Thursday, May 26, 2016

Yves-Noël cher,
Je suis  bien et je pense aussi à toi de temps en temps, je suis en plein création de une nouvelle série des pièces distinguées, Another distinguée. Il y a  Juan  Loriente et Thami Manekehla avec moi. 
J’ai suivi un peu de loin tes aventures à Lyon avec les dents longs  (expression espagnole pour dire : avec envie). 
Je te regarde et garde dans mon cœur de loin. 
Dès que il y a un lieu pour toi, je te dirai. 
Fortes embrassées, 
M

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R erun : Le mystère revient


Par délicatesse j’ai perdu ma vie est un son-et-lumière, presque un son-et-lumière. La phrase est d’Arthur Rimbaud. Elle n’est pas liée aux événements. 
Mais tout est toujours lié aux événements, ne remarquez-vous pas ? Leçon de théâtre et de ténèbres est un ensemble de sept épisodes et un épilogue qui s’étale voluptueusement sur toute la saison d’automne jusqu’au 31 décembre. Il y a un an et demi déjà, Gwenaël Morin m’a fait l’honneur de m'inviter à interpréter sa pratique du « théâtre permanent ». Cinq épisodes existent désormais comme des spectres, des lumières, des traces. Le N°5 a subi les dommages collatéraux liés aux attentats du 13 et le spectacle est devenu fantôme au carré. Il n’a pas été filmé car César Vayssié travaillait justement à l’intérieur de cet épisode, fabriquant en direct des images éphémères, des visages de marionnettes, beaux, jeunes et vieux fantômes, figures projetées sur les murs de la boîte noire du théâtre. (Voir le teaser ci-dessous.) Dans ce spectacle, on m’aurait vu diriger une masterclass, dévoiler mes ficelles…  Par délicatesse j’ai perdu ma vie, c’est une élégie, encore une fois (« chant de mort »). Je ne sais plus qui a dit que les dieux avaient permis le malheur aux hommes afin de leur procurer des raisons de chanter. Notre métier de troubadour : transformer la mort en vie,
Yves-Noël Genod

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L e Dispariteur


« J’ai perdu mon premier roman dans des conditions tout à fait curieuses. Un jour, j’ai classé tous mes papiers avant un déménagement, et j’ai mis dans une valise tous ceux que je voulais jeter, et dans une autre valise, tous les manuscrits que je voulais conserver. Et j’ai jeté la valise avec les manuscrits. »

