Sunday, May 22, 2016

« Propos oubliés,
à nous respirer, l’espace
est chacun de nous. »

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L e Mancenillier


« Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques de vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cours d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses aux camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les romans et les essais insensés comme ceux de X, Y et Z, ajoutez les noms vous-mêmes, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, — devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement. »

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« Nous, simples citoyens, avons un pouvoir énorme, qui par notre action peut avoir des répercussions majeures. Mais nous ne l'exerçons pas. Nous devons aller vers un comportement frugal.
Certaines multinationales sont par leurs activités nocives à notre planète. Mais ces mêmes entreprises que nous pointons du doigt, nous les nourrissons tous les jours. Certes, il y a des faits que je ne peux pas renier. Je suis également en cause sur certains comportements, lorsque, par exemple, je fais le plein d'essence de ma voiture. Mais il y a des espaces dans lesquels je peux prendre des initiatives personnelles. C'est à ce titre que je parle de sobriété.
En devenant « simples », nous pouvons ainsi poser des soucis aux multinationales. En effet, elles fonctionnent sur une approche subliminale, qui est de mettre l'individu psychologiquement dans le manque. La marge du superflu qu'elles engendrent est sans limites. Face à cette tentation, nous pouvons jouer un rôle majeur en adoptant un comportement raisonnable. « Est-ce que je me comporte avec simplicité et sobriété, répondant ainsi à mes besoins légitimes, ou suis-je dans l'avidité permanente ? » »

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M adame Arthur



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S e faire un jeune


Frannie LC postait un message sibyllin : « Ce soir, Madame Arthur », que je découvrais vers 20h15. Le temps de m’en assurer, j’étais dans la salle vers 21h30, ça venait de commencer, la salle était encore froide comme j’aime (sauf la ventil’ : j’ai rattrapé froid), l’arrière du show-biz, la répète, enfin, bref, j’étais comme un gosse et comme les gosses sont : comme un poisson dans l’eau. Au fond, je n’aime que les soirées inattendues et, là, ç’en était une. Je n’étais jamais venu à Madame Arthur. Pourtant une institution. Sur l’autre trottoir : Chez Michou. Frannie LC, sous le nom de France, officiait avec deux copines — très bien, les copines, rien à redire, très complémentaires — à chanter des chefs-d’œuvre du répertoire de music-hall français, à les chanter d’une manière assez sobre, d’ailleurs — ce qu’il faut entendre comme un gage de qualité, la prestation —, ce n’est pas que ça ne soit pas « joué », toutes ces chansons doivent être « jouées », et même « travaillées », comme Mauriane le dit, apostrophant le public : « Tu es fauché ? fais comme moi : travaille ! », mais c’est fait de manière à ce qu’on entende tous les mots. « De la poésie », répétait Monsieur K, le maître de cérémonie. En ce moment, je suis tellement persuadé que le fascisme sera au pouvoir en France dans un an (comme en Hongrie, etc.) (il faut dire que, comme j’ai du temps (le chômage), je lis les journaux, je ne devrais pas, influençable comme je suis) (tellement persuadé — ça, c’est l’évidence pour tout le monde — que la gauche au pouvoir ne cherche qu’à lui déblayer le terrain — et c’est pour ça qu’on la hait et qu’on est pétri de honte d’avoir pu, un jour, participer à son élection pour le sale boulot de construire l’autoroute au fascisme (il reste un an, vous allez voir, ça va aller vite) (enfin, bref) qu'instinctivement je répertorie, je recense les spectacles qui devraient, dans un an, pouvoir passer la rampe. Parce que, fascisme ou pas, il faudra bien qu'on sorte, comme au temps de l’Occupation, le ciel sera parfois bleu, dégagé. Eh bien, Madame Arthur continuera, ça me rassure. Ça ne devrait pas fermer. C’est protégé (« Pigalle ») et c’est tant mieux parce que c’est, comme je disais, de qualité. Il y a une silver lining (doublure d’argent) à l’arrivée du fascisme au pouvoir : tous ces spectacles « de gauche » très mauvais, bling-bling (gauche caviar), à la trappe. Tout le festival d’Avignon, à la trappe. Le théâtre de la Colline, à la trappe. Bon, qu’est-ce que je voulais dire ? Il faut pas me laisser partir comme ça… Ah, oui, Mauriane (j’écorche peut-être son nom, c’est pas grave, c’est la plus belle et donc la plus méchante des trois) m’a proposé un boulot de ramasseur de verres. J’ai dit que je pouvais aider, oui, que j’habitais pas loin. Puis avant de partir et de laisser les filles à la prostitution (pas mon genre), j’ai échangé deux mots avec Frannie LC, je lui ai dit que je n’allais pas bien depuis le mois de janvier (depuis que j’ai arrêté de travailler), que j’attrapais crève sur crève (et encore ce matin) au moindre courant d’air… Il m’a dit de faire un jeûne — et comme Jean-Bapt’ m’en avait parlé aussi cette semaine — avec une ambiguité qui m'avait laissé un peu interloqué : « Et si tu te faisais un jeune ? » —, j’ai (re)dressé l’oreille. Frannie m’a dit : « C’est que tu es fatigué d’avoir à ingurgiter le monde. Comme le monde, on ne peut rien trop y faire, on peut agir sur la nourriture. Ça te fera du bien ». D’ailleurs, il l'a dit dans une reprise des Demoiselles de Rochefort, qu’il faisait un jeûne, sans que je comprenne si c’était vraiment dans le texte ou si c’est lui qui l’adaptait à sa sauce (elle fait un jeûne, Françoise Dorléac ?) En tout cas, c’est vrai, cette solution a au moins l’avantage de n’avoir pas encore été essayée.

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