Saturday, January 14, 2017

C iel ! mon placard


« Mon panier ne contient que des firmaments, écrivait-elle. »

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C hangent sans cesse


« La notion de « société liquide » est aujourd’hui tombée dans le langage courant, en tout cas le langage médiatique, sans doute parce qu’elle est vraiment pertinente et permet d’indiquer en un seul mot les caractéristiques des sociétés contemporaines. Zygmunt Bauman l’emploie dans un sens précis. Une société est dite moderne-liquide si les situations dans lesquelles les hommes se trouvent et agissent se modifient avant même que leurs façons d’agir ne réussissent à se consolider en procédures et habitudes. Elle est apparue lorsque, à l’ère solide des producteurs, s’est substituée l’ère liquide des consommateurs, qui a fluidifié la vie elle-même, une vie frénétique, incertaine, précaire, rendant l’individu incapable de tirer un enseignement durable de ses propres expériences parce que le cadre et les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées changent sans cesse. »

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Lazare Huet et Simon Espalieu dans Remise Venise

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L ettre à un jeune acteur


Je crois que le principal problème, c’est que tu n’arrives pas à refaire (parce que tu n’as pas les outils, l’entrainement…) — puisque le premier jour, tu as vraiment fait des choses que j’ai trouvées extraordinaires, le duo, le solo porno, et puis cette timidité avec la danse que je pouvais encourager, tu réagissais bien, je sentais que tu avais envie. Le deuxième jour, tu t’es fermé, ou découragé, je ne sais pas, peut-être parce que tu étais déçu de ton état physique, et par manque de confiance dans ton artisanat (artisanat de la danse que tu connais moins).
Alors, prépare-toi physiquement et énergiquement (parce que c’est aussi évidemment beaucoup une question énergétique) et, par ailleurs, rêve beaucoup à la physicalité sexuelle dont nous avons parlé, au porno, etc. et essaye de regarder tous ces tableaux anciens avec des corps nus… Regarde Les Maîtres fous, de Jean Rouch (sur YouTube, au moins des bouts), surtout pour la partie où tu as la jupe. Apprends ton énergie (les « possédés » en ont une sublime). Il y a aussi le réel, le lieu réel. Une fois que tu as bien rêvé les choses, tu laisses flotter, tu voles à la cime — mais dans le lieu réel — , tu t’en fous un peu, tu déroules, sans trop savoir ce que tu fais, tu vas dans l’inconnu au-dessus des choses et des gens avec joie sans retenue aucune… Le côté rock-pop, icône soixante-soixante-dix, Mapplethorpe et Patti Smith jeunes, ça, ça va, tu ne l’as pas perdu… Mets plutôt l’effort sur les tableaux classiques et l’énergie sexuelle (mot très vaste, mais qui n’a rien à voir avec la drogue qui enferme, alors que l’énergie sexuelle amène au-dehors sans vergogne).
Achète-toi de l’arnica en granules 5CH, tu en prendras pour les contusions…
Et haut les cœurs ! (comme dit la grand-mère d’une amie).
Bisous,
YN

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O n n’a plus qu’à entrer


« Vous voulez le service militaire obligatoire. Contre qui ? contre d’autres hommes. Moi, je ne veux pas de service militaire. Je veux la paix. Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée. Vous voulez l’impôt proportionnel. Je ne veux point d’impôt du tout. Je veux la dépense commune réduite à sa plus simple expression et payée par la plus-value sociale.

– Qu’entends-tu par là ?

– Ceci : d’abord supprimez les parasitismes ; le parasitisme du prêtre, le parasitisme du juge, le parasitisme du soldat. Ensuite, tirez parti de vos richesses ; vous jetez l’engrais à l’égout, jetez-le au sillon. Les trois quarts du sol sont en friche, défrichez la France, supprimez les vaines pâtures ; partagez les terres communales. Que tout homme ait une terre, et que toute terre ait un homme. Vous centuplerez le produit social. La France, à cette heure, ne donne à ses paysans que quatre jours de viande par an ; bien cultivée, elle nourrirait trois cent millions d’hommes, toute l’Europe. Utilisez la nature, cette immense auxiliaire dédaignée. Faites travailler pour vous tous les souffles de vent, toutes les chutes d’eau, tous les effluves magnétiques. Le globe a un réseau veineux souterrain ; il y a dans ce réseau une circulation prodigieuse d’eau, d’huile, de feu ; piquez la veine du globe, et faites jaillir cette eau pour vos fontaines, cette huile pour vos lampes, ce feu pour vos foyers. Réfléchissez au mouvement des vagues, au flux et reflux, au va-et-vient des marées. Qu’est-ce que l’océan ? une énorme force perdue. Comme la terre est bête ! ne pas employer l’océan !

– Te voilà en plein songe.

– C’est-à-dire en pleine réalité.

Gauvain reprit :

– Et la femme ? qu’en faites-vous ?

Cimourdain répondit :

– Ce qu’elle est. La servante de l’homme.

– Oui. A une condition.