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P ierre Droulers


Parler de Pierre — il me semble que j’en ai déjà parlé… mais je ne retrouve pas mes notes. Tant mieux, je sais ce que je voudrais dire, mais on voudrait toujours n’avoir pas à le dire. Ce serait mieux de ne pas se parler comme on se parle, ne trouvez-vous pas ? Pierre m’a, concrètement, ouvert un espace en Belgique — c’est un pays concret, la Belgique… pas tant que ça. Il me semble que ce que propose Pierre, c’est d’ouvrir des espaces qui justement ne ressemblent pas à la manière qu’on a de parler — et, même, que ce ne serait pas la peine de parler de la vie, la vraie chose est tellement plus vaste. C’est cet accompagnement, cette couleur que je ressens dans son action. Comme de parler à un peintre… Nous avons travaillé ensemble, mais nous ne savons pas à quoi. Nous le savons (peut-être), mais ce n’est pas la peine d’en parler. « La spontanéité est le secret de la vie », dit Federico Fellini. L’amitié, le terme d’ « amitié » s’en approche. Pierre a vu beaucoup de mes spectacles, même les plus rares. Je crois, guidé par des filles, au départ, Anissia, Sofie. Je n’ai vu qu’un seul de ses spectacles, à ce jour, très longtemps après, mais c’est pareil (De l’air et du vent, dans sa reprise). A la Raffinerie, invité par Pierre, j’ai donné Blektre, de Nathalie Quintane et Charles Torris, une pièce qu’Hubert Colas m’avait demandé de « mettre en espace » et que, par une astuce, l’enregistrement des voix des multiples personnages et de la didascalie par seulement deux comédiens, j’ai réussi à faire accéder au rang de « grand spectacle » : les performers présents sur scène jouant en un playback approximatif ou je-m’en-foutiste une sorte d’happening très libre. La version proposée à Bruxelles a finalement été plus « pro », plus aboutie qu’elle ne l’était quand Pierre l’a vue à Paris, au théâtre de la Colline, plus « extension du vide », plus trouée et désertique et qu’il a préférée. L’année suivante, il y a eu la grande expérience de 1er Avril (nommé ainsi parce que c’était la date de la représentation) (et sous-titré Jour des fous). Là, avec un véritable et très agréable accueil à la Raffinerie, plus d’argent, un mois en tout, je crois, nous avons pu proposer deux actes que je trouve toujours d’une splendeur exquise. Les souvenirs, les photos et les films en témoignent. Dans l’air flottaient des particules. Il manquait un acte, à mon sens, dans l’élan, j’ai hésité, avec quinze jours ou peut-être seulement une semaine de plus, nous le faisions. Pierre m’encourageait, les bureaux freinaient gentiment pour ne pas que la soirée — de festival — ne s’allonge de trop, il y avait encore un concert après nous. J’ai pensé que le public pouvait ne voir, après tout, qu’une œuvre inachevée (deux actes complètement prêts et l’espace et la matière qui en appelaient un troisième, la résolution). Bien sûr, ce troisième acte n’a jamais été fait et je continue à l’avoir en tête : une sorte de pique-nique cosmique réunissant dans on ne sait quelle lande intergalactique les protagonistes du premier et du deuxième acte (les deux parties présentées étaient très différentes, très éloignées). Mais, deux ans après, un nouveau 1er Avril a eu lieu à Paris, aux Bouffes du Nord (obligatoirement à cette même date et cette fois pour dix représentations), basé sur le même principe que ce premier spectacle, très ouvert, de petites troupes de music-hall, de cinéma perdues dans un espace-temps flottant et malléable. Il y aurait beaucoup à décrire de ce premier spectacle de Bruxelles. La place, ici, est trop étroite, mais, ce sublime spectacle, Pierre s’y est beaucoup impliqué, il m’a accompagné comme un frère, il venait aux filages et me faisait des remarques toujours justes et utiles, demandait que Lorenzo de Angelis, par exemple, double ou triple le temps de ses danses. Le fils de Pierre, Bram, était la star de la deuxième partie de ce spectacle, je ne sais plus quel âge il avait, neuf ans… Je le mentionne ici pour évoquer encore le caractère exceptionnel de ce spectacle. Il était impayable, irrésistible, incroyablement pro aussi (au point de dédaigner les répétitions pour ne se donner qu’en public), jouant avec Marlène Saldana et Jean-Biche. Jeanne Balibar était revenue du Brésil avec une tenue de samba et des chansons qu’elle avait traduite de Caetano Veloso. C’est bien sûr à la Raffinerie, pour ce spectacle, que j’ai rencontré l’ingénieur du son Benoît Pelé qui m’accompagne depuis lors. Comme à mon habitude, nous avons proposé des avant-premières gratuites qui ont permis de jouer plus et de finir de fabriquer le spectacle avec le public. Il s’est créé un réel engouement à Bruxelles. Beaucoup ont vu ce spectacle et ne l’ont pas oublié. L’année suivante, Pierre a perdu la possibilité de programmer ce festival, Compil' d’Avril, dans lequel il m’invitait. Il a alors créé — avec moins de moyens — un festival de formes courtes intitulé Danseur. Et c’est là que nous avons présenté, l’année dernière, le Sacre du printemps renommé, comme il l’avait été à sa création par ses détracteurs, Massacre du printemps : une sorte de poétique du combat de boxe avec deux interprètes, Adrien Dantou et Gaël Sall, dans un ring d’une lumière constamment changeante, vivante comme la nature, aux vitesses naturelles (c’est-à-dire très rapides, bougeant de manière aléatoire) inventé par Philippe Gladieux. Maintenant que les possibilités d’ouverture vers ces espaces qui sont ceux de Pierre autant que les miens — que je ne cherche pas à définir plus que ça —, cette confiance, se referment, que les nuages s’amoncellent, il me semble pourtant que nous n’en avons pas du tout fini, Pierre et moi, de travailler ensemble, que nous travaillons encore ensemble, en un sens. L’amitié, je disais, et, finalement, tous les autres mots font long feu,  
Yves-Noël Genod, 11 mai 2016

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Titre : Qu’en attendant mieux

