Sunday, November 02, 2014

« AIME
CE QUI T’ECHAPPE,
AIME
CE QUI S’EN VA,
AIME
QU’IL S’EN AILLE. »

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Q q réponses types à un questionnaire non paru


Votre travail se démarque fortement d’une création française historiquement marquée par la force du texte littéraire, la rationalité, la quête de sens. 

Yves-Noël Genod : C’est le spectateur qui peut me renvoyer le sens : je ne le connais pas. Un jour, à la question « Avez-vous un conseil à donner à un jeune romancier ? », Michel Houellebecq a répondu : « Ne jamais oublier que le lecteur fait 50% du travail ». À ce moment-là, c’est au spectateur de donner la « contre-clé ». Si le spectateur est actif, créatif, cette contre-clé sera d'ailleurs encore une question. Pas une réponse. Une question qui s’adressera encore à un autre. Et ainsi de suite. Ce mot de « contre-clé » est employé par le plus ancien poète médiéval connu en langue occitane, le troubadour Guillaume IX de Poitiers. Dans un de ses poèmes, il explique que ses vers ne seront ni sur les femmes ni sur l’amour ni sur la jeunesse ni sur ça ni sur ça ni sur rien. « Je les ai trouvés en dormant / Sur mon cheval (…) Et les transmettrai à celui / Qui les transmettra à un autre / Là-bas, vers l’Anjou / Pour qu’il me fasse parvenir, de son étui / La contre-clé. » Cela signifie que le poème « vide » (vide de sens et même d'images), « rêvé » (sur un cheval) est adressé à une personne — lecteur, auditeur — qui en donnera — seulement peut-être même si elle le transmet elle aussi — la signification. Je souhaite que mes spectateurs me donnent cette contre-clé. C’est peut-être pour ça que c’est parfois difficile de les faire venir… parce qu’ils vont travailler beaucoup dans mes spectacles ! Enfin, « travailler »... C’est un jeu avec soi-même, sa mémoire, ses souvenirs enfouis. Il ne peut pas y avoir d’échange d’une autre manière : il faut que le spectateur parvienne à fabriquer son propre spectacle, son propre questionnement, absolument personnel. Je ne suis là que pour suggérer, aider à ce que cela se produise. Mon travail est en fait un travail de spectateur, de premier spectateur. Les interprètes me font confiance comme on fait confiance à un œil extérieur, pas plus, peut-être.




Feriez-vous vôtre cette formule d’Antoine Vitez, « faire théâtre de tout » ?

Yves-Noël Genod : Oui, tout à fait. Antoine Vitez avait une intelligence incroyable du théâtre (et de tout, d’ailleurs) et voulait qu’il ne soit limité par rien. Par exemple, il a mis en scène l’Evangile selon Saint Jean car il pensait qu’il ne fallait pas laisser les textes sacrés uniquement aux croyants. On ne doit pas s’enfermer dans le théâtre. Je pense même que pour faire du théâtre, il faut sans doute tuer le « théâtre » : le théâtre doit être vivant ! Même si, malheureusement, je pense qu’il n’est plus vu que par les vieux et les riches aujourd’hui... « Faire théâtre de tout », c’est, pour moi, mêler les formes artistiques : la musique, la danse, la littérature. Au début de mon parcours, je voulais changer de genre à chaque nouvelle création et expérimenter des formes les plus différentes possible. Je passais du cabaret musical au one man show, de la tragédie à la comédie, cirque, marionnettes, diaporama. J’essayais de tout faire. Je répondais à des commandes que souvent je me passais à moi-même. Les 2 seules choses que je n’ai jamais faites, c’est de monter une pièce classique — parce qu’il faudrait un vrai travail de dramaturgie, du temps, une vraie production — et un ballet (mais je ne désespère pas). Et puis, au bout d’un moment, j’ai réalisé que ce n’était aussi toujours qu’une seule et même pièce à chaque fois renouvelée. Mes spectacles, on a pu dire, sont des « cérémonies secrètes d’une religion inconnue liée à la beauté »… Je ne limite pas le théâtre à un genre. Il est musique, peinture, poésie... Un art de la méditation, de la contemplation. Mon spectacle, 1er Avril, présenté aux Bouffes du Nord en avril 2014, par exemple, a beaucoup plu au peintre Bruno Perramant qui l’a vu 3 fois (j’en suis très fier). Je trouve que les théâtres, s’ils sont beaux — et celui des Bouffes du Nord, création absolue de Peter Brook, l’est plus que tous — sont des espaces de recueillement, comme des temples… Tout ça n’est pas nouveau, Klaus Michael Grüber, qui a très peu parlé, l'a pourtant dit plus que les autres : « Il faut que le théâtre passe à travers les larmes… »



Qu’est ce que vous avez gardé dans votre travail de l’influence de Claude Régy ?

Yves-Noël Genod : Enormément de choses, il fait partie de ma formation. Je l’ai rencontré très jeune, adolescent. J’allais tous les soirs au théâtre dans la région de Lyon, j’adorais ça, c’était mon plaisir et ma vie — et, un jour, j’assiste, au TNP, à la première de Grand et petit, de Botho Strauss, mise en scène de Claude Régy. Les deux tiers de la salle sont sortis pendant la représentation ! Et moi, je suis resté presque seul sans applaudir car je ne savais pas du tout ce à quoi je venais d’assister. Pas du tout. Je ne savais pas si j’aimais ou pas. Puis, bien sûr, ça a travaillé. La « rémanence », dit Claude. Et je suis allé revoir ce spectacle de nombreuses fois. À l’époque, j’aimais tout ce que je voyais et, à partir de ce moment, je n’ai donc plus aimé que ça, voyez, comme ça arrive… Donc, oui, il a eu une influence énorme sur ma vie et ma façon de voir les choses. Et puis, comme je l’avais rencontré à l’occasion de débats, puis que j’étais descendu à Nice voir le spectacle suivant, Par les Villages, il m’a fait monter à Paris pour jouer un petit rôle à la Comédie-Française… « C’est drôle de vous voir ici, m’a-t-il dit dans le hall du Théâtre de Nice, je pensais justement à quelqu’un comme vous pour un petit rôle dans Ivanov et je ne savais pas comment vous joindre… » Le rêve de ma vie ! dans une période de grande lucidité où mes parents m’avaient chassé de la maison... J’avais pris ce train pour Nice... Aujourd’hui, je l’appelle quand je suis déprimé, quand j’ai des doutes. Il est très fort pour remonter le moral ! (En revanche, si vous l’appelez alors que vous êtes content de vous, il est sinistre. Je ne le fais plus.) D’un point de vue esthétique, il m’a apporté quelques secrets, quelques « équations », comme disait Marguerite Duras. Par exemple, il m’a dit très tôt que la mort et la folie étaient au centre du théâtre. J’ai entendu ça et ça m’est resté.



Que cherchez vous à créer avec ces passages dans l’obscurité totale ?

Yves-Noël Genod : C’est très compliqué, maintenant, de pouvoir travailler dans le noir complet, à cause des normes de sécurité. Pourtant le théâtre, c’est, par définition, la boîte noire. Il n’y a pas d’autre définition. Et je me souviens d’un entretien de Pierre Soulage avec André Malraux où ces deux-là parlaient des noirs de théâtre comme des noirs les plus profonds qui soient, les noirs velours. J’ai donné plusieurs spectacles dans le noir total dont celui qui a fait ma réputation : Le Dispariteur, à la Ménagerie de Verre, en novembre 2005. Le noir permet au spectateur un accès direct à son monde intérieur. C’est un temps de communion physique, comme ce qui s’est passé aux Bouffes du Nord, par exemple, avec 1er Avril (mon dernier spectacle). Mon travail avec les lumières et le noir est aussi un moyen de mettre les lieux en valeurs, de mettre en avant la sensualité des murs, des espaces, de donner vie au lieu même du théâtre. J’aime que le théâtre devienne, en fait, le seul et unique personnage de la représentation. C’était en tout cas le projet avec le spectacle des Bouffes du Nord. Le théâtre même. Le lieu. Le temple. « La Nature », dit Charles Baudelaire. Il y a les longs échos — dans un espace mental  — des parfums, des couleurs et des sons.

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L ui



« Mis à part le fait que je suis un décadent, je suis aussi son contraire. » 

(Jouer Dieu)

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I ndependencia de la palabra


« Un style de décadence est celui où l’unité du livre se décompose pour laisser la place à l’indépendance de la page, où la page se décompose pour laisser la place à l’indépendance de la phrase, et la phrase pour laisser la place à l’indépendance du mot. »

(Jouer Dieu)

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C omida cruda


« Que tu alimento sea tu medicina y que tu medicina sea tu alimento. »

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