– Laquelle ?

– C’est que l’homme sera le serviteur de la femme.

– Y penses-tu ? s’écria Cimourdain, l’homme serviteur ! jamais. L’homme est maître. Je n’admets qu’une royauté, celle du foyer. L’homme chez lui est roi.

– Oui. A une condition.

– Laquelle ?

– C’est que la femme y sera reine.

– C’est-à-dire que tu veux pour l’homme et pour la femme…

– L’égalité.

– L’égalité ! y songes-tu ? les deux êtres sont divers.

– J’ai dit l’égalité. Je n’ai pas dit l’identité.

Il y eut encore une pause, comme une sorte de trêve entre ces deux esprits échangeant des éclairs. Cimourdain la rompit.

– Et l’enfant ! à qui le donnes-tu ?

– D’abord au père qui l’engendre, puis à la mère qui l’enfante, puis au maître qui l’élève, puis à la cité qui le virilise, puis à la patrie qui est la mère suprême, puis à l’humanité qui est la grande aïeule.

– Tu ne parles pas de Dieu.

– Chacun de ces degrés, père, mère, maître, cité, patrie, humanité, est un des échelons de l’échelle qui monte à Dieu.

Cimourdain se taisait, Gauvain poursuivit :

– Quand on est au haut de l’échelle, on est arrivé à Dieu. Dieu s’ouvre ; on n’a plus qu’à entrer. »

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Lazare Huet dans Remise Venise

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E ncore un dossier (le dernier...)


Tout ce que je fais en ce moment est grand. De même que l’expérience de Lyon, à l’invitation de Gwenaël Morin, avait suscité une œuvre fleuve : Leçon de théâtre et de ténèbres, splendeur de plus de quatorze heures de spectacle, la soumission actuelle à l’œuvre de Proust décline ainsi, de même, un infini de représentations…  Tout baigne dans A la recherche du temps perdu comme dans une bible (de tout le savoir de l’humanité). L’aventure Proust a commencé à Marseille en septembre à l’invitation de Josette Pisani (Marseille Objectif Danse) par une première étape, Longtemps je me suis couché de bonne heure... Une deuxième à Nanterre, à l’invitation de Philippe Quesne (en novembre), Un amour de soi. Une troisième à Lyon, en appartement privé, à l’invitation de Laure Mayoud, Quelques pages et puis au lit ! Une quatrième à Armentières (festival Vivat La Danse), Remise Veniseà l’invitation de Eliane Dheygere. La prochaine étape sera La Recherche au Théâtre des Bouffes du Nord (à l’invitation d’Olivier Mantéi et d’Olivier Poubelle) et, à la Ménagerie de Verre (festival Etrange Cargo), à l’invitation de Marie-Thérèse Allier, La Beauté contemporaine. Chaque étape décline une forme nouvelle, avec un nombre d’interprètes variable (comme dans Leçon de théâtre et de ténèbres, à Lyon). Unité et démultiplication des formes. Un projet dont le titre générique est maintenant : La Spirale du temps perdu et dont les deux occurrences parisiennes prochaines (les Bouffes et la Ménagerie) joueront par contraste, comme une partie « théorique », les Bouffes, La Recherche, et comme une partie « pratique », La Beauté contemporaine (focalisée sur un épisode spécifique d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs, l’apparition de la « petite bande » de Balbec, c’est-à-dire de la beauté et de la jeunesse). Ce projet, La Spirale du temps perdu, va ensuite se poursuivre à Avignon cet été (à la Condition des soies, la salle que j’aime, dans le Off) et en tournée toute la saison prochaine (etc.) C’est ce projet plein de promesses pour lequel je vous demande votre aide,

Yves-Noël Genod



Yves-Noël Genod, né en 1972, a toujours joué, mis en scène. Il a d’abord travaillé avec Claude Régy et François Tanguy (théâtre du Radeau). A partir de la pratique du contact improvisation, il a dérivé vers la danse avec une collaboration principale avec Loïc Touzé. C’est Loïc Touzé qui lui propose, en 2003, à l’occasion d’une carte blanche pendant le festival Let’s Dance, au Lieu Unique, à Nantes, de fabriquer son premier spectacle. Ce spectacle intitulé En attendant Genod s’appuie sur le modèle des stand-up anglo-saxons. Les commandes (toujours de « cartes blanches » car la fabrication des spectacles se basent sur le hasard, le kairos, le bon moment et le lieu) s’enchaînent ensuite. Spectacles — plus de soixante à ce jour — et performances sont présentés le plus souvent dans des festivals ou des lieux de danse ou de formes hybrides avec des équipes la plupart du temps importantes. Un « théâtre chorégraphié », c’est-à-dire un théâtre dont on aurait enlevé le drame, l’action et dont il ne resterait que la poésie, le fantôme, la danse. Yves-Noël Genod a travaillé avec de nombreux interprètes qu’on retrouve maintenant sur les plus grandes scènes et, dans ce sens, on peut dire qu’il a marqué une génération…