Thursday, November 02, 2017

L e Cheval blanc


Je m’endormais avec un cheval blanc. On m’avait dit que j’étais animal. On avait ajouté. Ce n’est pas péjoratif. Je n’avais rien dit. C’était ce qui pouvait me faire le plus plaisir. Et c’était vrai. Sans imiter personne, en scène, ce soir, j’avais été animal. Quelle fatigue. Eric Vautrin avait dit : « En fait, ça marcherait pas si tu étais virtuose ». Et la femme, plus tard, celle qui avait dit que j’étais animal, ou l’autre peut-être, Ariane ou Sophie, avait immédiatement compris ce qu’il avait voulu dire : « Ce serait un spectacle, alors que, là, c’est une expérience sensible. » Ces deux femmes étaient belles. J’avais pris leurs coordonnées. Elles ne demandaient rien. Elles étaient actrices pourtant. Eric m’avait dit (j’avais attrapé au vol ce que j’avais pu) : « En fait, tu sautes dans le vide ». « C’est en rapport avec cette masse noire de l’écriture dont tu parles. » « Il y a (tu as) une sorte de savoir ancestral du théâtre à l’œuvre, savant même quelque part, mais au service d’une incertitude. Pas au service de quelque chose qui ramène à toi, mais, à l’inverse, ça ne fait qu’agrandir l’abîme. Ça te vide au sens de : ça te fait pantin, une sorte de figure creuse. Des choses un peu idiotes, des choses un peu mondaines, tu deviens un écran et pas une entité stable qu’on serait là pour l’acclamer, tu nous interdis ça et, parce que tu nous l’interdis, tu nous permets d’entrer dans le spectacle. » Aussi La Ribot était là. Elle était venue dans ma loge. J'étais sous la douche à l'étage. Elle m'avait laissé un gros cœur.

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« C’est ce qui était merveilleux chez Vitez. Il nous disait de copier, de prendre au vol, de laisser un trou si on ne comprenait pas. « Ça fait des accrocs dans le tissu, c’est pas très grave », disait-il. »

