Saturday, February 13, 2016

T raversée de la pluie à Paris


Ce sont des jours merveilleux. Des giboulées de mars et encore le froid de février (oui, en ces temps de réchauffement climatique, le froid devient merveilleux). Tout le monde est malade, mais tout le monde survit. Bien, en fait, même merveilleusement bien. Il y a un effet — si on y est sensible — un effet de présence qui s’appelle Paris, un effet proche d’un effet de politesse, je dois dire. A Paris, on rencontre beaucoup de monde dans la rue. Ma mère s’étonnait de ça, que je rencontre, comme ça, ma sœur, dans Paris, alors qu’il y a quand même beaucoup de monde — et c’est vrai que c’est étonnant, mais, au fond, c’est exactement ça, la « présence » d’une grande ville de culture, on y rencontre ses proches, ses connaissances, son réseau et ses amis de ses amis de ses amis. On peut aussi se parler au téléphone, on peut aussi lire des livres. Par exemple, voilà, j’ai un dégât des eaux, qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai rencontré ma voisine (qui subit le dégât des eaux), j’ai appelé mon père pour un conseil pour boucher le trou du dégât des eaux, je suis sorti acheter le produit, le matelas (c’est le dernier jour des soldes) et voir aussi cette nouvelle boutique que Sylvie m’a indiqué (Dieu soit loué, je n’y ai rien acheté) : The Broken Arm. A Habitat (place de la République), vendeur agressif, je passe mon chemin. A The Broken Arm, très sympas. Qu’est-ce qu’il y a de belles filles dans les magazines ! Des nouvelles beauté, des physiques nouveaux. Au BHV, très sympas, mais encore un tout petit peu vulgaires : voulant vendre, mais un poil, je traverse la Seine. Je parle au téléphone avec Dominique. Chez Conran Shop, j’achète un énorme matelas (alors que j’en voulais un petit) parce qu’il ne coûte rien (deux cents euros), mais, bon, il faudra de nouveaux draps housses, il fait cent soixante. Au Bon Marché, je me crois chez Proust, c’est la magie : un grand magasin pour une clientèle de riches. Là, c’est réellement merveilleux parce qu’on voit que les riches sont nombreux, quand même, très nombreux un samedi après-midi au Bon Marché — et qu’ils s’amusent comme des petits fous. Et, là, quand même, tout le monde est gentil, les serveurs sont haut de gamme, comme dans les palaces (c’était déjà le cas chez The Conran Shop, un tout petit peu moins, peut-être, mais très peu, chez les jeunes). Je reste longtemps au Bon Marché. Je regarde les draps, les lits à quinze mille euros. C’est somptueux, lin bio et tout et tout  (laine, crin de cheval…) L’épicerie ! Le labyrinthe de l’épicerie. Je me perds. Mais toujours quelqu’un de gentil peut te donner la direction comme au premier jour sur la terre — c’est bizarre que ça me vienne, cette expression, au premier jour sur la terre, on peut imaginer que personne ne savait rien... Si, au contraire, tout le monde savait tout... Je remonte en métro vers la rue de Dunkerque, j’ai rendez-vous avec Emmanuel Guinchez pour parler d’opéra : on a un projet : Adam et Eve. C’est vrai, ça s’est jamais fait, ce serait chouette, quand même, de faire la Genèse avec les animaux et puis une soprano, un ténor et un baryton (pour le serpent), le célèbre trio de tous les opéras qui se déclinent ensuite… Ça ne se fait pas de parler de projet, mais j’en parle, là, parce que celui-ci est quand même très très peu engagé, c’est une rêverie et l’on ne sait pas encore s’il ne vaut pas mieux qu’elle reste une rêverie. Je vais ensuite au Castorama fameux de la place de Clichy. Il est dans un bâtiment abject qui a détruit un cinéma magnifique, etc., mais il est une institution merveilleuse : là aussi les vendeurs connaissent leur passion, leur job et l’amour de leur job. Un vrai plaisir. Je traîne, j’admire, je rêve, je sors et la pluie, toujours, lave la ville comme à Brest, de grandes lampées, de grandes coulures noires et j’avance jusqu’à la Librairie de Paris qui, elle aussi, comme Castorama, c’est le quartier, ouvre jusqu’à vingt heures. Dominique m’appelle pendant que je suis en train de lire un texte d’Emmanuel Carrère sur un entretien raté qu’il avait fait avec Catherine Deneuve, évidemment comme c’est un écrivain, il a raté son entretien, mais il a fait un texte magnifique. On parle longtemps dans la librairie. Elle me dit que cette fille qui s’appelle Aymeline Valade, il faudrait qu’elle me la fasse rencontrer. Dans la librairie, je rencontre aussi Juliette Dominati et Pedro Pezet, deux jeunes artistes qui terminent les beaux-arts de Cergy. J’avais rencontré Juliette à Lyon, elle travaillait un moment avec Gwen — et elle me raconte qu’une des tâches dont Gwen l’avait chargé, ç’avait été de lire mon blog en entier. Mon Dieu ! je m’esclaffe, je compatis ! quelle torture atroce... Non, ça lui a beaucoup plu (quand je vous dis que les gens sont polis...) Juliette Dominati a un site et Roberto Pezet aussi (rajouter dot com). Dans le métro, en sortant à Clichy, j’avais aussi croisé Nathalie Kousnetzoff qui sortait de Théâtre Ouvert (où elle a juste eu le temps de me dire qu’elle y avait croisé Jonathan (Capdevielle)), elle était pressée, elle, à l’ancienne, plus personne n’est pressé, à Paris, ça va péter, ça va chuter, ça va perdre, tout le monde maintenant est poli dans le Paris de toujours, tout le monde est heureux et beau, tous ces visages à l’infini, la mode, les visages, les corps protégés par les vêtements, la beauté de tous, la rareté des filles, alors que l’horreur pourrait éclater d’un instant à l’autre, oui.

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E lle me fait mal


« Me duele una mujer en todo el cuerpo. »

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