Wednesday, June 28, 2017

« Il s’agit de poser ou de reposer la question de la solidarité un peu différemment. La solidarité envers les personnes exilées qui se trouvent Porte de la Chapelle en ce moment. Celles qui ne sont pas dans le Centre.
Il y a une petite centaine de gens ce matin qui attendent, qui dorment dehors, et qui attendent tout le jour une entrée qui ne vient que rarement dans le Centre d’Accueil. Il y a presque autant de CRS toute la journée autour d’eux.
Ils n’ont pas droit à une tente. C’est vrai. Ce sont essentiellement des hommes mais j’ai vu une ou deux familles. 
Une association vient le matin, et une autre le soir, de l’autre côté du carrefour, pour distribuer petit-déjeuner et repas du soir, mais tous ne le savent pas.
Oui, cette situation est difficile, terrible même. Nous savons qu’il y a des places dans le centre, qu’elles sont distribuées au compte-goutte, que le dispositif de lutte contre « l’appel d’air » et les « points de fixation » est à l’œuvre.
Mais. Mais.
Ce matin j’avais trois heures devant moi. Je me suis rendue sur place. Devant l’entrée du Centre j’ai immédiatement parlé avec quelques jeunes hommes qui attendaient l’ouverture (hypothétique) des portes du Centre, des Somaliens arrivés depuis quelques jours et qui n’avaient pas mangé depuis longtemps. Ils ne savaient pas qu’en traversant la rue matin et soir, ils pouvaient manger un repas grâce aux associations. J’ai discuté une heure avec eux tout en faisant un aller-retour au franprix. Eau. Nourriture. Pour eux et à partager avec les autres en revenant devant le Centre. 
C’est pas grand-chose hein ? Ce que j’ai fait c’est pas grand-chose.
En repartant de là je me suis à nouveau arrêtée auprès d’une très jeune maman Soudanaise et de son bébé. A nouveau un petit aller-retour au franprix pour acheter un poulet-pommes de terre. Parler avec elle. L’informer que dès demain matin elle et son bébé pourront manger matin et soir de l’autre côté du carrefour. Elle n’était pas au courant.
C’est pas non plus la mer à boire, hein, ce que j’ai fait.
Sauf que grâce à ma toute petite action, une bonne vingtaine de personnes mangeront à partir de ce soir deux repas par jour.
A aucun moment les CRS ne m’ont empêchée. J’étais seule, calme…
Il y a aussi l’exemple magnifique d’hier : une petite dizaine de personnes se sont rendues à Roissy pour parler aux passagers d’un vol Turkish Airlines censé emmener à Ankara puis à Kaboul un jeune Afghan en danger de mort dans son pays. Une expulsion donc. Les dix ont parlé dans le hall, sans vraiment croire à une victoire, aux passagers du vol, ont échangé les portables, et une fois les passagers installés, leur ont suggéré, s’ils le voulaient, de rester debout. De ne pas s’asseoir ni attacher leur ceinture. Quelques uns l’ont fait, l’avion a fait demi-tour. L’Afghan n’a pas été expulsé.
Il y a de nombreux plans, de nombreux étages à l’action citoyenne. Mais ne croyez pas que la solidarité envers les plus démunis d’entre nous, en ces temps compliqués, nécessiterait une formation ! Trois heures. Trois heures ce matin pour informer ces personnes de l’endroit où ils pouvaient manger, et leur acheter ce qu’il faut pour aujourd’hui. Et encore j’aurais pu le faire plus rapidement. Mais il se trouve que je me sentais bien là-bas !Oui. Je me sentais bien avec eux, la conversation était belle, simple, vivante. 
Ne croyez pas qu’une situation grave engendrera de la violence sur vous, du malheur chez vous. Ne croyez pas qu’une fois là-bas vous ne pourrez plus rentrer chez vous. Ne croyez pas que c’est vain de parler une demi-heure avec des étrangers qui ont besoin d’eau, et d’aller au franprix pour eux. Ne croyez pas que cela ne sert à rien. 
Le sentiment d’impuissance est une construction de l’ennemi (de l’ennemi symbolique). Je le crois dur comme fer, je l’ai observé, je l’ai expérimenté. C’est la face déprimée de l’individualisme. Ne mordons plus. 
Multiplions les actions en amateurs, les solidarités improvisées. Multiplions les présences sereines, et ça s’organisera tout seul. Ça aussi je l’ai expérimenté. C’est très facile. Passons à travers les mailles du filet. Multiplions-nous ! »

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E t en même temps


« Au Japon, le cercle peut signifier le néant, et en même temps, et de façon apparemment contradictoire, le tout. »

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P oème lu au bord de la mer avec l’émotion retrouvée


« Le soleil s'est couvert d'un crêpe. Comme lui,
Ô Lune de ma vie ! emmitoufle-toi d'ombre ;
Dors ou fume à ton gré ; sois muette, sois sombre,
Et plonge tout entière au gouffre de l'Ennui ;

Je t'aime ainsi ! Pourtant, si tu veux aujourd'hui,
Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,
Te pavaner aux lieux que la Folie encombre,
C'est bien ! Charmant poignard, jaillis de ton étui !

Allume ta prunelle à la flamme des lustres !
Allume le désir dans les regards des rustres !
Tout de toi m'est plaisir, morbide ou pétulant ;

Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore ;
Il n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant
Qui ne crie : Ô mon cher Belzébuth, je t'adore ! »

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