Tuesday, August 08, 2017




Labels:


Labels:


Labels:

L ’amour est à réinventer, on le sait


J’ai un ami photographe (celui qui m’a prêté l’appartement vide) qui s’est rappelé en voyant quelques unes de mes photos d’hier (des pictogrammes, en fait) qu’il avait eu à un moment lui aussi le projet de photographier des couples, mais chez eux, dans leur environnement, leur chambre, couette ou pas couette, d’ailleurs (dit-il). L’« intimité » comme intitulait Chéreau son plus beau film (je n’ai pas tout vu), Intimacy, dont la photo ci-dessous rappellerait l’esthétique*. Il s’agit dans mon souvenir d’une passion. Un homme et une femme se croisent et s’accrochent, ils se retrouvent pendant le temps que dure cette passion sans chercher davantage à se connaître. Et bien sûr les comédiens ne se connaissaient pas, mais étaient devenus amants, comment faire autrement ? (Je crois que Chéreau racontait ça.) Pourquoi veut-on filmer l’amour, l’intimité ? Parce qu’on veut montrer ce qui est vrai. Et où donc de nos jours (en Occident) le trouve-t-on, ce vrai, sinon en amour ? L’amour, toutes ses formes, l’empathie, l’aise à vivre, l’été. On ne trouve pas si facilement le vrai en général en Occident malheureusement parce que les gens y sont individualisés, ils ont peur, ils sont méfiants, névrosés — on leur met dans la tête qu’il faut faire attention à son image, quelle absurdité ! — pourquoi filmer des solitudes ? Tout cela est faux. Archifaux. Et moi, moi comme Chéreau et comme les autres, on veut le vrai, pour le montrer, c’est notre petit job ; c’est ce qui fait la beauté. J’ai lu récemment cette citation de Jeanne Moreau : « Il n’y a pas de mauvais comédiens, il n’y a que des comédiens qui ont peur. » Voilà. Il faut des comédiens — des vivants, comme dit Gérard, on s’en fout des comédiens : « Je ne joue pas, je vis » — qui n’aient pas peur ou qui soient capables de dépasser leur peur (même en faisant bien chier, pourquoi pas ? comme Marilyn), des gens émerveillés par la vie qui les traverse, confiant en eux-mêmes — et en moi —, dans le moment, dans l’instant (comme on dit) de la rencontre, de l’improvisation, que la réflection ou le « projet » n’entravent pas, généreux, je parle de ces artistes ou non artistes qui accepteraient de « tourner des scènes avec des actes sexuels non simulés », n’est-ce pas ? c’est-à-dire vivre, en fait, respirer, ce que l’instinct indique — c’est-à-dire le plaisir — comme une vague (éternelle) sur laquelle surfer, oui, ce que je cherche, c’est exactement ce qu’a cherché Rimbaud terriblement plus intensément que tous les autres : à réinventer l’amour, c’est-à-dire à quitter notre « rapport » au monde pour y regagner notre vraie immersion.  (La vraie vie est absente.) 



* Ou peut-être celle de L'Atalante, de Jean Vigo, me dit Lazare à l'instant, un film qui, à l'époque, avait été censuré.

Labels: