Sunday, January 18, 2015

E ntre Liliane et moi


Salut chère Liliane, j'ai enlevé ton commentaire tout à l'heure parce que je ne le comprenais pas. Et puis voilà que dans la file d'attente de la caisse à la Fnac (j'ai acheté Le Rouge et le Noir), j'ai pensé : on est responsable de ce qu'on lit (tu avais dit : écrit). C'est sûrement pas plus malin, je ne suis pas philosophe, mais je le comprends mieux. Je me sens, curieusement, moins responsable des spectacles que je fais que de ceux que je vois... Je t'embrasse, très chère

— Oui, ne t'inquiète pas, ma formule trop rapide pouvait ne pas être claire pour certains... Je suis persuadée qu'on a tous les droits et je me battrai pour une TOTALE LIBERTE mais je voudrais que chacun soit en mesure d'assumer ce qu'il écrit, fait, jusque dans l'échec... C'est compliqué mais il me semble qu'une forme de courage est inséparable de toute création. Pour moi ce que tu fais est lié au courage et inséparable de ce que tu es. Il ne s'agit pas de contrôle de ce qu'on fait (on avance parfois dans le noir) mais d'énergie... ne pas céder à la pulsion de mort. Ne t'inquiète pas, tu avais le droit de supprimer quelque chose qui ne te convenait pas et qui sans doute était hâtif et aurait nécessité un éclaircissement. Je t'embrasse avec affection, prend soin de toi et sois fier de ton travail qui est DANS LA VIE

— Je comprends mieux ce que tu dis là, en effet, c'est très clair. Courage, sans doute, oui, bien sûr, évidemment, évidemment... j'ai toujours l'impression d'en manquer, il en faudrait tellement. Mais un ami qui fait un film où j'apparais dans le rôle (improvisé) d’un prof de théâtre vient de me montrer la scène déjà montée et j'ai noté parce qu’il y a 2 phrases que je dis qui sont très fortes (comme les tiennes) ; je parle à une comédienne que je fais travailler : « On peut pas faire semblant d'être mort » et « Tous les moyens sont bons pour détruire le théâtre ». A bientôt, Liliane, merci !

— « On peut pas faire semblant d'être mort », c'est magnifique ! Je recopie ça dans mon cahier avant d'aller dormir... MERCI !

Labels:


C'est très bien. Parfait ! Pendant un moment, c'est un peu difficile à lire (pour moi) parce qu'on sent que tu as une idée en tête — a priori — (« Je suis Charlie », c'est nul) que tu essayes de faire passer, mais, à la fin, on comprend le chemin — et ça se tient, surtout en relecture. Ceci dit, je pense, au fond, et même en surface, que l'Autre, ça n'existe pas. Enfin, ce n'est pas, au fond, très intéressant, parce que ce qu'on appelle l'autre, ce qui sépare, c'est l'idéologie (et l'idéologie, tu sais ce que j'en pense), c'est ça qui sépare de l'empathie. L'empathie s'arrête où commence l'idéologie. En fait, les autres n'existent pas, je ne sais pas si c'est ce que je pense, mais c'est, en tout cas, ce que je dis aux acteurs pour qu'ils jouent ensemble, je leur dis : les autres, c'est pas les autres, c'est des alter ego, comme des parties de soi-même... (Sinon on est dans la formule de Sartre, « l'enfer, c'est les autres » qui n'est stupide que parce que justement les autres n'existent pas.) C'est vrai que c'est mystérieux, l'apparition de ce slogan, « Je suis Charlie », je me demandais aussi, et aussi qu'il soit apparu si vite, si vite... Y a un mystère sur lequel on peut se pencher. Moi, je ne l'ai pas employé, ce slogan, t'auras remarqué, il me gênait (sans doute dans le sens que tu expliques) et je ne voulais pas aller non plus à la manif d'unité nationale de dimanche, mais pourtant j'ai été content quand j'ai appris que cette manif avait été si grandiose et, tout à l'heure, je me suis promené dans Paris dans la belle lumière, dans le centre de Paris avec la foule et j'ai senti cette unité, cet apaisement, cet ensemble : oui, c'était beau comme une ville étrangère, nous étions unis par ces fragments de langage, le parler français qui s'échangeait dans la foule... Sur la façade du Centre Georges Pompidou, il y a cette photo imitant La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix, avec la date du 11 janvier et le mot : « UNIS » — et j'ai trouvé ça assez juste, oui... Sinon, personnellement, je pense que la conception anglo-saxonne du peuple est plus réelle, enfin, plus réelle, c'est plus compliqué, ça permet de comprendre ça et pas ça, Jorge Luis Borges en parle très bien, à propos du rossignol de John Keats, il paraît que les Anglais, à cause de leur tel sens de l'individualité, ne comprenne pas quand Keats dit que le rossignol qu'il entend est le même que celui qui dans la Bible, etc. L'espèce. L'Espèce humaine.
Bref, ton texte est très bien. Ne change rien.
(Ce n'est pas tout à fait vrai que le Charlie de la formule ne dit que la sidération devant le massacre et la communion morbide avec les victimes, il dit d’abord une idée : la défense de la liberté d'expression — qui n'est peut-être pas une idée, après tout, mais seulement un sentiment vif. Mais c'est vrai, le côté « schtroumpf »...) (Ce que je ne comprends pas, c'est la déresponsabilité face aux événements : de quoi serions-nous responsables ? On ne parle que des musulmans ou des religions tout le temps...)
« Je pense donc je ne suis pas Charlie » : très bon !

Labels:

L es Pellicules de Felix (rerun)


Photo François Stemmer


Bonjour, juste un petit mot, on se voit demain, j'ai aucune idée de ce que l'on va faire, mais c'est pas mauvais signe, il est trop tard pour préparer quoi que ce soit, maintenant, c'est la force de la page vierge qu'il faudra invoquer. Il y a ce texte de Michel Houellebecq qui peut vous servir d'appui, ce serait rigolo qu'on puisse en faire qqch, rigolo parce qu'on serait alors certainement les premiers ! à essayer de sortir une forme à partir d'un texte si neuf (et si polémique, etc., ancré dans le réel, en tout cas), mais c'est peut-être hors de notre portée, trop ambitieux. On verra...
Le temps va passer très vite. 
L'essentiel, c'est demain. 
Souvent, j'ai construit mes spectacles presque en temps réel. Comme je manque de temps de répétition, le premier geste est le bon, le premier pas sur le plateau, il faut le refaire, on n'a pas le temps d'en chercher un deuxième. Je vous en parlerai demain. C'est cette qualité de la première fois qui me touche et que je demande de retrouver, d'être capable de refaire. 
Idéalement tout devrait se faire demain et, les autres jours, on se contenterait de refaire, de repasser notre copie, de célébrer ce même endroit. C'est si rare que les choses apparaissent. (C'est pourtant la vérité.)
A une époque où j'étais sans doute plus en forme, on construisait, dans les stages, plusieurs spectacles, on jouait tous les soirs le spectacle de la journée.
Je suis fatigué et c'est agréable, c'est vrai, ces temps de stage où l'on peut chercher plutôt que toujours immédiatement trouver. Ça change. 
Mais j'ai la nostalgie, souvent, de ces vitesses de répétition et je m'ennuie souvent des lenteurs (des fausses résistances) des stages. Il me semble que la vitesse est plus exacte (plus inconsciente).
Les auditions sont toujours chez moi des splendeurs. Et il y a qqch qui se perd ensuite, parfois à jamais.
C’est le désespoir.
L’année dernière, pour le stage Casser une noix, où il y avait 10 places, mais 200 demandes, j’ai, au dernier moment, décidé de prendre 60 personnes pour travailler précisément cette excellence de l’audition (un groupe de gens bien habillés ou déshabillés qui se retrouvent dans l’espace et c’est parfait, on a tout, dans tous les sens) et comprendre si on pouvait la faire perdurer plus longtemps. Je prenais les gens toujours par groupe de 10 ou 12 toutes les 2 h, et ça tournait, etc.
L'idée, c'est toujours de tourner autour du réel, évidemment, c'est-à-dire de qqch qui n'est pas qqch et dont on ne sait rien (sauf que c'est réel, mais rien de plus). Il faut beaucoup de ruses, d'invocations et de chance.
Surtout la chance.
Il faut mettre le hasard dans le coup. 
Ça demande une grande santé.
Croire au hasard.
(Au sens où Francis Bacon dit qu'il peint avec le hasard.)
Je suis en mauvaise santé en ce moment, très mal au dos et au bras droit, de l'arthrose, et il faut encore que je le vois comme une chance. 
J'ai repris un cours de danse avant-hier et ça m'a plutôt fait du bien (ça n'a rien empiré, en tout cas). Si vous avez des pratiques que je pourrais rejoindre pour me mettre un peu plus en forme, en mouvement, ou des soigneurs vraiment bien sur Bruxelles, vous me direz.
Vêtements : important. Ne venez pas avec (simplement) vos vêtements de travail. Je trouve que ça ne donne jamais rien. (Et comme je veux tout tout de suite...) Quelqu'un de vous dont m'a parlé Léa, mais dont le nom m'échappe encore se propose de s'occuper de costumes. Ce sera très apprécié ! En attendant, demain, venez avec vos plus beaux atours*. Je dis toujours que je ne mets les gens nus sur scène que parce qu'ils sont mal habillés ; quand ils sont bien habillés, je ne les déshabille pas. Mais c'est un peu vrai. C'est si rare, le vêtement… Ce que nous nous proposerons de faire s'apparente de toute façon à la haute couture : la présence (partir de la personne) et l'habiller. La présence est première et son habit de lumière.
Tenez, une citation de Gilles Deleuze (sorti de l'Abécédaire, R comme résistance (et non pas religion)) qui en parle mieux que moi :
« moi, je crois que, à la base de l’art, y a cette idée que — ou ce sentiment très vif —, une certaine honte d’être un homme qui fait que, l’art, ça consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonnée, hein ? L’homme ne cesse pas d’emprisonner la vie, ne cesse pas de tuer la vie. La honte d’être un homme… L’artiste, c’est celui qui libère une vie — une vie puissante, une vie plus que personnelle, c’est pas sa vie... Libérer la vie, libérer la vie des prisons que l’homme… Et c’est ça, résister. C’est ça, résister — je sais pas, moi… c’est… On le voit bien avec ce que les artistes font… Je veux dire : y a pas d’art qui ne soit une libération d’une puissance de vie. Y a pas d’art de la mort, d’abord. »
A demain, 11h, à la Raffinerie, salle des Machines
YN

* B. (Le plus souvent) au plur., et parfois iron. Tout ce qui entre dans la parure des femmes; en partic. parure riche et/ou surannée. Beaux, grands, riches atours 

Labels:

S tage sur l'amour (3)

     
« Ce n'est pas tellement de liberté qu'on a besoin, mais de n'être enchaîné que par ce qu'on aime. »

Labels:

T ard dans la vie


« Je suis dur
Je suis tendre
Et j'ai perdu mon temps
A rêver sans dormir
A dormir en marchant
Partout où j'ai passé
J'ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place ou la foudre a frappé trop souvent
Un coeur ou chaque mot a laissé son entaille
Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement »

Labels: