Monday, May 04, 2015

I l faudrait que tu parles comme si tu ne parlais pas


Peut-être tu pourrais faire aussi quelque chose de religieux... Un évangile... Ou si tu accroches à saint Julien... Ou Dostoievski.  Il y a le dernier livre d'Emanuel Carrère qui est très bien, Le Royaume. Il faudrait que tu parles comme si tu ne parlais pas. Que ça ne change pas d'un poil ta présence. Aucune action. Si tu vois...
YN

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V oici un décor pour tout jouer


Bonjour Yves-Noël,
Comme promis, je reviens vers toi, plein de constatations sensorielles digérées mais aussi plein de questions.
Précédemment je parlais de théâtre « thérapeutique ». Pour moi, il peut en effet « soigner » l'acteur, car il n'est pas dans l'effort de justesse, il n'apporte aucune angoisse liée aux contraintes (techniques, spatiales ou de temps). Pendant ces longues improvisations, je me suis senti devenir théâtralement sans aucun effort tout en ne me ménageant pas pour tenter d'être pleinement. Comme s’il nous était permis de laisser sortir ce qu'il y a de théâtre en nous mais qu'on ne révèle qu'en solitude, dans la douche, aux toilettes, dans son lit. Ces choses que l'on cache bien pudiquement pour éviter d'avouer notre légère folie et se persuader d'une « raisonnabilité » entendue qui conforte chacun dans une réalité commune, mais qui sans doute, participe aussi à nourrir l'ensemble de nos malaises. Quand la pulsion ne peut être contenue, elle est tout de suite de trop car elle n'est pas normée, pas nommée. Dans cet espace qui nous était donné lors de ces « rencontres auditions », nous avions le droit de lâcher ces pulsions sans honte ou sans a priori car le lieu théâtral était devenu intime. Il se transformait alors en nos toilettes, notre douche, notre lit et la peur de dévoiler quittait peu à peu ce lieu qui est compris et admis de tous comme publique. Dans cette façon d'aborder le théâtre, l'intime devient publique sans voyeurisme ni perversion. En douceur car il induit chacun de nous au même niveau d'ouverture. C'est en cela que je trouve la parcelle de théâtre que tu nous as apportée comme « thérapeutique ».
Et la première question ou la première intrigue qu'il me vient, c'est : Comment s'introduit le public là-dedans ? Est ce qu'il est à l'aise ? Est ce qu'il est curieux ? Est ce qu'il devient pudique ? Est ce qu'il se libère à son tour ? Est ce qu'il a envie de monter sur scène ? …    
J'ai encore bien d'autres questions, notamment j'ai fait des rapprochements dans ma tête avec André Antoine et ce que tu disais sur la façon de porter un texte, tes recherches vers un naturalisme du corps et de la voix, ta façon de vouloir supprimer l'espace formel de la scène et du face-public. Tu me diras si cela te parle ou si tu penses que je fais des rapprochements un peu simples entre ta vision du théâtre et celle d'Antoine au XIXème.
Je vais m'arrêter là pour l'instant. Mieux vaut y aller petit à petit pour comprendre, mais il y a plein d'autres connexions qui sont venues me chatouiller l'esprit lors de ces auditions...
Je te souhaite de passer de bons moments au Mexique et espère que tu pourras répondre ou nourrir mes réflexions encore un peu confuses. 
PS : Tu m'excuseras si ce mail et plein de fautes, l'orthographe et la conjugaison ne sont pas de mes points forts.  
A bientôt
   
Ça me fait bien plaisir, ce que tu me dis ! Tiens, une phrase d'Emil Cioran qui pourra nourrir tes « réflexions un peu confuses » :  « Pour moi l’homme n’existe véritablement que quand il ne fait rien. Dès qu’il agit, dès qu’il se prépare à faire quelque chose, il devient une pitoyable créature. »  Je te conseille fortement de te plonger dans Hamlet et dans tous ses personnages. Tu m'as l'air d'attaque ! Voici un décor pour le jouer et je rajoute un très, très gros orage qui en dit et qui en dit (mais je suis torse nu, malgré l'absence de portes dans la maison où j'habite, il ne fait pas froid).  J'aimerais bien que tu transportes cette matière à toi tout seul (il y a Ophelia, etc.) Tu pourrais faire beaucoup d'autres choses, mais commence par Hamlet, non ? dans les prochains jours... Je suis toujours étonné à quel point les acteurs perdent leur temps. On se revoit en juillet ? Tu seras par là ? Je veux dire par Lyon ? YN


Et aussi l'article de « Libé »sur Giorgio Agamben, le passage sur la « puissance ».

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« Pues, lo lamentarás »

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