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C her tous


(Un mail rapide) 
Comme je disais d’abord à chacun le travail va évidemment s’apparenter à bâtir un spectacle en cinq jours (puisque j’ai accepté la proposition des deux ouvertures publiques). Ce n’est pas, personnellement, pour me déplaire. Cela permet, j’imagine, d’amener dans un stage la vitesse qui correspond en fait à celle de mes créations, toujours avec très peu d’argent donc avec très peu de temps de répétition : le spectacle se bâtit presque en temps réel, le premier geste sur le plateau est le bon parce qu’on n’a pas le temps d’en chercher un autre. Il m’est arrivé, pour 1er Avril par exemple, un spectacle mythique, de construire les cinquante premières minutes du spectacle en un jour et de ne jamais les retoucher ensuite. Là, bien entendu, la pression (de la réussite d’un spectacle) est moindre. C’est un labo. Ça peut-être tout fou. Tout raté. Et peut-être ça peut même être bien que ce soit le chni (on m’a appris ce mot, mais je ne sais pas comment il s’écrit). Mon père aussi, quand je l’employais, n’aimait pas trop répéter, mais comme il était excellent, je le faisais souvent venir en dernière minute d’un premier filage public et il était bouleversant… Il faudrait travailler comme ça, que ce ne soit pas des répétitions, mais directement des représentations. Not ideas about the thing, but the thing itself.
Ça n’interdit pas d’énormément rêver en amont et même ce qu’on appelle travailler ! Préparer. Antoine Compagnon, le spécialiste de Proust, dans une vidéo que j’ai vue hier dit qu’un artiste travaille trente-cinq heures par jour. Mais c’est vous personnellement avec vous-mêmes, ça. Votre cuisine. Votre vie.
Le groupe est très bon (maturité des lettres de motivation, etc.). Ceci non plus n’est bien sûr pas pour me déplaire. 
Beaucoup de talents divers, pas seulement de jeu, mais aussi de musique, de langues, d’architecture, etc. Il faut apporter tout cela bien sûr.
Pensez à apporter des costumes, perruques, maquillages, etc., tout ce dont vous avez envie et qui pourrait faire de l’effet immédiatement (robes du soir évidemment, smokings ou costumes, chaussures, chic, sous-vêtements, etc., ou glaise, paillette, plastique, matières pourquoi pas — si on arrive à mélanger des matières de luxe, précieuses, et des matières brutes et salissantes ou « dangereuses » pour les dentelles et les satins, ça pourrait être très beau. Enfin... Armures, épées, si on trouve, c’est si rare. Robes de théâtre, de reine ou de princesse. Enfin, bon. J’adore les parures, la mode, les choses les plus belles, si on peut les avoir, les choses de théâtre (les plus précieuses)…
Comme il y a cette rêverie sur Hollywood et comme je vois dans les vidéos des ressemblances avec des actrices ou des acteurs de cinéma (sans que je puisse toujours les nommer), je voudrais vous encourager à regarder les stars en vue vraiment de les copier. Oui, le plagiat si décrié, mais c’est comme ça que ça marche. Elles se copient, les stars, entre elles, elles s’observent, elles se guettent — de la même façon, après tout, que les peintres commençaient à aller au Louvre et, pour en devenir, à copier les maîtres. Je crois que c’est Cocteau qui racontait que quand Picasso allait rendre visite à d’autres peintres, il fallait tout mettre sous clé, sinon il revenait à son atelier et refaisait les tableaux dans la journée pour les sortir avant. Et Sarah Kane dit : « Je suis une cleptomane des lettres ». Ça ne fait que piquer, c’est comme ça, l’art. Madonna prenait des cours avec Martha Graham très âgée, mais qui était surtout une star, et Madonna qui n’en était pas encore une arrivait en avance pour observer comment elle descendait de voiture (car Martha Graham descendait de voiture exactement comme une star). N’hésitez pas donc à vous amuser à rentrer dans la peau de John Malkowitch (pour reprendre le titre de la comédie célèbre, Becoming John Malkowitch), à vous faire vampiriser par les visages en gros plans, par les fantômes d’Hollywood, les histoires battues et rebattues des étoiles mortes dont la lumière parvient encore… Surtout celles auxquelles vous vous mettriez à ressembler… Ceci n’est qu’une suggestion.
Ah oui, Mathieu m’a dit qu’il aimerait travailler sur une pièce de Jean-Cul Lagarce qui s’appelle Hollywood, que je ne connais pas et que je n’aurai pas vraiment le temps de lire. Mais c’est une idée. C’est beau et pas trop compliqué, je crois. Et je tombe sur cette phrase de lui citée aujourd’hui dans un texte de Vincent Macaigne : « Dire aux autres, s’avancer dans la lumière et redire aux autres, une fois encore, la grâce suspendue de la rencontre, l’arrêt entre deux êtres, l’instant exact de l’amour, la douceur infinie de l’apaisement, tenter de dire à voix basse la pureté parfaite de la Mort à l’œuvre, le refus de la peur, et le hurlement pourtant, soudain, de la haine, le cri, notre panique et notre détresse d’enfant, et se cacher la tête entre les mains, et la lassitude des corps après le désir, la fatigue après la souffrance et l’épuisement après la terreur. » Là aussi, ce n’est que suggestion. Vous aurez infiniment d’autres idées meilleures…
Yves-Noël

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U ne robe de Jean Colonna


Photo de Marc Toussaint

D e la montagne (j'avais déjà, je crois, faire lire ce poème à mon père)


« Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l'été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

J'ai vu un jour les volontés du monde s'en aller.
Elles suivaient le même cours ― une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent. »



(Je me suis aperçu de la faute dans le titre, je la laisse parce qu'elle donne l'idée d'un futur intentionnel...)

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« Eluard effleura un bouton/ le mur s'ouvrit/ et le jardin apparut. »

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