Sunday, December 14, 2014

E motion


(Je n'ai, jusqu'à présent, malheureusement, jamais été touché par les spectacles de Maguy Marin que j'ai vus, mais, ici, oui, beaucoup : je la rencontre...)

U n texte sur Angélica Liddell


Jhon Fou
Merci, oh, grand Yves-Noël Genod, grâce à toi, j'ai pu voir quelque chose de précieux.
C’est une vieille folle, recroquevillée, elle déambule, un torchon dans la main, on y voit ses épines, sa colonne vertébrale ressort comme un animal.
Elle déambule, elle fait des signes aux acteurs, leur dit quoi faire ou quand s’arrêter, et puis elle est seule, ou non, elle est nombreuse, ses démons l’accompagnent toujours,
C’est mouillé, il y a de la bière, de l’eau aussi, beaucoup d’eau, beaucoup de sueur, la sueur des hommes, de celui qui a violé.
Elle geint, elle jouit, elle hurle, pleure, chuchote, chante et danse…
Ses anges gardiens sont là (chanteurs ukrainiens phénoménaux)
Au début c’est une princesse, une belle princesse, rockeuse (elle porte un blouson en cuir noir), elle nous raconte un rêve qu’elle a fait , un rêve ou la réalité, peu importe, elle est allongé sur son divan, elle rayonne (le bleu lui va si bien).
De belle, elle devient moche ; de grande, elle devient petite, Angélica Liddell me fait voyager à travers ses états, à travers ses douleurs, si profondes que je n’y vois pas le fond, il fait très noir là-dedans, l’obscurité y est si intense que même la flamme d’une bougie ne suffit pas.
La sueur du violeur, elle en fait une rivière de pétales de rose ; l’atrocité est vu sous un autre angle maintenant ; elle n’a pas peur de le regardé.
Philippe a dit en sortant : « Cette femme est une plaie vivante ».
Je comprends ce qu'il veut dire, elle deale avec sa vie…
Je me suis laissé happer, l'atmosphère dans ce somptueux théâtre qu'est l'Odéon était chargé.
Elle me laissait le temps de goûter aux choses.
Je me sens gâté, ce soir.
Voilà ce qu'elle dit…
« Nous ne sommes pas libres d’utiliser le sexe comme nous le voulons. Il a autant à voir avec la fragilité qu’avec la force. Quelle compensation donner à nos besoins qui ne passent pas par le politiquement correct ? Nous vivons de manière beaucoup trop propre, alors que nos désirs sont faits de boue. J’écris mes spectacles à partir de cette boue, pas du jugement. L’art n’est pas la loi, ni une organisation d’assistantes sociales. C’est un acte d’épiphanie individuelle. Trop de gens confondent aujourd’hui l’expression et la correction. »
Je pense de plus en plus à résilier ma carte cinéma UGC...

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P anoramique


Photo Philippe Gladieux

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S ans réservation


Ce soir, à 18h30 et demain lundi à 21h, entrée libre pour les avant-premières de Rester vivant au théâtre du Rond-Point. Attention ! le spectacle se déroule dans le noir total ! Durée : 2h30 avec entracte(s)

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R adio


Laure Adler (je parle du spectacle à 36mn20s)

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Le genre sombre
      
Yves Bonnefoy que j’ai beaucoup lu pour préparer ce spectacle dit que la poésie qui s’est si incroyablement épanouie au XIXème siècle en France avait complètement disparu quelques décennies auparavant (dans la deuxième moitié du XVIIIème), qu’elle n’apparaissait plus qu’en sous-genre dans ce que l’on nomme le « roman gothique ». Beaucoup de Baudelaire provient probablement de cette sensibilité à ces lectures…

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H ommage à Pierre Notte


Je suis toujours admiratif — ébahi — par ces articles de brochure qui décrivent précisément un spectacle dont, pour ma part, je n’ai même pas l’idée, qui le décrivent comme s’il avait lieu, comme s’il était fini, dans la boîte et qui tombent juste — ou peut-être est-ce spécialement pour ce spectacle qui est sans doute plus une commande que les autres : j’aurais ainsi rempli le cahier des charges... Cela se produit aussi avec le texte d’Isabelle Barbéris pour le programme mécéné par le Festival d’Automne, texte écrit aussi il y a plus d’un mois… Il s'agit de rhétorique, je le sais, et il s'agit d'un « exercice de style » à la Raymond Queneau, mais comment ne pas en apprécier la virtuosité ?
« Yves-Noël Genod vise l’acte poétique absolu.
Il est le fils de Dante et de Pasolini. Le rire solaire en plus. Un ange remonté des limbes, créature céleste à la séduction démoniaque, il va plonger le théâtre dans le noir, et le public dans une écoute totale. Son projet : transformer l’espace de représentation en boîte intime. Son théâtre, cage d’exhibitions à émotions, devient un espace à délires et à dérives. Il brûle les codes, il casse les règles. Yves-Noël Genod a fréquenté les maîtres Antoine Vitez, Claude Régy ou François Tanguy. Il s’est affranchi des influences pour mettre le feu à tout « l’establishment culturel ». À son actif, près de quarante titres, dont En attendant Genod ; Pour en finir avec Claude Régy ; Jésus revient en Bretagne. Au Rond-Point en 2012, il créait Je m’occupe de vous personnellement. Moments uniques, rares. Instants de grâce, d’insolence, d’inventions, de bouleversements.
Il s’empare ici des Fleurs du mal de Baudelaire, recueil de cent poèmes publiés en 1857, aussitôt condamnés, interdits, mauvaises herbes devenues monuments de la culture, dont les mots suintent le désir et le sexe, la mélancolie et la mort. Tout a été dit de ces splendeurs venimeuses, jamais elles n’ont été entendues ainsi. Baudelaire et Genod se rencontrent dans le noir. Acteur et poète, il avance, recule, s’éloigne, traverse le plateau plongé dans l’obscurité totale. Voix proche ou lointaine, le souffle est là, presque tactile. Des étoiles naissent de ces collisions entre les mondes du poète maudit et l’univers d’un exégète de l’audace. Puis les poèmes laissent place au commentaire, le comédien extrapole, discourt, partage. Rester vivant offre le risque d’une expérience inédite. Entendre des voix dans le noir, éprouver par vibrations les paroles des poètes, des princes maudits de la littérature. Genod ambitionne de provoquer le geste artistique essentiel, où chacun vient se sentir en vie, fêter d’être au monde, et rester vivant, infiniment. »

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Sandrine Brunner
... et bravo !
Je t'ai remercié pour ce voyage comme s'il était terminé alors qu'en réalité je n'en suis pas encore tout à fait revenue...
Peut-être même n'ai-je  nulle envie d'en revenir...
Merci...
Ce fut un de ces moments qui se gravent très fort en soi et qui participent et influent sur la vie qui reste à venir...
Merci. Bravo

Julia Palombe
Bravo et merci à toi, Yves-Noël, de présenter un tel spectacle. De la poésie dans le noir pendant 2h30 en 2014, c'est un acte de résistance ! Quelle expérience j'ai vécue... tant de beauté, de sons, d'images, d'inspirations... Un volcan de sensations, avec un surplus d'âme. J'aurai aimé t'offrir un verre, mais j'étais tellement encore dans Baudelaire bercée par le son de ta (tes) voix, que je suis sortie sans te le proposer... Au plaisir de te revoir, Julia

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