Sunday, July 12, 2015

S ur cette terre


La représentation est commencée, je n’y suis pas allé ce soir, bien que je le désirais, hier, y être encore. On joue Œdipe sur le parking du théâtre, j’entends le chœur, mais c’est très fort ce qu’il s’est passé hier, pour moi. C’est la toute première fois que j’entends de quoi il s’agit, une tragédie grecque. Ça fait pleurer. Gwenaël Morin est très fort pour faire commencer le théâtre. C’est un génie. Dans le sens qu'il arrive à un résultat très simple (après énormément de travail). Ce n’est pas un mot qui lui va vraiment, « génie », car c’est un génie modeste. Moderne. Il est le metteur en scène le plus sérieux en France, je trouve, celui qui me fait vraiment découvrir le théâtre. Pas les fastes du théâtre, non. Pas les mystères du théâtre, non. Pas son infini ni sa poésie. Mais le théâtre cru, dru, nu, lapidaire, concret, irréductible, à l’os, tragique (en un mot). La tragédie d’Œdipe tyran, vous savez, quand il se crève les yeux : « Hélas, hélas, tout est clair ! Lumière, je veux te voir pour la dernière fois »... La veille, j’avais vu le spectacle de Zingaro, On achève bien les anges, sous un énorme chapiteau près de l’hippodrome. Moi, je suis aux anges quand je vois un spectacle de Bartabas. Au début, je pleure de rage qu’il lui arrive, à lui, et si bien, de vivre la vie que j’aurais aimé mener : avec les bêtes — et puis je suis moi-même comme le cheval qui danse, c'est-à-dire dans un âge mental d'enfant de trois-quatre ans, comme on dit que les bêtes demeurent, elles, toute leur vie. Moi, j’ai la chance d’être invité partout, mais le spectacle de Zingaro doit être hors de prix, il y a trente-cinq chevaux sublimes (sans compter la volaille et l’espèce humaine), mais celui de Gwenaël Morin sur la colline qui prie, sur le parking, c’est cinq euros. Je cherche un appartement, ça me prend mon âme, mais dans Œdipe tyran, il est dit (en tout cas, je l’ai entendu) : « Sur cette terre, ce qu’on cherche, on le trouve. C’est ce qu’on néglige qui nous échappe ». 

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