Wednesday, February 21, 2018

L e Phallus fantôme


« Le « quelque chose de pourri » que le pauvre Hamlet a à remettre sur ses pieds, est quelque chose qui a le rapport le plus étroit avec cette position vis-à-vis du phallus. À travers toute la pièce nous le sentons, ce terme, partout présent dans le désordre manifeste qui est celui d’Hamlet chaque fois qu’il approche, si l’on peut dire, des points brûlants de son action. Je ne pourrai aujourd’hui que vous indiquer les points qui nous permettent de le suivre à la trace.
Il y a quelque chose de très étrange dans la façon dont Hamlet parle de son père. Il y a une exaltation idéalisante de son père mort qui se résume à peu près en ceci que la voix lui manque pour dire ce qu’il peut avoir à en dire et que véritablement, il s’étouffe et s’étrangle pour conclure en ceci, qui apparaît une de ces formes particulières du signifiant qu’on appelle en anglais pregnant [lourd de sens], c’est-à-dire quelque chose qui a un sens au-delà de son sens.
Il ne trouvait rien d’autre à dire de son père sinon, dit-il, qu’il était a man comme tout autre. Ce qu’il veut dire c’est bien évidemment le contraire, première indication et trace de ce dont je veux vous parler. Il y a bien d’autres termes encore. Le rejet, la dépréciation, le mépris jeté sur Claudius est quelque chose qui a toutes les apparences d’une dénégation.
C’est à savoir que dans le déchaînement d’injures dont il le couvre, et devant sa mère nommément, il culmine dans ce terme : « Un roi de pièces et de morceaux », un roi fait de débris raboutés, qui ne peut pas ne pas nous indiquer qu’il y a là quelque chose aussi de problématique, et dont assurément nous ne pouvons pas ne pas faire la liaison avec un fait, c’est que s’il y a quelque chose de frappant dans la tragédie d’Hamlet par rapport à la tragédie œdipienne, c’est qu’après le meurtre du père, le phallus, lui, est toujours là.
Il est bel et bien là et c’est justement Claudius qui est chargé de l’incarner.
C’est à savoir que le phallus réel de Claudius il s’en agit tout le temps, et qu’il n’a en somme pas d’autre chose à reprocher à sa mère, sinon précisément — à peine la mort de son père — de s’en être remplie, et de la renvoyer d’un bras et d’un discours découragés à ce fatal et fatidique objet, lui ici bel et bien réel, qui semble être en effet le seul point autour duquel tourne le drame.
C’est à savoir que pour cette femme... qui ne nous apparaît pas une femme — dans sa nature — tellement différente des autres, dans la pièce ...il y a — étant donné tous les sentiments humains qu’elle montre par ailleurs — quelque chose de bien fort qui doit quand même l’attacher à son partenaire. Or, il semble bien que ce soit là le point autour duquel tourne et hésite l’action d’Hamlet, le point où, si l’on peut dire « son génie » étonné tremble devant quelque chose de complètement inattendu. C’est que le phallus est en position tout à fait ectopique par rapport à notre analyse de la position œdipienne. Le phallus, là bel et bien réel, c’est comme tel qu’il s’agit de le frapper. Hamlet s’arrête toujours. Il dit « Je pourrais bien le tuer » au moment où il trouve notre Claudius en prières.
Et cette sorte de flottement devant l’objet à atteindre, ce côté incertain de ce qu’il y a à frapper, c’est là qu’est le ressort même de ce qui fait dévier à tout instant le bras d’Hamlet, justement ce lien narcissique dont nous parle Freud dans son texte du Déclin de l’œdipe. On ne peut pas frapper le phallus, parce que le phallus même s’il est là bel et bien réel, il est une ombre. »

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