Sunday, September 24, 2017

S eule une poignée



V ie intérieure


Evidemment je rêvais. Tanguy, je rêvais que je parlais à Tanguy ; je ne l’avais qu’embrassé avant de partir, j’étais avec mes amis jeunes et je préférais mes amis jeunes, je n’avais jamais parlé avec personne après tout, surtout pas avec Tanguy, surtout pas avec mes amis jeunes, et je rêvais alors de tout ce que je ne faisais pas dans la vie réelle, enfin, la vie diurne, la vie de la réalité, la vie où nous rêvons aussi, tout est illusion, rien n’est illusion ; et dans le rêve aussi il était question de paysages, de tournées dans des villes étranges, avec Tanguy comme guide, diurne et nocturne, « amphibie » comme dit Proust,  dans des villes, des paysages, et je rêvais que je parlais à Tanguy — je n’avais jamais parlé à Tanguy, de toute ma vie, ni avec personne — qui était l’homme pourtant avec lequel je m’entendais le mieux et je lui disais, dans le rêve, je lui disais, et il me répondait, et je lui disais clairement, par exemple, le cerisier, ou le prunier, je lui disais que ce qu’il m’apportait, c’était qu’il savait mettre en contact les choses naturelles et les choses artificielles, les choses de l’art ; il se débattait, il ne voulait pas « savoir », c’était toujours autre chose, mais je lui disais : « Tu me fais à la fois voir la chose naturelle, par exemple ce prunier, ce cerisier, et qu’elle a été imaginée, admirée par l’homme — et j’ajoute maintenant : comme quand Baudelaire écrit (j’avais relu ce poème, Le vin de l’assassin, dans le RER) : « L’air est pur, le ciel admirable… » Ce que je faisais qui s’apparentait au travail du Radeau, c’était le travail de mon blog : récolter des citations comme les papiers découpés du journal de Kafka qu’on avait étudié au moment de Choral ; et voilà les dernières que j’y ai notées : d’abord « Nous avons successivement le sentiment très fort de deux « vérités » : tout est illusion, rien n’est illusion » ; et aussi « Je suis triste parce que vous partez. Plus triste encore parce que je sais que je vais vous oublier ou plutôt parce qu’un autre que moi va venir, qui vous oubliera » ; et aussi « En conclusion : nos vies sont inventées. Plus le temps passe, plus nos vies sont inventées » ; et donc « La littérature sert-elle encore à quelque chose ? Oui, à nous dégoûter d'un monde que l'on n'arrête pas de nous présenter comme désirable » ; ce qui prouve que « Le bonheur c'est d'intégrer le désespoir dans notre existence ».  Voilà, tout ça, c’était des choses que nous nous étions souvent dites avec François.

Jusqu'au 8 octobre, Théâtre des Amandiers, Nanterre

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J eu de la vie


« Tu vis sans savoir !
Tu verses ton âme,
Ton lait et ta flamme
Dans quel désespoir ?
Ton sang qui s’amasse
En une fleur d’or
N’est pas prêt encor
À la dédicace.
Attends quelque peu,
Ceci n’est que jeu. »

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I l n’y a pas d’adultes


« Dans les Antimémoires, André Malraux demande à un prêtre rencontré pendant la Résistance ce que lui a appris la pratique de confesser les fidèles. « Il n’y a pas d’adultes », répond l’homme. »

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