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« il faut sans cesse changer de costumes et de frissons
et dans les îles je ne te dis pas les amours »

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« Le poème est la ressemblance au texte
S’enfuit avec la ressemblance »

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E l siguiente paso


Et j’ai envoyé une autre carte postale à Claude Régy : « Comment se fait-il que vous me manquiez, manquiez, manquiez ? Vous avez raison, si on se voyait, on n’aurait sans doute rien à se dire, probablement rien à se dire, mais vous me manquez, manquez, manquez, 
Yves-Noël »

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« Quand je fais un film […], je m’intéresse plus aux gens qui travaillent avec moi qu’au film lui-même, qu’au cinéma. »

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A choisir


« J’aime mieux qu’il y ait un préfet de police qui quelquefois, il est vrai, fait visiter mes papiers, et ne pas être obligé de marcher toujours armé : ma vie est plus commode ; mais j’en vaux moins, j’en suis moins homme de cœur, et je pâlis un peu à l’annonce du péril. »

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« Ecrire, c’est entre saisir et rater, entre attraper et manquer »

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J ouer comme Gérard, deuxième cours


« Nous devons lutter chaque jour pour rester sains, pour cesser de nous autocensurer. »

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L ’Art grossier


« Votre esprit est entraîné perpétuellement hors de ses gonds, et surpris dans le piège de ténèbres construit avec un art grossier par l’égoïsme et l’amour-propre. »

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J ouer comme Gérard, premier cours


« Le fait d’être artiste, ce n’est rien d’autre que le désir, la volonté forcenée d’une expression complète, absolue de soi-même. Le seul talent que je pourrais avoir, ce serait de vous faire vous exprimer comme vous le voulez et non pas comme je le veux. »

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K rzysztof Warlikowski


« Il vous presse de décrire tout ce que vous voyez. Avec qui vous avez fait l’amour cette semaine ? Quand ? Qui était la personne avec qui vous dîniez hier soir ? Combien gagne-t-elle ? Porte-t-elle des sous-vêtements ? Rien du tout ? A quoi pensez-vous ? Dites tout. Tout de suite ! Allez ! »

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E xtrait de l’article « La manie de l’exception ou l’art de rester vivant », de Patricia Brignone, paru dans le premier numéro de la revue « Peeping Tom »


« Il ne saurait être de conclusion à cette traversée sans évoquer en touche finale Yves-Noël Genod (le Dispariteur), l’« homme total » au sens d’acteur et performeur accompli, excédant le théâtre comme nul autre (ou « comme si c’était à espérer » pour paraphraser Jan Fabre). Au-delà du costume et de l’allure constitutifs du personnage (à l’esthétique maquillage et coiffure d’un Iggy Pop version dandy), sa position aux frontières du théâtre et de la performance en fait un personnage hors du commun. Qu’il nous plonge dans le noir total le temps d’une représentation à la Ménagerie de Verre ou à Avignon (dans la tour d’une ancienne fabrique de conditionnement de soies12), que la scène soit traversée par quelques corps nus fantomals ou qu’un fatras d’objets les inonde, l’aura opère entre mots, textes dits, improvisés, gestes, faisant sans cesse émerger la question de la présence ; l’acte poétique total en somme (de ceux qui nous aident à rester vivant) ! 


12..... Rester vivant (Baudelaire lu dans le noir) au théâtre de la Condition des soies (2014) précédé du one man show, Le Parc intérieur, variation sur Vénus & Adonis de Shakespeare (2010) dans le même lieu. 

« Je crois que pour un artiste ou un créateur, une conscience excessive du processus de réalisation de ses oeuvres n'est pas bénéfique. Une connaissance excessive du processus me semble néfaste, être un obstacle, et elle risque d'interrompre cette énergie fondamentale, vitale et indispensable qu'on appelle la spontanéité. La spontanéité, le secret de la vie. 
Le seul critère esthétique valable selon moi pour juger une oeuvre d'art n'est pas tellement de dire si c'est beau ou laid, suivant certains paramètres ou canons des différentes esthétiques établies au fil des siècles, en fonction des points de vue et des différentes cultures, mais de savoir si elle est vitale. Il me semble que c'est la définition qui me correspond le mieux et qui me permet d'entrer en contact avec l'expression artistique d'un artiste, d'un créateur, quel qu'il soit. » 

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