la capacité de chanter a capella des airs de son propre répertoire et d’improviser avec les autres. Ce workshop vise non pas l’invention, mais l’épanouissement de qualités (humaines…) qui sont déjà là, pas à les acquérir. Science de l’intention, lumière de rêve, floraison... « La scène est une place ouverte dans une lumière claire. Pour commencer, il y en a un qui s’enfuit rapidement. Ensuite, venu de la direction opposée, un second. Ensuite, deux, se croisant, chacun suivi, à courte, invariable, distance d’un troisième et d’un quatrième, dans la diagonale. »* Penser au cinéma. « Dans la nature, tout se passe de manière infime. Juste penser que son visage se transforme. L’inconscient est là, tout le temps. Ce qui transparaît quand tu ne fais rien, c’est là tout le temps, c’est la matière première de l’image. » Ce qui est proposé, c’est de mettre en rapport le déferlement des images (« Nous sommes faits de l’étoffe des songes ») avec la perception (de l’espace et de la vie réels), cette lumière particulière qui fait que nous sommes de ce monde et d’un autre, ni de ce monde ni non plus d’un autre, mais, disons, paradoxaux soleils de minuit... Etre et ne pas être.

Le workshop s’adresse en priorité aux chanteurs lyriques et aux musiciens d’un instrument portable, violon, trompette, flûte, hautbois, bandonéon, etc., c’est-à-dire permettant de jouer debout et de se déplacer. Il est proposé aussi, dans une proportion moindre, mais pour la rencontre nécessaire et les mélanges, aux comédiens, danseurs, circassiens...

Le workshop — que je dirigerai d'une manière poétique (Le Maître ignorant...) — s’effectuera aussi avec l’aide de deux intervenants, l’un plus techniquement de culture musicale (non encore choisi) et Benoît Pelé, l'artiste du son avec lequel je travaille depuis plusieurs spectacles à créer des « opéras immobiles », les opéras du « Tout-monde » pour reprendre un concept d’Edouard Glissant, penseur du métissage, de « l'effacement des absolus de l’Histoire (du monde lyrique) au profit des histoires des peuples relatives et en relation, de la créolisation et des poétiques diffractées »On cherchera à ce qu'il s'effectue dans un lieu particulièrement beau, c'est-à-dire un espace, poétiquement un espace ; l'acoustique, en particulier devra être une grâce, une chance. On sera attentif aussi à la lumière, « Il y eut un soir, il y eut un matin », à des variations simples, au fait que ce lieu s'ouvre si possible à la lumière du jour.   



* Peter Handke, L’Heure où nous ne savions rien l’un de l’autre

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« Le Léthé coulait avec lenteur et silence : c'était, disent les poètes, le fleuve d'huile dont le cours paisible ne faisait entendre aucun murmure. Il séparait les Enfers de ce monde extérieur du côté de la Vie, de même que le Styx et l'Achéron les en séparaient du côté de la Mort. La porte du Tartare qui ouvrait sur cette rivière était opposée à celle qui donnait sur le Cocyte. »

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L a Vulgarité du samedi — Que fais-tu ce soir ?


Je suis assis sur les marches de l'hôtel particulier — celui de Thimothy — où j'ai joué l'année dernière, en face du théâtre. De temps en temps, chie un pigeon. Jusqu'à maintenant, je n'ai eu que des éclaboussures. J'apprends mon texte (il y a un début à tout !)  comme les jeunes qui passent les concours d'entrée dans les conservatoires... Je suis concentré. Je regarde passer les gens dans la rue comme dans une ornière. Je les vois de loin, de près et encore de loin. Quand j'avais visité la prison Sainte-Anne où a lieu en ce moment une exposition d'art contemporain (la prison qui a été la plus vétuste de France est désaffectée), quand j'étais ressorti, j'avais ressenti la ville d’Avignon, ses labyrinthes, son « champs clos », comme une prison autour de la prison. Mais je me sens bien dans cette prison. « Il me semble parfois que mon sang coule à flots / Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots. » Je loge au bord des remparts et la porte des remparts donne sur le fleuve et la verdure de l'autre côté du fleuve. Le théâtre accueille des Taïwanais. L’un joue du diabolo. Mais, maintenant, on entend du bout de la rue les hurlements du match Brésil-je sais quoi, le théâtre est fermé et je suis sur le bord. J'apprends à lire avec Charles Baudelaire. Le fleuve me passe à travers les veines. Je suis seul, inaccessiblement seul. Sans douleur, comme un prisonnier heureux.

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A 48mn45s


Voici un extrait — ds l'émission d'Aurélie Charon — du texte Rester vivant qui donne son nom au spectacle d'Avignon, texte que vous n'entendrez pas ds le spectacle car la personne qui devait s'occuper des droits ne s'en est pas occupée. A la place, vous vous avalerez des poèmes de Baudelaire à la chaine ! Bon, y a pire comme punition (comme torture)... Mais, attention, c'est dans le noir ! Ah, ben oui, interdit — au moins — aux claustrophobes ! (Alice ou Dominique, par exemple, ne pourront pas venir et c'est bien dommage, mais je serai sans pitié...) 

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